Exit le « racisme d’Etat » sur la question du burkini ! 26 août
Le fléau de la balance est instable : un coup dans un sens, un coup dans l’autre…
Cette fois-ci, les libertés individuelles ont prévalu sur le risque – jugé non avéré – de trouble à l’ordre public.
La décision du Conseil d’Etat de suspendre un arrêté anti-burkini prise ce jour à 15 heures ne peut que rassurer toutes les Françaises dites « de souche » ou à visage pâle qui se sont converties à un Islam radical : elles peuvent bien être exclues de l’actuel camp d’été « décolonial » de Reims, elles n’ont de toute façon pas besoin de ses formations pour pouvoir faire ce qu’elles veulent à la plage !
Le Conseil d’Etat suspend un arrêté anti-burkini à Villeneuve-Loubet
- Par lefigaro.fr , Service infographie du Figaro
- Mis à jour le 26/08/2016 à 16:09
- Publié le 26/08/2016 à 15:56
INFOGRAPHIE – La plus haute juridiction administrative avait été saisie en urgence par la Ligue des droits de l’homme (LDH) et le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), pour qui ce type d’arrêté est «liberticide».
La décision était très attendue. À 15h, le Conseil d’Etat a décidé de suspendre un arrêté anti-burkini pris le 5 août dernier dans la commune de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes). La plus haute juridiction administrative a estimé que toute interdiction de ces tenues de bain islamiques très couvrantes devait s’appuyer sur des «risques avérés» pour l’ordre public.
«À Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des risques de troubles à l’ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, le maire ne pouvait prendre une mesure interdisant l’accès à la plage et la baignade», écrit le Conseil d’Etat, tout en rappelant que «le maire doit concilier l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre dans la commune avec le respect des libertés garanties par les lois». À la fin de son ordonnance, le juge des référés conclut que l’arrêté contesté a porté «une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle».
Le Conseil d’Etat avait été saisi en urgence ce jeudi par la Ligue des droits de l’homme (LDH) et le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Ces deux deux associations considéraient que ce type d’arrêté, pris dans plusieurs dizaines de villes balnéaires depuis fin juillet, était une «atteinte à la liberté de conscience et de religion». En face, les maires à l’origine de ces arrêtés invoquaient des risques de troubles à l’ordre public, menacé selon eux par des tenues «manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse». Ils avaient notamment fait valoir le contexte particulièrement tendu sur le littoral méditerranéen, depuis l’attentat de Nice qui avait fait 86 morts le 14 juillet dernier.
Une décision qui fait jurisprudence
«C’est une décision de bon sens» et «une victoire du droit», a rapidement réagi le secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri. «Cette décision de bon sens va permettre de décrisper la situation, qui était marquée par une tension très forte parmi nos compatriotes musulmans, notamment chez les femmes», a-t-il ajouté. Cette décision» «aura vocation à faire jurisprudence», s’est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l’homme. «Oui, il y a une atteinte disproportionnée à la liberté des religions et le maire n’avait pas le pouvoir de restreindre cette liberté», a-t-il ajouté.
La décision fait date pour la trentaine de communes françaises ayant pris des arrêtés similaires, mais aussi pour le gouvernement, soucieux de clore un débat qui s’envenime. S’exprimant jeudi pour la première fois sur le sujet, le président François Hollande s’était bien gardé de s’avancer: il a appelé à ne céder ni à la «provocation» ni à la «stigmatisation», mettant en avant le «grand enjeu» de «la vie en commun» dans le pays qui compte la plus importante communauté musulmane d’Europe.
