Policiers tués à Magnanville : deux proches du terroriste déférés devant la justice 18 juin
Comme toujours, l’auteur des faits n’apparaît pas avoir été isolé…
Deux proches de Larossi Abballa déférés devant la justice
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- Par Amaury Peyrach’
- Mis à jour le 18/06/2016 à 10:43
- Publié le 17/06/2016 à 17:50
Deux hommes de 27 et 29 ans interpellés mardi et dont la garde à vue avait été prolongée de 48h sont en passe d’être mis en examen dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de deux policiers lundi dans les Yvelines.
Deux proches de Larossi Abballa, l’homme qui a assassiné lundi deux policiers à leur domicile des Yvelines, seront présentés samedi aux magistrats en vue d’éventuelles mises en examen dans le cadre de cette enquête. Le parquet va ouvrir une information judiciaire confiée à des juges antiterroristes.
Les deux hommes de 27 et 29 ans avaient été arrêtés mardi en compagnie d’un troisième dont la garde à vue a été levée sans poursuite. Les enquêteurs tentent notamment d’établir si Larossi Abballa a agi seul ou s’il a bénéficié de complicités dans la préparation ou dans l’exécution de l’attaque qu’il a commise.
Les deux suspects, âgés de 27 et 29 ans, avaient été condamnés avec Abballa en septembre 2013 au procès d’une filière d’envoi de djihadistes au Pakistan, ont précisé des sources judiciaire et proche de l’enquête. Le plus âgé des deux avait été arrêté dans ce pays. Selon la chaîne d’information iTélé, ces deux hommes se nomment Charaf-Din A. – il habitait le même immeuble qu’Abballa aux Mureaux – et Saâd R.. Larossi Aballa avait écopé de trois ans de prison, dont six mois avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve. Charaf-Din A. et Saâd R. avaient eux été condamnés à cinq ans fermes.
«On me disait que j’étais courageux, j’avais une estime de moi encore jamais connue»
Charaf-Din A. avait été interpellé en janvier 2011 au Pakistan. Expulsé vers la France, il est arrêté par les services français à sa descente d’avion quatre mois plus tard. Il était alors suspecté d’avoir voulu rejoindre al-Qaida dans les zones tribales pakistano-afghanes du Waziristan. «On a voulu jouer à la guéguerre. L’islam modéré ne m’attirait pas, pas assez sulfureux. On a utilisé des versets du Coran pour justifier nos actions», reconnaissait Charaf-Din A. en 2013, estimant qu’il ne serait «pas tombé dans ce traquenard» s’il avait «mieux connu» sa religion.
Le procès de 2013 avait révélé que Saâd R. avait été recruté au printemps 2010 par un ressortissant indien nommé Mohammed Niaz Abdul Raseed. L’homme convainc ce technicien en électronique de s’engager pour soutenir «la lutte armée» d’al-Qaida. Saâd R., jeune franco-marocain de 24 ans, télécharge alors tout ce qu’il peut trouver comme informations sur le djihad et sa volonté de s’engager s’affirme. «Ce qui m’a le plus attiré, c’est qu’en parlant de ce sujet sur le Web, j’étais populaire, on me disait que j’étais courageux, j’avais une estime de moi encore jamais connue», disait-il lors de l’audience, au côté de Charaf-Din A., son ami de lycée, français d’origine marocaine, qu’il a convaincu à s’enrôler et à partir pour le Pakistan.
Lire l’article du Figaro sur ce sujet: Le périple avorté de jeunes djihadistes jugés à Paris
Lors d’une perquisition au domicile d’un des trois hommes arrêtés cette semaine, une importante documentation djihadiste et un plan de la Seine-Saint-Denis, mentionnant l’emplacement des commissariats de police du département, avaient été retrouvés.
Les enquêteurs espèrent aussi puiser des informations dans le matériel informatique et téléphonique saisis chez les trois hommes, ainsi que dans celui d’Abballa trouvé chez ses parents et celui avec lequel il a mis en ligne sa vidéo de revendication depuis le domicile des policiers.
