Que fait Cyprien Luraghi le 12 novembre 2008 ? 13 novembre
Comme à son habitude, lorsqu’à 4h47 le 12 novembre 2008 un message électronique véhiculant un logiciel espion m’est envoyé par un hacker fermement décidé à violer l’intimité de ma vie privée par tous les moyens à sa disposition, le psychopathe et mythomane Pascal Edouard Cyprien Luraghi qui dans sa folie m’assimile déjà à Nicolas Sarkozy et ne se couche jamais avant 5 heures du matin lit la presse et écrit sur Internet.
Il s’intéresse tout particulièrement aux articles et commentaires qu’il peut lire sur le site Rue89, et à l’affaire de Tarnac qui vient d’éclater dans la journée du 11 novembre 2008 avec l’arrestation très médiatisée de Julien Coupat et de neuf autres personnes.
Il l’écrit sur son blog le 17 novembre 2008, dans cet article délirant où, entre autres choses jetées sur le net dans le plus grand désordre, il se revendique terroriste, comme il le faisait assez souvent avant de n’en craindre quelques retombées désagréables :
Chez Cyprien Luraghi − En ligne et à l’œil depuis 2001Terreur au terrier
Par cyp | Publié : 17 novembre 2008© Annie Luraghi 2008© Annie Luraghi 2008
Allez hop, c’est la saison des terroristes.
Roger Velu tremblote de tous les poils de ses oreilles : des anarchistes de l’ultra gauche vivant en communauté sexuelle se sont faits arraisonner au petit matin dans le paisible bourg de Tarnac, Corrèze, en possession de tout l’attirail nécessaire pour faire sauter la France.
Monsieur de Kerdrel vient de le proclamer haut et fort : « Après un siècle de domination marxiste, le cauchemar a pris fin à Tarnac » J’ai trouvé ça sur le petit forum du site de Tarnac. Le ci-devant Kerdrel pourra enfin dormir pépère, comme la France entière, abrutie aux neuroleptiques : les successeurs de Ravachol sont au cachot républicain.
Roger Velu commençait à se lasser de la teigne car ça faisait bien dix ans que le Présideur Sarkolas, dès qu’il prit place au poste de Joseph Fouché, avait mis la haute pression sur les islamoterroristes peuplant nos bidonvilles périurbains, livrés à eux-mêmes depuis l’escampette des courageux industriels vers des pays où la main-d’œuvre est encore moins onéreuse et rouspétante que celle qui, sous forme de bétail berbère et nègre, avait été importée dans les années 60, afin de mieux casser les revendications démentielles des ouvriers bien de chez nous… Ceux-là mêmes dont fait partie mon Roger Velu, et qui urinent un coup FN, pour mieux chier dans l’urne à l’UMP quand vient le temps de la grosse commission.
Mais qui sont donc ces enragés, ces autonomes, ces totos comme ils se nomment eux-mêmes ?
Chloé Leprince, à travers deux articles publiés dans Rue89, tente de les entrevoir mais ce n’est pas évident. Et pour cause : ils n’aiment pas la presse et les médias bourgeois.
En un sens je les comprends : rue89 est un journal de gauche, oui mais quelle gauche ? Celle du Libération de Joffrin, celle du Charlie de Val, c’est-à-dire bien proprette, pas comme chez ce vieux cochon de Siné.
Comme partout dans la presse, j’y lis avec plaisir de bons articles et j’apprécie beaucoup leur forum ; j’y ai quelques excellents copains et mes petits habitudes. Je ne crache pas dans la soupe à l’encre, vu que j’écris avec. Un peu quand même…
Vous pouvez les lire ICI et LÀ .
Les centaines de commentaires qui leur font suite sont des plus intéressants ; Chloé et quelques uns des lecteurs nous gratifient d’un nombre de liens conséquents pointant vers les œuvrettes absconses de nos ultragauchistes de la mouvance anarchiste autonome, qui sont devenus d’un seul coup les Goldstein de la séance de haine publique de notre petite province d’Eurasia.