Une du New York Times
Cette décision de la haute juridiction administrative sera aussi regardée avec intérêt au niveau international, où la polémique française sur ces tenues de bain couvrant le corps des cheveux aux chevilles, est suivie avec une certaine consternation. La justice française a «l’occasion d’annuler une interdiction discriminatoire qui se fonde sur, et qui nourrit, les préjugés et l’intolérance», a estimé dans un communiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe d’Amnesty International. Des photos du contrôle mardi par quatre policiers municipaux d’une femme voilée, mais pas en burkini, sur une plage de Nice, publiées en Une du New York Times, avaient suscité un immense émoi. La presse allemande avait évoqué une «guerre de religion» et le maire de Londres Sadiq Khan estimé que «personne ne devrait dicter aux femmes ce qu’elles doivent porter».
Le burkini s’inscrit dans un débat récurrent en France sur la place de l’islam, émaillé de polémiques et de lois. Le pays a été le premier en Europe à interdire, en 2010, le voile intégral dans tout l’espace public. Le foulard islamique avait auparavant, en 2004, été banni dans les écoles, collèges et lycées publics. Les arrêtés municicipaux vont encore plus loin. Sans mentionner le terme de «burkini», ils exigent le port sur les plages de tenues respectueuses «des bonnes moeurs et de la laïcité», mais ce sont bien les tenues de bain islamiques qui sont visées.
(Avec AFP et Reuters)
Burkini: le Conseil d’État tranchera aujourd’hui à 15h
- Par Caroline Beyer
- Mis à jour le 26/08/2016 à 14:39
- Publié le 25/08/2016 à 22:23
INFOGRAPHIE – Très attendue, cette décision fera jurisprudence concernant la trentaine d’arrêtés municipaux pris cet été interdisant le burkini sur les plages.
«La France a peur. (…) Le droit ne peut céder aux exigences de la peur», a lancé jeudi Me Patrice Spinosi aux juges du Conseil d’État, les appelant à être une «boussole» dans l’actuelle «tourmente» et à suspendre l’arrêté antiburkini pris le 5 août dernier par la commune de Villeneuve-Loubet (Côte d’Azur). C’est l’avocat de la Ligue des droits de l’homme (LDH) qui a ouvert l’audience publique consacrée à cette affaire du burkini qui, au cœur de l’été, après l’attentat de Nice et dans un contexte d’état d’urgence, a enflammé le monde politique, médiatique et au-delà. Dans la chaleur écrasante de la salle du contentieux, journalistes et citoyens se pressaient pour assister aux débats. D’un côté, la Ligue des droits de l’homme et le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui ont saisi la plus haute juridiction administrative en référé-liberté, afin qu’elle suspende l’arrêté en question et tranche, plus généralement, sur la légalité de la trentaine d’arrêts antiburkini similaires adoptés dans d’autres communes de France. De l’autre, les avocats de Villeneuve-Loubet.
C’est vendredi 26 août, à 15 heures, que le Conseil d’État rendra sa décision. Une décision très attendue, qui fera jurisprudence.
Elle répondra à une question essentielle: celle de savoir si l’arrêté, qui porte atteinte, de fait, à une liberté fondamentale – la liberté religieuse – est proportionné aux risques qui pèsent sur l’ordre public. Le tribunal administratif de Nice, qui avait rejeté la requête de la LDH et du CCIF le 22 août, invoquait «le contexte» de l’attentat de Nice le 14 juillet et celui de l’assassinat du prêtre de Saint-Étienne-du-Rouvray le 26 juillet, «qui a directement visé la religion chrétienne», mais aussi des vêtements de plage affichant, «de façon ostentatoire, des convictions religieuses susceptibles d’être interprétées comme relevant de ce fondamentalisme religieux».
«Il ne s’agit pas de nier que nous sommes dans une situation particulière. Mais cette invocation justifie-t-elle la limitation du port de signe religieux?», interroge Me Spinosi, qui s’en prend à un arrêt justifié «à titre préventif». «Les mesures de polices administratives sont des mesures préventives. (…) Le propre de ces mesures, c’est de porter atteintes aux libertés», a fait valoir de son côté le conseil de la commune de Villeneuve-Loubet, Me François Pinatel, expliquant au passage la difficulté à «endosser le rôle de l’individu liberticide».