En outre, Le Parisien a annoncé vendredi soir qu’un quatrième homme avait été interpellé, à Mantes-la-Jolie (Yvelines).
Un lien entre Larossi Aballa et le terroriste présumé Sid Ahmed Ghlam
Selon le site rtl.fr, une note datée d’avril 2015, rédigée par des policiers des Yvelines, met en lien Larossi Abballa, meurtrier du couple de policiers à Magnanville (Yvelines) et Sid Ahmed Ghlam, soupçonné d’un projet d’attentat contre une église de Villejuif et assassin présumé d’Aurélie Châtelain. Abballa aurait été aperçu au volant d’un fourgon appartenant à Abdelkader Jalal, un homme de 33 ans mis en examen pour avoir été le logisticien de Sid Ahmed Ghlam. Ce premier signalement est suivi, en novembre 2015, d’une autre note où est cité Charaf-Din A, l’un des trois hommes actuellement gardés à vue dans le cadre de l’enquête sur le meurtre des deux policiers à Magnanville.
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http://www.lepoint.fr/justice/larossi-abballa-un-loup-solitaire-vraiment-18-06-2016-2047748_2386.php
Larossi Abballa : un loup solitaire, vraiment ?
Le Point.fr a eu accès à des documents qui établissent des liens concrets entre Larossi Abballa et des djihadistes bien connus des services.
Ils sont trois à avoir été placés en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur Larossi Abballa, l’auteur du meurtre d’un couple de policiers à Magnanville. Alors qu’un homme est ressorti libre, Saad Rajraji et Charaf-Din Aberouz, 27 et 29 ans, ont été déférés devant le parquet en vue d’une éventuelle mise en examen. Tous deux connaissaient bien Larossi Abballa. Ils ont été condamnés et incarcérés en même temps, évoluant clairement dans les sphères djihadistes. La cartographie relationnelle d’Abballa se dessine peu à peu. Elle indique que l’auteur des deux assassinats entretenait des liens directs avec des membres de la filière des Buttes-Chaumont, Forsane Alizza ou encore des attentats de Casablanca. La théorie du « loup solitaire » semble de moins en moins probable.
Charaf-Din Aberouz est un proche de Larossi Abballa. Les deux hommes ont fait partie d’un groupe de sept Français soupçonnés d’entretenir des liens avec des talibans et Al-Qaïda. Deux d’entre eux avaient été interpellés à Lahore par les services secrets pakistanais en 2011, juste avant d’atteindre le Waziristan, où ils prévoyaient de s’entraîner au djihad. Charaf-Din Aberouz est alors âgé de 25 ans. Il est condamné à cinq ans de prison en France pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste. Il sera libéré le 12 novembre 2015 au motif d’une réduction conditionnelle de peine.
« Violent dans ses rapports avec les mécréants »
Selon les informations que nous avons pu consulter, il est loin d’avoir été un détenu modèle. L’administration pénitentiaire le qualifie de « radicalisé » se comportant « en recruteur » et note : « démarche les détenus arrivants, fait la promotion de l’islam et débute l’enseignement des individus qu’il prend sous sa tutelle ». Ainsi, le 21 février 2012, Charaf-Din Aberouz organise un rassemblement d’une quarantaine de détenus lors de la promenade et prononce un discours pendant 10 minutes « dans le plus strict silence des détenus présents qui semblaient conquis et admiratifs », notent les services, inquiets. Le 27 janvier 2013, il prononce un appel à la prière en pleine nuit. Le 6 juin, ses gardiens rapportent un comportement « violent dans ses rapports avec les mécréants », le 31 décembre 2014, il se réjouit à l’annonce de l’exécution d’Hervé Gourdel en Algérie. Afin d’éviter qu’il ne radicalise tous ses camarades de détention, il changera cinq fois d’établissement sur une période de trois ans et demi.