Ceci posé, ça me permet d’écrire que nous nageons en pleine science-fiction : j’ai beau brasser du document à m’en faire péter la pensette, je ne sais que penser de ces conditionnels qui s’additionnent : le gang des Corréziens a bel et bien les fers aux pieds, mais l’enquête suit son cours et les journaleux n’ont pas grand-chose à se coller sur le clavier. Comme le résume le procureur en charge de l’affaire : le silence des accusés est suspect en soi et se rajoute au faisceau de présomptions.
Or les faisceaux et moi… Je vais donc me plonger dans l’imaginaire, puisque je ne vaux pas un clou dans la réalité, laquelle souffre déjà terriblement dans cette affaire.
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Il n’y a plus rien. Nada, nihil. Juste le monstre oppresseur, et nous là tout en-bas.
Là-haut, ils disent que c’est une démocratie, mais loin s’en faut : je n’ai aucune prise sur leurs décisions, bien que je sois comme tout un chacun : soufflé par la violence extrême des gouvernements qui se succèdent depuis que je suis né, et particulièrement par celui de l’infâme et vulgaire Sarkolas qui cumule l’intégralité des tares de Napoléon III, tout en s’offrant le luxe laid d’une effarante inculture.
C’est en cela d’ailleurs qu’il est le plus nocif : notre gouvernement ne déteste rien tant que la culture, et par extension la pensée. Il nous dicte et nous obéissons. Et il est tout à fait normal qu’il nous insulte à la télévision : nous sommes des chiens et il n’aime pas les chiens non plus, sauf s’ils ont quatre pattes et les chiennes des cuisses écartées.
Je suis un dangereux terroriste.
Je me suis fait rafler dans une de ces fameuses opérations coup de poing de Raymond Marcellin un soir des années 70, à la sortie du théâtre où je travaillais, en compagnie d’un gang de chevelus pas frais sous les aisselles.
J’ai trafiqué des émetteurs de radios pirates en 1980.
J’ai milité pour la légalisation des drogues illicites.
Je donne des ordinateurs aux écoles et aux pauvres.
J’ai les portraits de Louise Michel et du Mahatma Gandhi bien en vue dans mon atelier.
J’ai des amis arracheurs de plantes OGM.
Je maraboute Sarkolas.
Je n’aime pas mon notaire.
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Pendant longtemps, j’ai ourdi des complots : heureusement que je n’avais pas sous la main la kalachnikov salvatrice ! J’ai même pensé un temps, avec un groupuscule, faire sauter la colonne de la place de la Bastille. Vraiment. C’était en 1980 et nous nous réunissions dans la chambre 1005 du Foyer de Jeunes Travailleurs, au 165 de la rue de Charonne, Paris 11. Mais nous étions de bien piètres artificiers, et puis on n’avait aucun contact avec aucun autre groupuscule… et puis bon, on avait beau être minots, on n’était tout de même pas si cons. Et cette peur de faire du mal aux autres, si ça tournait mal. Nous avons donc fumé tous les pétards et oublié tout ça.
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Pendant longtemps, ils ont ourdi des complots.
Faire trembler le moloch. Secouer les chaînes des serfs hébétés en les mettant face à la fragilité du système aliénant dans lequel ils ne sont que des rouages. Faire le coup de poing contre la Force Bleue de l’État Policier. Faire des coups d’éclats, des coups tout court ou bien foireux, qui donnent le goût du danger.
Tout petits ils en rêvaient déjà avec la pelle et le râteau en plastique rouge sur le bac à sable dans la cour de récréation : étaler des punaises sur la chaise de l’institutrice, fabriquer des super gros pétards avec du sucre, du charbon pilé et du désherbant en granulés jaunes. Essayer vainement de foutre le feu au gymnase municipal avec du mazout mais ça ne marche pas. C’est là qu’ils sont heureux, la la la.
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De quoi semer panique et souk.
