Manuel Valls partageait le podium avec Dmitri Medvedev mais c’est bien le Premier ministre russe qui a mobilisé l’attention ce matin à la Conférence sur la sécurité de Munich.
Manuel Valls partageait le podium avec Dmitri Medvedev mais c’est bien le Premier ministre russe qui a mobilisé l’attention ce matin à la Conférence sur la sécurité de Munich. « On peut dire les choses plus clairement : nous avons glissé dans une période de nouvelle guerre froide », a-t-il déclaré dans un discours retransmis en direct. « Nous avons besoin de coopération, pas de confrontation ».
Le Premier ministre, qui avait préparé son intervention avec le président russe, s’est plaint de la crise migratoire, des relations désastreuses entre l’Union européenne et la Russie, de la « guerre civile » en Ukraine et d’initiatives qui « échouent l’une après l’autre ». Courtoisie, tactique ou sincérité ? Le seul partenaire épargné fût la France, « avec lequel le dialogue n’a jamais été rompu ».
S’exprimant en Allemagne, qui a accueilli l’an dernier plus d’un million de demandeurs d’asile en 2015, Dmitri Medvedev a affirmé que la Russie avait reçu « un million de réfugiés en six mois », sans doute venant d’Ukraine. Surtout, il a évoqué les « milliers d’extrémistes » qui profitent de ce flux de demandeurs d’asile pour pénétrer en Europe. Jouant sur les peurs, il a évoqué des gens « qui veulent peut-être des aides sociales et ne veulent rien faire ».
Sur le dossier syrien, tout en disant « respecter la Russie et les intérêts de la Russie », Manuel Valls a demandé à son partenaire de faire vivre la trêve décidée jeudi à Munich. Pour avancer sur le chemin de la paix, « les bombardements de la population civile syrienne par les troupes russes doivent cesser », a déclaré le Premier ministre français, pour qui « nous avons besoin d’un vrai cessez-le feu » en Syrie.
Dmitri Medvedev a rejeté toute responsabilité. « Il n’y a aucune preuve des bombardements de civils » en Syrie, où l’opposition locale accuse Moscou de bombarder les civils et non pas les terroristes de l’Etat islamique avec les troupes Bachar el-Assad. Un président syrien que le Premier ministre russe a cherché à protéger. « Assad est-il le seul fautif » au chaos ?
En 2007, Vladimir Poutine avait lui aussi surpris la communauté internationale à Munich en critiquant une gouvernance unilatérale du monde, sous le leadership des Etats-Unis, comme illégitime et immoral. Son discours avait marqué un basculement de la Russie en matière de politique internationale, appliquée en Géorgie en 2008 puis en Ukraine en 2014.
Thibaut Madelin, correspondant à Berlin
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gladio
Gladio
Gladio (« Glaive » en italien) désigne le réseau italien des stay-behind, une structure créée dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour parer à une menace d’invasion soviétique.
Découverte et contenu
On désigne couramment par ce nom l’ensemble des armées secrètes européennes, dont l’existence a été révélée publiquement le 24 octobre 1990 par le Premier ministre italien Giulio Andreotti1.
L’existence de ces unités clandestines de l’OTAN est restée un secret bien gardé durant la Guerre Froide jusqu’en 1990, quand une branche de ce réseau international fut découverte en Italie, portant le nom de code Gladio, signifiant glaive. Alors que la presse affirmait que les unités secrètes stay-behind de l’OTAN étaient « le secret politico-militaire le mieux gardé et le plus préjudiciable depuis la Seconde Guerre Mondiale », le gouvernement italien, dans un climat de sévères critiques de l’opinion publique, promit de démanteler son armée secrète. L’Italie insista cependant sur le fait que des unités clandestines similaires existaient dans tous les autres pays d’Europe de l’ouest. Cette allégation s’est avérée correcte et les recherches qui s’ensuivirent ont permis de découvrir qu’en France l’unité secrète portait le nom de code Plan Bleu, en Belgique SDRA8, au Danemark Absalon, en Allemagne TD BJD, en Grèce LOK, au Luxembourg Stay-Behind, aux Pays Bas I&O, en Norvège ROC, au Portugal Aginter Press, en Espagne Red Quantum, en Suisse P-26, en Turquie Özel Harp Dairesi, en Suède AGAG (Aktions Gruppen Arla Gryning), et OWSGV en Autriche.