Ce voyage dans les prisons françaises sera aussi l’occasion de se lier d’amitié avec des figures du terrorisme islamiste. Il fait la connaissance de Maximilien Thibaut, membre du groupe Forsane Alizza – qualifié de pieds nickelés du djihad –, ainsi que de Teddy Valcy, relation bien connue des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, auteurs des attentats de janvier. Plus troublant encore, l’administration pénitentiaire note que Larossi Abballa est ami avec Rachid Aït El Hadj, un terroriste lui aussi originaire des Mureaux, condamné en 2007 pour les attentats de Casablanca. Ce dernier a été déchu de sa nationalité française en octobre 2015. Ce n’est d’ailleurs pas le seul membre du réseau des attentats de Casablanca que connaît Abballa : comme l’expliquaient nos confrères de RTL, Fouad Charouali (lui aussi déchu de sa nationalité), logisticien des attentats de Casablanca, était un voisin de la famille Abballa. Ils habitaient le même immeuble.
Imam autoproclamé
Autre relation déférée devant le parquet, Saad Rajraji. Lui aussi fait partie de la filière djihadiste pakistanaise démantelée en 2011. Condamné à 5 ans de prison, il est libre depuis novembre 2014. Lui aussi s’aventure vers des fréquentations qui suscitent l’attention des services. Dans le téléphone saisi par l’administration pénitentiaire on retrouve, sous différents noms, quatre numéros de téléphone correspondant à Thamer Bouchnak, un imam autoproclamé et considéré comme responsable du processus de radicalisation de nombreux codétenus. Ce dernier organise la lecture de textes religieux lors des promenades et bénéficie de l’attention de nombreux comparses « en raison de sa maîtrise des textes religieux », note l’administration.
Thamer Bouchnak a été membre de la filière des Buttes-Chaumont et a entraîné… Cherif Kouachi. Bouchnak connaît lui-même très bien Djamel Beghal, un ancien du GIA et d’Al-Qaïda. D’après une source proche du dossier, Thamer Bouchnak était jusqu’alors considéré par les services de renseignements comme « le plus susceptible de passer à l’acte ». L’enquête est en cours et devra déterminer si Larossi Abballa a agi sur ordre et bénéficié d’éventuelles complicités.
Le périple avorté de jeunes djihadistes jugés à Paris
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- Par Philippe Romain 1
- Mis à jour le 13/09/2013 à 23:31
- Publié le 13/09/2013 à 19:20
Deux Français embrigadés, qui comparaissent depuis lundi devant le tribunal correctionnel, avaient été arrêtés au Pakistan, où ils comptaient rejoindre des groupes affiliés à al-Qaida.
L’aventure a tourné court. En janvier 2011, Charaf-Din Aberouz, un Français d’origine marocaine de 27 ans, et Zohab Ifzal, un Français d’origine pakistanaise de 24 ans, à peine posé le pied à l’aéroport de Lahore au Pakistan pour rallier un camp d’entraînement djihadiste, avaient été arrêtés par les autorités locales. Depuis lundi, avec leurs six acolytes suspectés d’«association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes», ils comparaissent devant le tribunal correctionnel, à Paris.
Les journées consacrées à l’examen du profil des prévenus ont donné l’impression d’une escouade de «paumés», originaires de banlieue parisienne, cherchant un sens à leur existence et qui rencontrent un individu «qui par son image, son érudition, sa faculté à convaincre, entraîne les autres» comme l’explique le procureur Benjamin Chambre. Ce recruteur s’appelle Mohammed Niaz Abdul Raseed, un ressortissant indien de 35 ans, présenté comme le «cerveau» de la bande. Cheveux noués en catogan et barbe noire, cet Indien était déjà membre, dans son pays, d’un mouvement musulman extrémiste.