Et faire changer le monde si hideux ; faire justice où il n’y en a pas.
À cause des petits riches et des petits pauvres, comme dans un conte du Moyen-Âge ; ça n’avait pas changé quand ils ouvraient les yeux : toujours cette injustice, primaire ; ces seigneurs. Tous les jours sous les yeux, que tu ne peux pas éviter du regard, étant riche ou pauvre toi-même.
Pauvre de chez nous, pas autant que ceux des ailleurs qu’on voit à la télévision, ces Soudanais si maigrelets qu’on entasse à trois cent derrière un arbre du désert pour jouer à cache-cache, dans les blagues. Ces Soudanais du monde entier qui nous mettent dans l’embarras parce que du coup on se sent riches.
Et si je suis riche, j’aide les pauvres dans mes rêveries ; déjà au secondaire je grave le nom du Che sur le pupitre ; je les défends en étudiant pour plus tard, comme lui, aider les masses populaires ; je suis de toutes les manifs à dix-sept ans et soudain propulsé dans l’haleine piquante de la Force Bleue ; je sens ses coups battre mes flancs, ses injures sonner à mes tympans.
J’élabore des théories et j’imagine ; je mets au point des stratagèmes ; je dissèque la dialectique ; je veux comprendre et dès lors que ce sera fait, je cesserai de piaffer pour voir le monde autour de moi ; voir dans ceux des premiers rangs les pionniers des nouveaux territoires de l’impensé. Je fais du tas de sable table rase.
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Ou je vais loin, dans le perdu, le trou du ; au fin fond du pays : pionnier encore, pionnier toujours. Mais pas colon, mon bon.
Je tâte le fumier et le pis des biquettes ; à la cuisine ça sent les haricots. Aux rebords de la toile cirée, les coudes sont posés, les mains sous les mentons, le soir. Les oreilles écoutent parler. Une voix fait autour d’elle silence et je l’entend sortir de moi ; elle résonne dans l’os et la dentine, et volubile enroule les idées, happées de mille discussions.
Je ne veux pas de centre parce que je suis un anarchiste et il y en a un pourtant ; c’est moi. Je sais enfreindre le modèle et les autres aussi ; tout se fait en silence et on ne prie ni dieu ni maître. C’est la question du chef, délicate et taboue. Le collectif est une roue dont les rayons vont au moyeu, classiquement.
Avec eux je peux faire et nous serons alors, bruyants, gênants, piquants de banderilles le taureau noir, lilliputiens qui par millions achèveront le règne des ruffians.
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Plusieurs fois dans ma vie, j’ai rencontré une foule de gens comme les encagés de Tarnac : des qui en connaissaient d’autres aussi, des qui avaient dynamité des lignes à haute tension près des centrales nucléaires. Il y a très longtemps et puis n’insistez pas : je ne les connais pas nommément.
Il y a eu Gégé et sa raïa qui sont allés bousiller l’incinérateur municipal de Fumel (Lot-et-Garonne).
Les détails de l’histoire ici : CLIC.
J’ai bossé un an pour ce Gégé, enfin pour son association… mais surtout pour sa pomme. Quand j’ai lu l’histoire des Tarnacois, j’ai tout de suite senti la similitude, bien que Gérard soit nettement plus bas de gamme que nos embastillés corréziens et ne soit en rien un théoricien allumé.. ou fumeux, comme vous voudrez.
Il a du charisme, mon Gége, un peu comme ce Julien Coupat, que le Ministère du Contrôle présente comme un chef terroriste. Ce que je ne crois pas une seule seconde. Terroriste c’est autre chose que Pied Nickelé. Détruire un incinérateur… Sabotage. Je vous dis pas le destroy qu’ils y ont fait : éclaté les chaudières en fonte à coups de masse, bousillé toute l’installation électrique… et pochetronné en vomissant partout jusqu’au petit matin, où les camionnettes à gyrophares bleus sont venues les cueillir.