Gladio a été mis en place sous l’égide de la CIA et du MI6, comme structure de l’OTAN répondant directement au SHAPE. Cette structure avait comme fonction de « rester derrière » en cas d’invasion soviétique, afin de mener une guerre de partisans. Dans cet objectif, des caches d’armes étaient disposées un peu partout.
Ces réseaux fonctionnaient le plus souvent sans que les gouvernements nationaux en aient connaissance2.
Pour plusieurs auteurs, Gladio est impliqué dans différentes actions violentes des années de plomb italiennes3,4, mais l’ampleur de son implication faisait encore en 2005 l’objet de débats. La nature secrète des activités de l’organisation, et le fait que les archives de l’OTAN ne sont pas accessibles aux chercheurs, font du réseau un sujet controversé.
L’idée selon laquelle, sous la direction de la CIA, Gladio aurait tenté d’influencer la politique italienne, est soutenue par des historiens5 et des journalistes6,7,8,9.
Le Département d’État des États-Unis a contesté en janvier 2006 que Gladio ait participé à de quelconques actions terroristes et affirme qu’un des documents avancés pour soutenir cette hypothèse — un manuel militaire américain de contre-insurrection — est un faux conçu au début des années 1970 par le KGB en pleine guerre froide10.
Historique des accusations et théories relatives à Gladio
Stratégie de la tension
Selon un document11 émis en 2000 par des parlementaires italiens membres des Démocrates de gauche, Gladio aurait participé en Italie à la stratégie de la tension, avec l’aide de la loge maçonnique P2, dirigée par Licio Gelli, destinée à « empêcher le PCI et, dans une moindre mesure, le PSI, à accéder au pouvoir exécutif ». Perpétré par le second groupe des Brigades rouges (les fondateurs étaient alors en prison), l’assassinat du leader de la Démocratie chrétienne (DC), Aldo Moro, en mai 1978, a mis fin à tout espoir d’un compromis historique entre la DC et le PCI. De 1969 à 1980, plus de 600 attentats (4 sur 5 étant attribués aux organisations clandestines d’extrême droite pendant les « Années de plomb ») ont fait en Italie 362 morts et 172 blessés12. Ce document, dépourvu de valeur officielle, a provoqué de vifs débats au parlement italien, et a vu la validité de ses conclusions contestée13.
Le général Gianadelio Maletti, ancien chef des services italiens, a déclaré en mars 2001 que la CIA aurait pu favoriser le terrorisme en Italie14. Le général Nino Lugarese, chef du SISMI de 1981 à 1984, a témoigné de l’existence d’un « Super Gladio » de 800 hommes responsables de l’« intervention intérieure » contre des cibles politiques nationales15.
En 2008, le documentaire Les Derniers jours d’Aldo Moro réalisé par Emmanuel Amara propose les témoignages de Steve Pieczenik, ancien membre du département d’État américain, et de Francesco Cossiga, ministre de l’Intérieur de l’époque, qui affirment que Gladio et la CIA ont été impliqués dans l’enlèvement d’Aldo Moro via la manipulation des Brigades Rouges.
Attentat de la piazza Fontana, 12 décembre 1969
Le 12 décembre 1969, l’attentat de la piazza Fontana fait 16 morts et 98 blessés à Milan. L’extrême gauche, en particulier le mouvement autonome, est immédiatement désigné comme responsable de l’attentat. 400 personnes sont arrêtées16. L’anarchiste Giuseppe Pinelli, accusé d’être l’auteur du massacre, est arrêté par la police. Il meurt défenestré quelques jours plus tard.
Dans les années 1980, le terroriste néofasciste Vincenzo Vinciguerra a affirmé au juge Felice Casson que l’attentat de la Piazza Fontana visait à pousser l’État italien à proclamer l’état d’urgence afin de favoriser un régime autoritaire en Italie. Nul lien direct n’a été cependant établi par la justice, entre les terroristes néofascistes visés par l’enquête subséquente et l’organisation Gladio.