L’arrêté, qui suscite le débat, interdit l’accès à la baignade, du 15 juin au 15 septembre inclus, «à toute personne ne disposant pas d’une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité». C’est donc «abusivement» qu’il est appelé «arrêté antiburkini», martèle Me Spinosi. Si l’on s’en tient à ces termes, il concerne aussi «la soutane», «les religieux en habit». Il rappelle par ailleurs que le burkini (cette tenue qui couvre le corps à l’exception du visage, des mains et des pieds), contraction de «burqa» et «bikini», est «en réalité l’équivalent du voile adapté à la baignade». «Il n’y a donc pas de différence entre burkini et voile», poursuit-il. Voile qui, pour l’heure, est interdit dans les services publics, dans les écoles, collèges et lycées, mais pas dans les espaces publics. «Aujourd’hui, c’est la mer et la plage. Demain, ce sera la rue et l’ensemble de l’espace public communal?», interroge-t-il.
L’affaire pose donc aussi la question du pouvoir des maires à légiférer sur les signes religieux dans cet espace public. L’avocat de LDH rappelle par ailleurs qu’en 1909, quatre ans après la loi de séparation de l’Église et de l’État, l’interdiction par des communes du port des habits sacerdotaux dans les rues avait été retoquée par le Conseil d’État.
Pour l’avocat de la ville de Villeneuve-Loubet, la rédaction de l’article débattu est peut-être «maladroite», mais il désigne «une tenue ostensiblement religieuse». Évoquant une «région fortement éprouvée par les attentats de juillet» et «un climat de tension absolu», Me Pinatel appelle les juges à «prendre en considération la situation particulière des communes proches de Nice» .
Ce à quoi la partie adverse oppose le «danger du relativisme». «La solution que retiendra le Conseil d’État doit valoir aussi bien pour Nice que Le Touquet (ville qui a aussi pris récemment un arrêté, NDLR), pour cette saison et la suivante», a conclu Patrice Spinosi.
Un «camp d’été décolonial» interdit aux Blancs s’ouvre à Reims
- Par Eugénie Bastié
- Mis à jour le 25/08/2016 à 14:51
- Publié le 24/08/2016 à 22:11
Les organisateurs de ce stage, qui se tient du 25 au 28 août, assument la «non-mixité» de l’événement. «Rien ne permet d’interdire cette rencontre à ce jour», estime la Ville de Reims.
Ce «camp d’été décolonial» se présente comme un «séminaire de formation à l’antiracisme politique». Il est réservé «uniquement aux personnes subissant à titre personnel le racisme d’État en contexte français», ce qui exclut, de facto, les personnes blanches. Même les couples mixtes n’ont pas le droit de venir ensemble, est-il précisé sur le site de l’événement. Au programme de ce stage qui se tiendra du 25 au 28 août au Centre international de séjour de Reims, des formations sur «comment décoloniser l’imagination», l’afro-féminisme et le «racisme médical», mais aussi des ateliers pour «combattre les politiques anti-migration», «lutter contre la négrophobie des racisé.e.s non noires» ou «combattre l’islamophobie, le plus républicain des racismes». Le compte Twitter du camp décolonial invite à adhérer au CCIF, collectif controversé qui lutte contre l’islamophobie et affiche sans complexe appartenir à la «Team grand remplacement», en référence à la théorie identitaire du Grand Remplacement développée par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus.