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Tous les Roger Velu du voisinage ont poussé un grand ouf : d’une pierre deux coup : bon débarras les anarchistes d’ultra gauche révolutionnaires autonomes et adios l’incinérateur qui pue. Car le bestiau n’a jamais repris du service depuis. Les Roger Velu aiment les terroristes quand ça les arrange, et de très loin, avec un pince à linge sur le nez et le calibre 12 prêt à tirer.
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Les arracheurs de caténaires ont raisonné comme des bourrins. Il faut savoir se rendre populaires, sinon tu as tout faux. Règle d’or.
Gégé tout con qu’il est, avait bien appris sa leçon. Terroriste, c’est quand on veut la mort des gens. Arracher des caténaires…
Que les encagés de Tarnac soient coupables ou non, et que l’on trouve trop risqué de s’impliquer et d’impliquer d’autres personnes pour passer à l’action, et même si on pense que cette action est vaine et puérile comme je le fais, il faut garder raison et trouver totalement disproportionné le déploiement criard de la force publique pour arraisonner ceux sur lesquels la police politique savait tout depuis toujours.
En cela, les autorités au pouvoir en France sont condamnables. Délit de putasserie. En cela, les accusés de Tarnac deviennent de facto des victimes expiatoires de la vindicte d’un gouvernement extrêmement réactionnaire et d’une rare brutalité qui cherche à satisfaire sa populace pour masquer son naufrage.
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De tous les gouvernements de la Ve République, celui-ci est le pire, et de loin. Comme celui du criminel George W. Bush aux USA.
Cet article a été publié dans Binosophie, Pilotique, Trouducologie avec les mots-clefs : Anarchie, Annie, autonomes, Fumel, Rêvasserie, Roger Velu, Sarkolas, Tarnac, Ubu89. Bookmarker le permalien. Les trackbacks sont fermés, mais vous pouvez laisser un commentaire.
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Les articles de Chloé Leprince qu’il cite dans ce billet de blog ne sont plus accessibles sur la dernière version, récente, du site Rue89.
Le moteur de recherche Google en garde encore ces traces :
Comment je n’ai jamais pu interviewer un autonome – Rue89
12 nov. 2008 – Depuis mardi soir, les médias relatent l’arrestation de dix militants autonomes placés en garde à vue pour quatre jours, comme le permet la …
On a retrouvé les écrits du gardé à vue pour sabotages à la …
… Russie · Canal+. Enquete 13/11/2008 à 23h07. On a retrouvé les écrits du gardé à vue pour sabotages à la SNCF. Chloé Leprince | Rue89. Partager. · · …
Le second article se trouve toujours en cache :
On a retrouvé les écrits du gardé à vue pour sabotages à la SNCF
Julien Coupat, présenté comme leader du groupe des autonomes de Tarnac, avait fondé une revue philosophique, Tiqqun, que Rue89 a exhumée.
Depuis la mise en examen de dix militants soupçonnés d’être derrière les sabotages de caténaires de la SNCF, les médias s’essayent à reconstituer le parcours de ces jeunes réputés autonomes, souvent présentés (un peu vite) comme « terroristes d’extrême gauche ». Les équipes de télé défilent en Corrèze, où est installé Julien Coupat, présenté par les médias comme « le leader du groupe » (un terme que réprouvent les Autonomes eux-mêmes). Tandis que les voisins y vont chacun de sa petite anecdote, on apprend au passage que le FBI enquêtait depuis le printemps sur ces Français en rupture. Jeudi après-midi, un universitaire visiblement proche de Julien Coupat dénonçait sur LeFigaro.fr qu’on place « un intellectuel en garde à vue pour ses idées ». Autant le dire, je ne savais rien de ces dix personnes avant leur interpellation. Mais, depuis qu’elles ont été placées en garde à vue (laquelle peut durer jusqu’à quatre jours à la faveur des lois antiterroristes), je cherche. Et voilà que, dans un commentaire posté sous l’article de mercredi sur la mouvance autonome, un riverain indique qu’il a déjà croisé les auteurs de « Tiqqun », la revue fondée par Julien Coupat à l’époque où il était encore thésard à l’EHESS, l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Des riverains lecteurs de la prose de Julien Coupat… en 1999 Numerosix, ce riverain, se souvient les avoir rencontrés « en 1999, à vue de nez ». Il se rappelle d’un « vieux rade fermé » dans le XIIe arrondissement à Paris, où il était allé acheter cette fameuse revue « formidable,intelligente, très bien faite, très situationniste et parfaitement légale avec aucun appel au meurtre ». Lui qui précise n’avoir plus jamais eu de contacts avec « l’utragauche » par la suite a gardé en mémoire un groupe d’étudiants « un tout petit peu exaltés mais tres gentils et super sympas ». Au lancement du premier numéro (Tiqqun en comptera deux en tout et pour tout avant de s’autodissoudre en 2001), Julien Coupat abandonnera l’EHESS.