Niant toute implication, dénonçant une «conspiration» et répondant toujours à côté des questions des juges, il s’était montré plus prolixe face aux enquêteurs de la DCRI. L’ingénieur en mécanique se définissait alors comme le conseiller de la petite troupe et racontait avoir été formé en Inde aux techniques de recrutement et de contre-interrogatoire. «Mon projet était de façonner un groupe avec trois branches: une de solidarité, une militaire et une politique», ajoutait-il.
«En parlant de ce sujet sur le Web, j’étais populaire»
Devant les magistrats, il a assuré sans vergogne que la masse de vidéos, livres et documents compromettants saisis chez lui dans le Val-d’Oise ne servaient qu’à «constituer une bibliothèque, comme hobby». Selon la DCRI, il a utilisé Facebook pour repérer des jeunes sensibles à la «cause» avant de leur faire suivre des entraînements physiques et des séances d’endoctrinement. Il s’agissait ensuite, grâce à ses contacts sur place, de faciliter leur départ au Pakistan pour rejoindre des groupes affiliés à al-Qaida.
Parmi les premiers à tomber dans ses filets, Saad Rajraji, un Franco-Marocain de 24 ans, devenu son bras droit et chargé du recrutement de nouveaux membres. Derrière ses fines lunettes, le technicien en électronique s’exprime avec aisance. «Je m’ennuyais beaucoup, je passais mon temps sur Internet, a-t-il expliqué. Quand Abdul Raseed m’a contacté et demandé si j’étais favorable à la lutte armée, j’étais choqué, car j’avais des doutes sur la légitimité de la chose.»
Après réflexion, il décide pourtant de sauter le pas. «J’ai beaucoup repensé à notre conversation, j’ai ressenti de l’humiliation, car j’ai toujours voulu aider les musulmans opprimés et, le jour où on me propose quelque chose de concret, même si c’était radical, je me dégonfle, a-t-il poursuivi. Je n’ai pas supporté et j’ai dit oui, par fierté.» Il télécharge alors tout ce qu’il peut dénicher sur le djihad. Ses réticences s’estompent. «Ce qui m’a le plus attiré, c’est qu’en parlant de ce sujet sur le Web, j’étais populaire, on me disait que j’étais courageux, j’avais une estime de moi encore jamais connue.»
Il rencontre alors Aberouz, qu’Abdul Raseed décrit comme «fort dans sa tête, très spirituel». Suffisamment pour être envoyé très vite dans un camp au Waziristan, vers la frontière pakistano-afghane. «On a voulu jouer à la guéguerre. L’islam modéré ne m’attirait pas, pas assez sulfureux», a expliqué Aberouz. «On a utilisé des versets du Coran pour justifier nos actions», a-t-il reconnu, estimant qu’il ne serait «pas tombé dans ce traquenard» s’il avait «mieux connu» sa religion. «Je voulais juste tirer à la kalachnikov, me défouler un peu, pour faire comme dans Call of Duty(un jeu vidéo, NDLR) ou ce qu’on voit à la télé», a-t-il encore poursuivi. Une fois dans l’avion, il a douté. «Mais je ne pouvais plus reculer, cela aurait été la honte.»
Aberouz s’est envolé avec Zohab Ifzal, embrigadé par Rajraji qui le connaissait depuis le lycée. Le garçon intéressait particulièrement le groupe pour ses origines pakistanaises facilitant l’obtention de visas. «Il n’avait pas le profil, a reconnu Aberouz. Il a été utilisé comme sauf-conduit parce qu’il avait de la famille là-bas.» Ifzal n’a pourtant eu besoin que de 2 entrevues avec Abdul Raseed pour accepter de partir. «Je ne réfléchissais pas beaucoup, j’avais trouvé des gens qui m’apportaient un soutien que je n’avais pas dans ma famille», a-t-il justifié… À la question de savoir ce qu’ils auraient fait en rentrant en France, Ifzal a répondu ne pas savoir: «C’était très flou.» Aberouz, lui, pense qu’Abdul Raseed aurait attendu «des instructions pour qu’on commette des attaques».