La «non-mixité» de l’événement, inspiré des études féministes et postcoloniales des universités américaines, est «assumée à 3000 %» par les organisatrices, Sihame Assbague, ex-porte-parole du collectif «Stop le contrôle au faciès», et Fania Noël, militante de Mwasi «collectif non mixte d’Africaines et Afro-descendantes». Elle doit permettre aux «opprimés» de s’«auto-émanciper» sans l’aide, jugée «paternaliste», des «oppresseurs». L’initiative Paroles non blanches, organisée à Paris le 8 avril dernier, reprenait cette idée d’ostracisme, délibérément opposé à la tradition de l’antiracisme universaliste. Pour les organisatrices, «le rouleau compresseur de l’antiracisme moral aka Touche-pas-à-mon-potea fait des dégâts et a très largement contribué à la dépolitisation de ces sujets», en occultant le «racisme d’État» qui, selon elles, sévit en France. «Du gribouillage idéologique», déplore le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), Gilles Clavreul. «Dire que la République est un État raciste est faux et scandaleux. Cet événement, fondé à partir d’une exclusion, est tout sauf antiraciste», déclare au Figaro ce proche de Valls, qui ne veut pas pour autant «faire de la publicité à un mouvement groupusculaire».
Pour Alain Jakubowicz, président de la LICRA, ce camp est tout simplement «une injure faite au combat antiraciste et à la République et ceux qui en ont pris l’initiative sont des imposteurs.»! «L’idéologie des organisateurs de ce camp est en effet foncièrement néocolonialiste et raciste», martèle-t-il dans un article sur son blog. «Pour eux, les Noirs et les Maghrébins ne sont pas des citoyens, ils sont «Indigènes» et forcément des damnés de la terre, «dominés», discriminés et victimes. Le Blanc, quant à lui, est nécessairement essentialisé en dominateur raciste, impérialiste et sûr de sa supériorité. L’idée de ce camp, au final, n’est pas de lutter contre le racisme mais de lutter contre «le Blanc». Comme au temps honni des colonies, le critère de couleur devient discriminant et tout Blanc qui voudrait participer à ces réunions devient un intrus insupportable.»
Cette ségrégation de principe avait choqué aussi la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Interpellée par le député Bernard Debré le 27 avril à l’Assemblée nationale, elle avait condamné des initiatives «inacceptables», estimant qu’elles confortaient «une vision racisée et raciste de la société qui n’est pas la nôtre».
Malgré ces déclarations, le camp aura bien lieu, et 180 participants y sont attendus. Dans le contexte d’interdictions des burkinis pour motifs de «trouble à l’ordre public», ce camp pourrait-il être interdit? «Rien ne permet d’interdire cette rencontre à ce jour», a fait savoir la Ville de Reims, qui siège au conseil d’administration du centre de séjour et s’est entretenue avec l’organisation de ce stage aux «intentions discutables», selon elle. Pour Martine Solczanski, directrice du centre de séjour, le séminaire n’interfère pas avec les principes de non-discrimination défendus par son établissement. «Nous avons traité leur demande de réservation comme tous les groupes et professionnellement ça ne me pose pas de problème», a-t-elle réagi.
Si les organisateurs ont été suffisamment habiles pour n’enfreindre officiellement aucune loi, reste à savoir s’il y aura effectivement un filtrage à l’entrée de l’événement, et si des personnes blanches qui s’y présenteront éventuellement pourront être refoulées.
La montée en puissance du controversé Collectif contre l’islamophobie (CCIF)
- Par Eugénie Bastié
- Mis à jour le 26/08/2016 à 11:19
- Publié le 23/08/2016 à 13:30
FOCUS – En pointe dans la polémique sur les burkinis, le Collectif contre l’islamophobie en France est sur tous les fronts. D’où vient cette association controversée pour ses méthodes et ses accointances ?
Après les arrêtés pris dans plusieurs villes de France contre le port du burkini, une association est montée au créneau pour défendre le port de ce maillot de bain: le Comité contre l’islamophobie en France (CCIF), qui a saisi la justice en référé-liberté pour chacune des interdictions. «Nous irons devant les juridictions locales dans toutes les villes où des arrêtés ont été pris», a déclaré son porte-parole, Marwan Muhammad. Ce dernier s’est rendu sur plusieurs radios et télés pour défendre le port du burkini. Son discours est bien huilé: refusant de se prononcer sur le fond du problème, il utilise la rhétorique des droits de l’homme et de la «discrimination» que subissent les femmes musulmanes. Il dénonce la «gestion coloniale des musulmans dans ce pays» et se saisit de l’argument du féminisme pour défendre le droit des femmes à s’habiller comme elles le veulent.