Démission de Vito Miceli, chef du SIOS et membre de P2, en 1974
En 1974, Vito Miceli, membre de P2 et chef du SIOS (Servizio Informazioni), les services de l’armée, à partir de 1969, puis du Servizio informazioni difesa (it) de 1970 à 1974, a été arrêté dans le cadre de l’enquête sur Rosa dei venti, un groupe terroriste d’extrême droite infiltré par l’État. Accusé de « conspiration contre l’État », Vito Miceli révèle l’existence d’un réseau stay-behind organisé par l’Otan. À la suite de son arrestation, les services secrets italiens sont réorganisés en 1977 afin de les « démocratiser ». La loi n° 810 du 24 octobre 1977 divise le SID en plusieurs services : le Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare (SISMI), le SISDE (Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Democratica) et le CESIS (Comitato Esecutivo per i Servizi di Informazione e Sicurezza), auquel on donne un rôle de coordination — le CESIS dépend directement du président du Conseil italien.
Attentat de la gare de Bologne le 2 août 1980
L’attentat contre la gare de Bologne du 2 août 1980 a été attribué à des terroristes néofascistes. Le 16 janvier 1991, The Guardian écrit que : « les pièces ayant servi à la fabrication de la bombe […] venaient d’un arsenal utilisé par Gladio […] selon une commission parlementaire sur le terrorisme »17.
Liens présumés avec la politique sud-américaine
Pour l’historien américain J. Patrice McSherry, il existe des liens directs entre les organisations stay-behind européennes et l’Opération Condor en Amérique du Sud18.
Stefano Delle Chiaie, membre de Gladio19, a eu des contacts avec des agents de l’Opération Condor — selon Le Monde diplomatique, Delle Chiaie aurait aussi rencontré le numéro deux des Loups gris, Abdullah Catli, en 1982 à Miami20. Ainsi, Michael Townley, un agent de la DINA chilienne, a-t-il mis en contact la DINA avec Delle Chiaie afin que ce dernier prépare la tentative d’assassinat de Bernardo Leighton à Rome en 197521. Delle Chiaie a aussi participé, aux côtés de Klaus Barbie, au coup d’État bolivien de 198021.
Europe
Seules l’Italie, la Suisse et la Belgique ont créé des commissions d’enquête à ce sujet dans les années 1990. La Belgique s’est dotée d’un comité permanent de contrôle des services secrets afin d’assujettir ces structures au contrôle parlementaire, afin d’éviter que des événements comme ceux qui se sont produits en Italie pendant les années de plomb ne se répètent. La France serait restée « en dehors » de tout cela selon le ministre de la défense de l’époque Jean-Pierre Chevènement22. Le premier ministre italien Giulio Andreotti a cependant confirmé qu’en 1964 les renseignements militaires italiens avaient rejoint le « comité clandestin allié » dont les États-Unis, la France, la Belgique et la Grèce faisaient notamment partie23.
Notes et références
- ↑ (it) Giampiero Buonomo, Profili di liceità e di legittimità dell’organizzazione Gladio in Questione giustizia, 1991, n. 3 [archive].
- ↑ « Son existence resta dissimulée aux gouvernements des territoires dans lesquels ils opéraient, hormis quelques individualités » écrit notamment l’historien britannique Eric Hobsbawm dans L’Âge des extrêmes. Histoire du court XXe siècle, 1914-1991, Complexe, 2003, p. 298
- ↑ (en) Philip Jenkins, Images of Terror: What We Can and Can’t Know about Terrorism, Aldine Transaction, 2003, p. 105-106.
- ↑ (en) Hall Gardner, American Global Strategy and the « War on Terrorism », Ashgate Publishing, Ltd., 2005, p. 75.
- ↑ « Italy became the target for the largest covert political action programme in the CIA’s history » écrivent notamment Martin J. Bull et James L. Newell dans Italian Politics: Adjustment Under Duress, Polity Press, 2005, p. 99.
- ↑ (en) William Blum, Killing Hope: U.S. Military and CIA Interventions Since World War II, Zed Books, 2003, p. 106-108.
- ↑ (en) Arthur E. Rowse, « Gladio: the U.S. war to subvert Italian democracy », Covert Action Quarterly, décembre 1994. [lire en ligne [archive]]
- ↑ (en) Philip P. Willan, Puppetmasters: The Political Use of Terrorism in Italy, iUniverse, 2002, p. 146-159.
- ↑ Dans son roman Numéro zéro, Umberto Eco fait référence à Gladio et à ses principaux acteurs.
- ↑ (en) « Misinformation about « Gladio/Stay Behind » Networks Resurfaces » [archive], 20 janvier 2006.