Or il se trouve qu’un autre riverain croise son chemin à peu près au même moment. Cet internaute-ci, qui tient à rester anonyme, conserve un souvenir sensiblement plus critique. A propos de Tiqqun, il parle carrément de « dérive mystique et bouffonne ». Avant de m’aiguiller dans la foulée vers une autre contribution, extrêmement à charge, qui s’intitule : « Avant-garde et mission : la Tiqqounnerie ». La référence à la mystique juive : « un pot-pourri fantaisiste » Ce riverain n’est pas seul à prendre ses distances avec la pensée situationniste développée par Julien Coupat dans ses écrits. Ainsi, jeudi matin, Jean-Yves Camus, notre blogueur, restait sceptique quand à l’usage-même du terme « tiqqun », emprunté à la mystique juive de la Kabbale :
: « Cette notion que le monde est imparfait et qu’une observance et de bonnes pratiques religieuses permettront de le réparer était très présente chez les gauchistes juifs des années 60-70, qui n’étaient pas religieux. Mais qu’est ce que ça veut dire de mélanger Talmud et Heiddeger dans un tel pot-pourri fantaisiste ? Guy Debord et les situationnistes n’avançaient rien de tel. »
De fil en aiguille, j’ai fini par retrouver sur la Toile le premier numéro de cette fameuse revue Tiqqun, qui date donc de 1999. En voici plusieurs extraits en PDF, sur un total de 162 pages intitulées « Tiqqun, organe conscient du parti imaginaire ». Sous-titre : « Exercices de métaphysique critique ». Toujours sur le Web, on découvre un article que Jacques Guigou, universitaire à Montpellier III et fondateur de la revue Temps critiques, a justement consacré à cette revue dans le sillage de Guy Debord, il y a deux ans. Pour Rue89, il a accepté de décrypter les principaux points théoriques et métaphysiques étayés par les auteurs de Tiqqun. Proche du mouvement autogéré dans les années 60, il n’est pas aussi assassin que Jean-Claude Camus. Pour lui, cette revue « érudite » n’est pas aussi dépourvue de références, « même si l’on peut pointer des contradictions et des faiblesses du raisonnement », voire des culs de sac. Sur la violence et la lutte armée : « un discours plutôt sophistiqué » Il y est certes question de violence dans le premier tome de Tiqqun : « La période historique dans laquelle nous entrons doit être un temps d’une extrême violence et de grands désordres », écrivent les auteurs de Tiqqun. Mais pour sophistiquer tout de même un peu plus leur pensée en matière d’insurrection :
« On se méprendrait gravement sur la stratégie du Parti Imaginaire en la réduisant à la poursuite de lacatastrophe. On ne se méprendrait pas moins en nous prêtant l’enfantillage de vouloir pulvériser en un coup on ne sait quel quartier général où le pouvoir se trouverait concentré (…) Quoique le Parti imaginaire n’abandonne à aucun instant le dessein de l’achever lui-même, sa tactique n’est pas de l’attaquer de front mais, dans l’acte même de se dérober, d’orienter et hâter l’issue de sa maladie. »
Pour Jacques Guigou, il ne faut pas infantiliser le rapport de ces jeunes penseurs de l’autonomie en matière de violence :
« Leur critique de l’Etat est plutôt intéressante, ce ne sont pas des forcenés de la critique radicale en la matière, même si l’on peut noter des contradictions sur ce point. Bien sûr, il y a une radicalité dans leur discours : ils sont dans la scission. Mais il n’y a pas d’appel au meurtre, contrairement à la prose qui s’inscrit dans la lutte des classes. D’ailleurs, je serais extrêmement étonné de les entendre revendiquer quelque chose, comme c’était le cas pour Action directe, qui avait décidé de passer à la lutte armée et au meurtre. Eux préconisent le silence. »
