Justice : les victimes ne lui disent pas merci 13 septembre
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L’homme qui a reconnu avoir tué Christelle, 20 ans, en 1996 en Saône-et-Loire avait refait sa vie dans les Landes. Refoulant pendant dix-huit ans ce lourd passé.
Jean-Marc Ducos et Geoffroy Tomasovitch | Publié le 13.09.2014, 07h56
Blanzy, le 12 septembre. La mère de Christelle Blétry, tué de 123 coups de couteau en 1996 s’effondre en pleurs. Le meurtrier présumé de sa fille a avoué, plus de 17 ans après les faits. | AFP/ THIERRY ZOCCOLAN
C’est avant tout l’histoire d’une mère qui n’a jamais renoncé. Pendant dix-huit longues années, Marie-Rose Blétry a réclamé la vérité sur la mort de sa fille Christelle, massacrée en 1996 à Blanzy (Saône-et-Loire). Elle a sollicité des expertises, dénoncé les inerties de la justice, allant jusqu’à vendre des viennoiseries pour financer sa quête de vérité, partagée par les familles des « disparues de l’A 6 », affaires criminelles non résolues survenues en Bourgogne.
Son obstination a payé. Cette semaine, Pascal Jardin, meurtrier présumé de sa fille, confondu par l’ADN, a avoué les faits.
Cette histoire est aussi celle d’un homme qui a échappé pendant ces mêmes longues années à la justice. En 1996, Pascal Jardin vivait à Blanzy. Il n’a pas été entendu. A l’époque, cet homme discret n’avait aucune raison d’être soupçonné. Il ne fera jamais parler de lui, jusqu’en 2004 et une condamnation pour une tentative d’agression sexuelle avec arme.
Démasqué parce que fiché
En sortant de prison, Pascal Jardin est parti refaire sa vie dans les Landes, menant une existence familiale et professionnelle normale. Peut-on continuer à vivre en refoulant un passé criminel présumé ? Oui. Les psychiatres appellent cela le clivage. On enfouit une facette de sa personnalité ou de son passé, et on vit comme s’il n’existait pas. Cette histoire est enfin celle des progrès de la science. Grâce à eux, les experts ont réussi à isoler l’ADN de Pascal Jardin sur les vêtements de Christelle. Et comme il était fiché depuis sa condamnation, il a enfin été démasqué. « Ce dossier n’a jamais été clôturé, les investigations n’ont jamais cessé », insiste Christophe Rode, procureur de Chalon-sur-Saône. Il n’empêche. Sans la ténacité de Marie-Rose Blétry, de ses avocats et de la police judiciaire, cette affaire n’aurait peut-être pas été élucidée. « Il a fallu faire preuve d’acharnement pour obtenir les nouvelles expertises des scellés. Dans certaines affaires criminelles, on détruit des scellés alors qu’elles ne sont pas encore résolues. C’est se priver d’avoir une chance de trouver une solution en raison des avancées de la science génétique. Le courage des victimes l’a emporté face parfois à une justice qui n’est pas toujours de leur côté », soulignent M es Didier Seban et Corinne Herrman, avocats Marie-Rose Blétry.
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Le Parisien
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Meurtrier présumé de Christelle : la vie tranquille d’un employé fan de Cluedo
Jean-Marc Ducos | Publié le 13.09.2014, 08h20
L’ADN de Pascal Jardin, 56 ans, a été retrouvé sur des vêtements de Christelle Blétry, tuée de 123 coups de couteau en 1996. | (Récup Facebook.)
À l’en croire, la véritable passion de Pascal Jardin, 56 ans — le meurtrier présumé de Christelle Blétry, 20 ans, massacrée de 123 coups de couteau dans la nuit du 27 au 28 décembre 1996 à Blanzy (Saône-et-Loire) — est le Cluedo, ce célèbre jeu de résolution d’énigmes policières.
Une passion dévorante qu’il revendique sur un réseau social aussi. Cet ouvrier agricole employé dans un abattoir d’élevage de cailles a été arrêté mardi à son domicile de Retjons (Landes) par les enquêteurs de la police judiciaire de Dijon (Côte-d’Or). Il avait refait sa vie dans ce village après une condamnation à deux ans de prison dont un an avec sursis en 2004 à Chalon-sur-Saône pour tentative d’agression sexuelle. Il ne fera alors que six mois de détention.
Son nom n’est jamais apparu dans l’enquête
Les enquêteurs avaient en main les derniers résultats d’expertises génétiques très pointues pratiquées sur les vêtements de la victime, examens demandés par Mes Didier Seban et Corinne Herrmann, les avocats de la famille Blétry. Ces recherches ont permis de mettre un nom sur le suspect, père de deux enfants, inscrit au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) après l’agression de 2004. Un homme presque transparent qui vivait à Blanzy au moment du meurtre de Christelle et dont le nom n’était jusqu’à présent jamais apparu dans l’enquête.
« Personne ne s’est jamais plaint de lui ! Je dois avouer ma surprise et ma gêne. On l’avait embauché comme saisonnier et cela se passait bien avec la hiérarchie, on l’a donc gardé définitivement. Il embauchait à l’heure et répondait présent », s’étonne Pascal Collot, le directeur général de la société d’élevage Caillor, l’employeur de Pascal Jardin. Un chef d’entreprise qui n’a jamais eu connaissance de sa précédente condamnation en 2004 car « nous n’avons pas le droit de disposer de ces informations ».
Pascal Jardin était chargé de l’élevage des volailles pour cet abattoir spécialisé. « Un homme sympathique, bricoleur, sans histoire, dynamique, drôle, c’est l’image qu’il donnait de lui », insiste son voisin Gilles Capes, qui refuse de l’accabler.
Et pourtant, Pascal Jardin, sous « son air bonhomme » comme le dépeint le voisin, a été décrit comme un tueur impitoyable par les enquêteurs qui avaient ciblé dans le passé une quinzaine de suspects. En vain. « Le soir du meurtre, après une soirée un peu arrosée dans un bar, il aurait croisé à son retour, sur la route, Christelle qui rentrait d’une soirée entre amis. Il l’a forcée à monter dans sa voiture et elle aurait cherché à fuir avant d’être rattrapée par son agresseur, un couteau à la main », explique Christophe Rode, le procureur de la République de Chalon-sur-Saône.
La jeune femme a été laissée dans le fossé gelé près du lieu-dit de l’Etang-d’Ogles, son blouson de cuir percé à 123 reprises. Le suspect ne s’est pas expliqué sur le mobile durant sa garde à vue, alors qu’il a avoué à trois reprises les faits. « Il n’est pas impossible qu’il l’ait agressée pour des sollicitations sexuelles », a précisé le commissaire divisionnaire Paul Montmartin, le patron de la PJ dijonnaise, avant d’ajouter que « le suspect a perdu le contrôle de lui-même », sans doute sous l’emprise de l’alcool.
« Il a le profil d’un prédateur en maraude qui cherchait sa victime », insiste Marie-Rose Blétry, la mère de la victime, stupéfaite par l’identité et le profil du meurtrier, cet homme marié, père de famille, qui aurait pu comme tout à chacun « lui acheter les brioches » qu’elle vend toujours sur les marchés locaux pour financer son association de victimes.
« Cet homme est atypique. On peut se poser la question de savoir s’il n’est pas impliqué dans d’autres dossiers criminels dans la région », évoquent quant à eux déjà d’une même voix Mes Didier Seban et Corinne Herrmann. Une première série de vérifications n’a rien donné. D’autres plus approfondies ont déjà été demandées.
Le Parisien