Le procureur a requis des peines de 8 ans de prison à l’encontre de Mohamned Niaz Abdul Raseed, 6 ans à l’encontre de Charaf-Din Aberouz et Saad Rajraji et 3 ans contre Zohab Ifzal.
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Magnanville: une enquête visait Larossi Abballa
Le tueur de Magnanville a été identifié dans une instruction judiciaire avant qu’il passe à l’acte, assassinant le couple de policiers.
Le terroriste Larossi Abballa faisait l’objet d’une surveillance, d’écoutes et de géolocalisation lorsqu’il parti tendre son embuscade à Magnanville lundi soir pour poignarder un couple de policiers, ont révélé à Paris Match des sources policières et judiciaires. Cette instruction, ouverte contre X le 11 février dernier, porte sur une «filière de recrutement et d’acheminement de djihadistes vers la zone syrienne», indiquaient nos sources, soulignant que le degré de dangerosité du djihadiste a peut être été sous-évalué avant son passage à l’acte.
La DGSI menait les investigations sur commission rogatoire d’un magistrat antiterroriste. C’est dans ce cadre, à la faveur d’écoutes téléphoniques et de géolocalisations, que le portable d’Abballa a été identifié. Des échanges avec ses deux amis, Français d’origine marocaine, auraient ainsi été interceptés. Le premier, Saad Rajaraji, technicien en électronique, est âgé de 27 ans. Lors de la perquisition à son domicile, les enquêteurs ont découvert une carte du département de Seine-Saint-Denis, sur laquelle les commissariats de police du département sont précisément localisés. Ce document serait toutefois «ancien», selon des sources judiciaires. Le second, Charaf-Din Aberouze, 29 ans, serait le plus radicalisé. Les deux suspects avaient déjà été condamnés en 2013, à 5 ans de prison ferme, en même temps que leur ami Abballa, pour leur participation active à une filière de recrutement de combattants destinés au Pakistan. Dans cette affaire, Abballa avait écopé de 3 ans dont 6 mois avec sursis. Lors de son procès, Aberouze avait reconnu avoir effectué une formation militaire dans les zones tribales du Waziristan.
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Un départ en Syrie sous couvert de pèlerinage à la Mecque?
A présent, un troisième homme est également interrogé dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour une garde à vue prolongée de 96 heures, qui prendra fin samedi. Les limiers de la DGSI tentent de déterminer dans quelle mesure ces «vieilles connaissances» pouvaient avoir connaissance du projet terroriste d’Abballa et s’ils lui ont apporté une aide quelconque dans son assassinat du commandant de police Jean-Baptiste Salvaing et de sa compagne Jessica Schneider, assistante au commissariat de Mantes-la-Jolie. Courant mars, Abballa devait effectuer un pèlerinage à La Mecque, en Arabie Saoudite, en empruntant un vol via la Turquie. Il aurait pu profiter de ce transit pour, en réalité, se rendre en Syrie afin d’y peaufiner le projet de filière djihadiste et d’y prendre des ordres d’attaques sur le sol français de la part de chefs de Daech.
Alors qu’il était retranché dans le pavillon de policiers, Larossi Abballa a diffusé sur Internet un long message vidéo. Dans celui-ci, il appelait ses «frères» à attaquer les policiers, les gardiens de prisons, et une liste de cinq journalistes ainsi qu’un universitaire, nommément cités. Ces six personnalités ont chacune été reçues au ministère de l’Intérieur jeudi, et toutes été placées sous protection policière.
Qui est Abou Mohammed Al-Adnani, l’homme qui a inspiré Larossi Abballa à Magnanville?
Le HuffPost | Par Anthony Berthelier
TERRORISME – En décembre 2015, l’enquête sur les attentats de Paris révélait le rôle prépondérant joué par Abou Mohammed Al-Adnani, porte-parole de l’organisation Etat islamique, dans les opérations extérieures du mouvement djihadiste. Il est considéré comme le véritable cerveau des attaques du 13 novembre.