Rejet de la société marchande… et ses symboles Puisqu’il est question de caténaires et de la SNCF, puisque le mouvement autonome, infiniment protéiforme comme on le rappelle depuis plusieurs jours, se retrouve globalement sur l’anticapitalisme, voilà ce qu’on peut aussi trouver dans la prose de Julien Coupat, en 1999 :
« C’est dans la mesure exacte où la catastrophe est la vérité à l’état de fulguration que les hommes du Parti Imaginaire travaillent à la faire advenir, par tous les moyens. Les axes de communication sont pour eux des cibles privilégiées. Ils savent comment des infrastructures qui “valent des milliards” peuvent être anéanties en un coup d’audace. “
Autonome, kesako ici ?
Dans leurs écrits, Julien Coupat et les siens reposent la question de l’individu par rapport à la communauté et critiquent la passivité des individus. Leur cynisme, aussi :
‘La domination dans ses formes les plus avancées a incorporé à son discours la critique de la société de consommation, du spectacle et de leur misère. La culture Canal+’ et ‘l’esprit Inrockuptibles’ en donnent, pour la France, des exemples passagers mais significatifs. C’est plus généralement le language scintillant et sophistiqué du cynique moderne, qui a définitivement identifié tout usage de la liberté à la liberté abstraite de tout accepter, mais à sa manière.”
En s’exprimant sur les ruines des théories révolutionnaires, ils s’inscrivent dans un sillage qui est loin d’être décérébré, note Jacques Guigou :
“Tiqqun arrive après la fin du cycle des révolutions prolétariennes. Ils ont lu le situationnisme, notamment en Italie où le mouvement autonome a duré plus de dix ans dans les années 60-70. Ils connaissent aussi Negri et son concept d’empire, mais encore Deleuze et Guattari et leur ‘individu-réseau’. Inspirés par Castoriadis, ils critiquent même l’aliénation au sein des groupes révolutionnaires, comme la CNT, les syndicats.”
Ils esquissent quelque chose : ils créent bien un “Parti imaginaire” mais c’est justement un antiparti ; ils rejettent l’être vivant mais il veulent quand même faire avec lui pour agir : ils lui parlent, ils lui font des serments, c’est leur côté mystique et messianique. »
Au final c’est un autre individu qu’ils exhaltent, plus anonyme, plus invisible aussi :
« On a vu se répandre parmi les Bloom [les individus aliénés par le système, appelés à se révolter, ndlr], en même temps que la haine des choses, le goût de l’anonymat et une certaine défiance enfers la visibilité (…) Que son ennemi n’ait ni visage ni nom ni rien qui puisse lui tenir lieu d’identité est propre à déchainer la paranoïa du pouvoir. »
Un dernier constat pour terminer : ces derniers mots, exhumés d’ecrits datant de 1999, résonnent comme un écho à de nombreux commentaires publiés sur Rue89, lorsqu’il s’agissait de brosser les contours de ce que le ministère de l’Intérieur appelle « la mouvance anarcho-autonome » depuis le printemps. Illustration : Les trois premières pages du numéro 1 de la revue Tiqqun ► A lire aussi : Comment je n’ai jamais pu interviewer un autonome
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