Dans la foulée de la polémique sur le burkini, l’association a lancé une grande campagne en ligne d’adhésions et de dons. Elle revendique 5000 nouvelles adhésions en moins d’une semaine, ainsi que 32.595 euros de dons.
À rebours d’institutions officielles de l’islam de France peu représentatives et déconnectées de leur base, le CCIF est très actif sur les réseaux sociaux. Le groupe affiche plus de 83.368 «j’aime» sur Facebook, 24.200 followers sur Twitter (soit le double de l’UOIF, sans compter le CFCM absent des réseaux).
Mais d’où vient cette association devenue un acteur incontournable de l’islam de France, quitte à éclipser les institutions traditionnelles?
• Une association née en 2003, présente sur tous les fronts
En novembre 2003, en plein débat sur l’interdiction du voile à l’école, le journaliste Claude Imbert prononce cette phrase sur LCI: «Il faut être honnête. Moi, je suis islamophobe, ça ne me gêne pas de le dire.» C’en est trop pour Samy Debah, professeur d’histoire, qui, avec une poignée de militants, décide de fonder le Comité contre l’islamophobie en France. L’association qui ne se veut pas confessionnelle, dit lutter contre «tous les actes ou propos s’attaquant à une personne reliée de manière réelle ou supposée à la religion musulmane». Avec un slogan: «l’islamophobie n’est pas une opinion, c’est un délit». Une définition très large qui permet d’englober des combats aussi vastes que l’agression de femmes voilées ou la lutte pour l’abrogation des lois de 2004 et de 2010 sur le foulard et la burqa jugées «islamophobes».
Ces dernières années, le CCIF s’est retrouvé au premier plan dans de nombreuses affaires médiatiques touchant à l’islam: les émeutes de Trappes (le CCIF considérait que le début des émeutes avait été provoqué par une «bavure» policière), l’affaire du «pain au chocolat» lancée par Jean-François Copé (Marwan Muhammad, porte-parole du collectif, avait alors réagi en distribuant des viennoiseries devant une gare), ou encore, l‘affaire Baby Loup. Marwan Muhammad s’était aussi publiquement indigné des caricatures du prophète dans Charlie Hebdo et avait même lancé un pastiche «Charlot Hebdo».
• Défense juridique et comptabilisation des actes «islamophobes»
Le CCIF se donne plusieurs missions. D’abord la poursuite en justice des actes islamophobes, et l’assistance juridique aux victimes d’islamophobie. À son actif: la condamnation du site identitaire «Riposte laïque», ou encore dernièrement, une plainte contre la ministre Laurence Rossignol pour ses propos sur le voile.
Sur son site, l’association met en ligne des «fiches pratiques» pour se défendre, sur des sujets aussi divers que les contôles des femmes voilées à l’aéroport, le port de jupes longues à l’école, la cantine scolaire, etc. On trouve même un «guide pratique» à l’usage de ceux qui subissent des perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence.
Ensuite, la comptabilisation des actes «islamophobes, à travers de nombreux rapports et statistiques, publiés régulièrement. Ces chiffres sont plus élevés que ceux du ministère de l’Intérieur qui ne comptabilise que les plaintes enregistrées. L’association publie aussi des «rapports» dénonçant l’islamophobie en France, dont le dernier, présenté à l’ONU et intitulé: «Être musulmane aujourd’hui en France: les femmes, premières victimes de l’islamophobie». «L’État français et ses institutions sont responsables de 70% des actes islamophobes», peut-on lire dans ce document. En effet, contrairement à l’antiracisme classique, sauce «Touche pas à mon pote», le CCIF se propose de faire le procès d’un «racisme structurel», qui serait d’abord le fait des instances publiques.