L’attaque de Larossi Abballa perpétrée contre deux policiers à Magnanville dans les Yvelines est une réponse directe aux consignes d’Al-Adnani qui ne cesse d’exhorter ses partisans à passer à l’action dans leurs pays d’origine contre les forces de l’ordre des pays de la coalition engagés dans la lutte contre l’organisation, en Syrie et en Irak. Dans un message diffusé le 21 mai, le porte-parole de l’EI appelait, notamment, à des attaques contre les Etats-Unis et l’Europe pendant le mois du ramadan, qui a débuté le 6 juin.
Un vétéran du jihad
Originaire de la région d’Idlib, dans le Nord de la Syrie, Al-Adnani ne semblait pas destiné à devenir l’orateur consacré du mouvement jihadiste. En 1998, celui que les quotidiens arabes qualifient « d’ermite soufi » à la personnalité introvertie disparaît. On retrouve sa trace en 2003, en Irak, peu après l’invasion américaine.
Selon le département d’Etat américain, cité par Le Monde, Al-Adnani est « l’un des premiers combattants étrangers à s’opposer aux forces de la coalition en Irak ». Il prête alors allégeance à Abou Moussab Al-Zarkaoui, fondateur et maître à penser de l’EI, tué en 2006.
Capturé en 2005, Al-Adnani est emprisonné dans le camp Bucca, une prison gérée par l’armée américaine dans le sud de l’Irak, par laquelle sont passés de nombreux dirigeants de l’EI. Comme beaucoup d’autres jihadistes, c’est en ces murs qu’il rencontre l’homme qu’il présentera quelques années plus tard comme le nouveau « calife », Abou Bakr Al-Baghdadi.
Le ministre des attentats
Relâché en 2010, Abou Mohamed Al-Adnani profite du soulèvement populaire contre le régime de Bachar Al-Assad, qui éclate en mars 2011 pour renouer avec ses anciens compagnons d’armes irakiens.
Au fil des années, il est devenu une figure importante au sein de l’EI, au point que les services de renseignements occidentaux ont tendance à le considérer comme le « ministre des attentats », qui pourrait être chargé, en plus de motiver des jihadistes isolés, de superviser des campagnes de terreur en Occident.
Le responsable de l’EI le plus recherché
Si bien que l’homme fait désormais partie des terroristes les plus recherchés de la planète. Selon Le Monde, depuis août 2014, il figure sur la liste officielle américaine antiterroriste intitulée « Rewards for Justice », qui promet la somme de 5 millions de dollars pour tout renseignement permettant sa traque et son arrestation.
Selon les médias américains, il est le responsable le plus recherché par les Etats-Unis au sein du groupe Etat Islamique devant même Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’organisation.
« Tuez des policiers »
Comme Larossi Abballa, le meurtrier de deux policiers dans les Yvelines, Al-Adnani encourage ceux qu’il nomme « les soldats du califat » à utiliser n’importe quelle arme disponible contre « les soldats des tyrans ».
Dans un long message audio diffusé en septembre 2014 par Al Furqan, le principal média de l’EI, il lançait: « Levez-vous, monothéistes, et défendez votre Etat depuis votre lieu de résidence, où qu’il soit. Attaquez les soldats des tyrans, leurs forces de police et de sécurité, leurs services de renseignements et leurs collaborateurs ».
« Si vous ne pouvez pas faire sauter une bombe ou tirer une balle », expliquait-il, « débrouillez vous pour vous retrouver seul avec un infidèle français ou américain et fracassez-lui le crâne avec une pierre, tuez-le à coups de couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le d’une falaise, étranglez-le, empoisonnez-le ».
Ainsi, depuis mars 2012, et l’assassinat par Mohamed Merah de trois militaires à Toulouse et Montauban, les policiers et soldats français ont régulièrement été pris pour cible par des jihadistes, agissant le plus souvent isolément. Ils sont sept à avoir perdu la vie dans ces attaques ciblées.
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