- ↑ Stragi e terrorismo: strumenti di lotta politica », il dossier DS http://archivio900.globalist.it/it/documenti/finestre-900.aspx?c=1592 [archive]
- ↑ « Le chef de l’État italien a du reconnaître son existence » [archive], L’Humanité, 29 novembre 1990
- ↑ Mancino: Ds supponenti sulle stragi [archive] Corriere della sera, 24 juin 2000
- ↑ (en) « Terrorism in Western Europe: An Approach to NATO’s Secret Armies » [archive], Daniele Ganser, 2005, Whitehead Journal of Diplomacy and Strategic Studies, PDF
- ↑ (en) « Secret agents, freemasons, fascists… and a top-level campaign of political « destabilisation » » [archive], in The Guardian, 5 décembre 1990
- ↑ (en) « 1969: Deadly bomb blasts in Italy » [archive], BBC
- ↑ (en) « The makings of the bomb… came from an arsenal used by Gladio… according to a parliamentary commission on terrorism… » in The Guardian du 16 janvier 1991, accessible [archive] sur le site de Statewatch
- ↑ « A review of early Cold War history in Europe demonstrated that parallel organizations created ther, under the auspices of NATO and the U.S. government, bore striking similarities to Operation Condor – and in several cases were directly linked to Condor. » J. Patrice McSherry, Predatory States: Operation Condor And Covert War In Latin America, Rowman & Littlefield Publishers, 2005, p. 244.
- ↑ (en) Stuart Christie, Edward Heath Made Me Angry, ChristieBooks, 2004, p. 101.
- ↑ « La Turquie, plaque tournante du trafic de drogue » [archive], Le Monde diplomatique, juillet 1998
- ↑ a et b J. Patrice McSherry, op. cit., p. 43.
- ↑ Daniele Ganser, Les Armées secrètes de l’OTAN, Réseaux Stay Behind, Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest, éditions Demi-Lune, 2007, p. 44
- ↑ Gladio : et la France ? [archive], L’Humanité 10 novembre 1990
Voir aussi
Bibliographie
- (fr) Daniele Ganser, Les armées secrètes de l’OTAN, Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest, Éditions Demi-Lune, 2007 (ISBN 978-2-917112-00-7). Disponible en intégralité sur le site web du réseau voltaire.
- (fr) Frédéric Laurent, L’Orchestre noir, Stock, 1978.
- Gianfranco Sanguinetti, (fr) Du terrorisme et de l’État, la théorie et la pratique du terrorisme divulguées pour la première fois, traduit par Jean-François Martos, Le Fin Mot de l’Histoire, 1980 (ISBN 2-903557-00-4)
- (fr) Jan Willems (dir.) Gladio, éditions E.P.O, 1991 (ISBN 2872620516).
- (en) Daniele Ganser, « The ghost of Machiavelli: An approach to operation Gladio and terrorism in cold war Italy », Crime, Law and Social Change, volume 45, numéro 2 / mars 2006, p. 111-154.
- (de) Jens Mecklenburg, Gladio. Die geheime Terrororganisation der NATO, Elephanten Press, Berlin, 1997 (ISBN 3-88520-612-9).
- (it) Rita Di Giovacchino, Giovanni Pellegrino, Il libro nero della Prima Repubblica, Fazi Editore, 2005 (ISBN 8881126338).
- (es) Benjamin Prado, « Operacion Gladio », roman, éditions Alfaguara, 2011.
Filmographie
- Romanzo criminale, Michele Placido (2006)
- Gladio, Allan Francovich (1992)
- 1950-1990 : Le scandale des armées secrètes de l’OTAN, Emmanuel Amara (2011)
- Le réseau Gladio, armée secrète d’Europe, Wolfgang Schoen, Frank Gutermuth (2010)
- Le dossier Berlusconi, Maria-Rosa Bobbi, Michael Busse (2010)
- Les derniers jours d’une icône : Aldo Moro, Emmanuel Amara (2006)
- Assassinats politiques – Mort à Rome : l’affaire Aldo Moro, Michael Busse, Maria-Rosa Bobbi (2000)
- Licio Gelli : le grand marionnettiste, Simone Mohr (1983)
- L’Orchestre Noir, Fabrizio Calvi, Frédéric Laurent, Jean-Michel Meurice (1997) (visible sur Dailymotion)
- Aptes au service, Les recrues fascistes et nazies de la CIA, Dirk Pohlmann (ZDF, Allemagne, 2012).
Articles connexes
Liens externes