Troisième axe du CCIF: la mise en œuvre de campagne de sensibilisation et d’un lobbying médiatique pour combattre l’islamophobie. à travers des campagnes, lancées notamment sur les réseaux sociaux.
• Reconnaissance internationale
Le Collectif bénéficie d’une relative reconnaissance internationale. Il est invité chaque année par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), pour laquelle Marwan Muhammad a travaillé, et reçu par la Commission européenne. Le Conseil économique et social des Nations unies lui accorde le statut de membre consultatif. Samy Debah, président du Comité, a été invité à la réunion de lancement de l’instance de dialogue avec l’islam à Matignon le 15 juin dernier.
L’association affirme ne recevoir aucun financement étranger, et se financer uniquement grâce à des dons privés. Elle a cependant reçu en 2013 une subvention de la Commission européenne. En 2012, le CCIF a reçu également 35.000 euros de la part de l’Open Society, la fondation du milliardaire Georges Soros, pour mettre en œuvre une campagne controversée, qui avait finalement été retirée par la RATP.
• Méthodes contestées et accointances controversées
«Le CCIF n’appartient à aucun courant politique, religieux ou idéologique», proclame l’association dans sa présentation. Pourtant, elle est fortement contestée pour ses accointances communautaristes, notamment auprès du controversé Parti des Indigènes de la République, ainsi que pour sa proximité avec l’idéologue Tariq Ramadan. Dans un article au titre évocateur «Des islamistes qui avancent mosquée», Le Canard enchaîné soulignait que le CCIF «s’est spécialisé dans des rapports faisant le procès de la laïcité à la française», et rappelait que le porte-parole du CCIF s’était produit en compagnie d’orateurs sulfureux, comme l’imam radical d’Aubervilliers Hassen Bounamcha, et les prédicateurs radicaux Nader Abou Anas et Rachid Abou Houdeyfa. Selon Libération, Samy Debah, le fondateur du CCIF, était lui-même un ancien prédicateur tabligh et proche de Tariq Ramadan. Le collectif assume sa proximité avec les acteurs néosalafistes comme Al-Kanz ou Baraka City, avec lesquels il signe un communiqué contre les perquisitions en novembre 2015.
Mais au-delà de ces accointances supposées, le collectif est aussi accusé de gonfler les chiffres de l’islamophobie. La méthode statistique du CCIF a été démontée dans le livre Islamophobie, la contre-enquête (Plein Jour, 2014), d’Isabelle Kersimon et Jean-Christophe Moreau. Les auteurs démontraient que le CCIF recensait comme autant d’actes islamophobes des fermetures de lieux de culte fondamentalistes, des expulsions d’individus impliqués dans des entreprises terroristes, des règlements de comptes crapuleux et même des déprédations dans les mosquées… Ainsi, en 2010, le vol d’un câble électrique à la grande mosquée de Reims a-t-il été comptabilisé comme un geste islamophobe.
Le CCIF est contesté par les tenants d’une gauche républicaine et laïque, comme le mouvement du «Printemps Républicain» ou la journaliste Caroline Fourest. Manuel Valls lui-même avait reproché publiquement à Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, d’avoir signé une tribune avec certains membres du CCIF dans Libération.
Le CCIF est également contesté à droite. Mardi 23 août, le député Gilbert Collard a alerté dans une question écrite au gouvernement le premier ministre Manuel Valls «sur les activités du Collectif contre l’islamophobie en France».
«Cette organisation, dont le financement reste opaque, est très proche des imams radicaux et de certaines mosquées salafistes ; dont elle a déjà assuré la défense en justice», affirme le député. «Il est désormais clair que toute cette agitation, soutenue et relayée par des prédicateurs haineux est susceptible de troubler gravement l’ordre public. Monsieur Gilbert Collard souhaiterait donc savoir si le Gouvernement exerce une surveillance vigilante, et s’il est disposé à dissoudre le CCIF en cas de manquement avéré au code de la sécurité intérieure.»
Camp d’été décolonial interdit aux «blancs» : quand l’antiracisme verse dans le racisme
- Par Alexis Feertchak
- Mis à jour le 24/08/2016 à 19:57
- Publié le 24/08/2016 à 19:50
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Un camp d’été «décolonial» interdit aux «blancs» se tient à Reims du 25 au 28 août 2016. Pour Laurent Bouvet, une partie de l’ «antiracisme» devient le miroir inversé de l’extrême-droite identitaire.
Laurent Bouvet est professeur de Science politique à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié L’Insécurité culturelle chez Fayard en 2015.
FIGAROVOX. – Un camp d’été décolonial se tient du 25 au 28 août 2016 dans un centre de séjour à Reims. Les organisatrices expliquent que celui-ci s’adresse aux victimes du «racisme structurel» et qu’il exclut dès lors les personnes blanches. L’antiracisme est-il devenu raciste?
Laurent BOUVET. – Il y a une forme de racisme en effet dans cette exclusion puisqu’elle s’appuie non pas sur les idées ou les comportements de ceux qui sont exclus mais sur une de leurs caractéristiques physiques, la couleur de leur peau.
Ce qui soulève, comme toujours en pareil cas, bien des questions: à partir de quel moment est-on «blanc» ou «noir»? Quid du métissage, dont il faut rappeler, inlassablement, qu’il est la preuve même de l’inexistence des «races humaines»? Comment justifier qu’on lutte contre une discrimination, raciale en l’occurrence, en provoquant un même type de discrimination à son tour?
Bref, il y a là beaucoup de cynisme, de manipulation et, reconnaissons-le, un sens aigu de la communication de la part des organisateurs de cette manifestation qui sans cette publicité n’aurait eu aucun écho.
J’ajouterai que combattre le racisme mérite mieux que ça, et que ce doit être l’affaire de tous, sans aucune distinction. C’est une garantie non seulement de légitimité de ce combat mais encore d’efficacité. Supposer que, parce qu’on a telle ou telle couleur de peau ou parce que l’on vit des expériences différentes, on ne pourrait pas partager les mêmes valeurs et mener un combat commun, c’est réduire l’humanité de l’Homme, c’est l’abaisser.
Le site internet précise que le camp d’été est réservé uniquement aux personnes subissant à titre personnel le «racisme d’État». Comment comprendre cette formule? N’est-ce pas Manuel Valls lui-même qui avait utilisé le terme d’Apartheid?
Depuis des années se développe, dans le milieu associatif anti-raciste et de lutte pour les droits de l’Homme, ainsi que dans la recherche en sciences sociales, l’idée qu’il y aurait un racisme d’État. Cette idée n’est pas toujours définie précisément ni de la même manière par les différents auteurs et acteurs qui la mettent en avant. Parfois, il s’agit d’une dénonciation pure et simple de l’action publique, notamment de la police, qui discriminerait telle ou telle population au regard de son origine. D’autres fois, il s’agit d’un synonyme de postcolonialisme, qui vise à dénoncer un esprit d’ensemble de la société française, dont la partie «dominante» (blanche, occidentale, chrétienne, laïque…) serait encore empreinte de colonialisme et témoignerait d’un racisme à l’égard des descendants des populations colonisées venues en France après les indépendances.
Cette formule est donc assez instable, mal définie et surtout utilisée dans un but davantage politique (la critique de l’État, de la République, de la laïcité…) que d’une meilleure connaissance de la société. Elle permet une explication globalisante qui règle toutes les difficultés d’explication d’un certain nombre de phénomènes sociaux. Ainsi, cela permet-il par exemple de ne pas se poser la question de la réussite en termes scolaires, économiques ou sociaux de certaines populations immigrées issues d’anciennes colonies par rapport à d’autres.
Une telle formule conduit surtout à ne pas décortiquer les mécanismes concrets de la discrimination raciale, et donc à ne pas prendre les mesures les plus efficaces contre celle-ci. C’est d’ailleurs ce qui est le plus étonnant puisque cela signifie que le but affiché et les moyens mobilisés par cette dénonciation du «racisme d’État» sont totalement dissociés. Sans même parler du résultat, totalement inefficace.
L’usage du terme «apartheid» par le Premier ministre est en effet étrange. Il contribue, en voulant utiliser une image forte à propos de la relégation urbaine ou de la ségrégation sociale de certaines populations aujourd’hui en France à raison de leur origine, à nourrir cette idée d’un «racisme d’État» ou du moins consenti sinon organisé – l’apartheid étant un système de racisme voulu et organisé par l’État. Je ne suis pas certain que le Premier ministre ait atteint, lui non plus, le but qu’il s’est fixé en parlant ainsi.
Le site de l’événement précise aussi que «le camp s’inscrit dans la tradition des luttes d’émancipations décoloniales anti-capitalistes et d’éducation populaire». Quelles sont les origines idéologiques de tels mouvements?
Ce «camp» participe, si l’on suit cette auto-description, de plusieurs traditions de mobilisation politique et sociale. Celle de la lutte anti-coloniale (dans le cadre du postcolonialisme dont on parlait plus haut), celle de l’anti-capitalisme et celle, donc de l’éducation populaire. Pourquoi pas. Il n’y a pas de raison, a priori, de contester le rattachement par ses organisateurs à ces différentes traditions.
Concernant le postcolonialisme, c’est assez clair en effet. Pour ce qui est de l’anti-capitalisme, c’est plus flou. On comprend bien que certains mouvements d’extrême-gauche participent à ce «camp» et partagent les analyses et les revendications qui y sont affichées mais ce n’est pas ce qui ressort de prime abord. On peine à voir dans les motivations des organisateurs du camp une quelconque cohérence idéologique du point de vue de la contestation du capitalisme sinon par une invocation jamais très précise de l’intersectionnalité des luttes (sociales, raciales et féministes). On est loin de toute vision marxiste, par exemple, dans la manière dont sont comprises les notions d’égalité ou d’aliénation. Enfin, concernant l’éducation populaire, qui repose dans l’histoire de la gauche française sur une tradition laïque, universaliste et d’ouverture à tous sans aucune distinction, de «race» notamment, disons pour rester poli que les organisateurs se moquent du monde.
De manière générale, le procédé, bien connu, qu’ils utilisent ici, comme en bien d’autres occasions dans le débat public relève du sophisme: ils renversent le sens des mots contre leur signification originale, ce qui leur permet d’accuser leurs adversaires (leurs ennemis en fait) en retournant contre eux ces mots.
Sans aller jusqu’à ces formes extrêmes, le communautarisme et les thématiques identitaires gagnent du terrain. Le projet républicain peut-il vraiment se passer d’un socle identitaire minimal?
Je ne lierais pas l’idée républicaine ou le projet républicain à un «socle identitaire». En revanche, la République en France s’appuie nécessairement sur une culture commune. Mais cette culture n’est pas une essence. Elle ne vient pas comme ça, nécessairement et mécaniquement du passé. Elle est à la fois un héritage, composite et complexe, et une construction permanente, au-delà des aléas de l’Histoire et des ruptures.
Péguy a trouvé à mes yeux la formule parfaite pour décrire cette articulation entre le projet politique et le substrat culturel: «La République, une et indivisible, c’est notre Royaume de France».
La France est un édifice sans cesse en construction. Son principe étant qu’il faut en accepter le schéma général pour pouvoir y contribuer, y apporter son originalité propre, sa spécificité, son identité si vous voulez. C’est parce qu’on contribue à un ensemble dans lequel on s’inscrit pleinement, en acceptant ce qu’il a été dans le passé, en héritant à son tour de ce passé, qu’on peut contribuer à son évolution.
C’est le sens du lien si particulier entre souveraineté et identité en France. Un lien différent dans d’autres pays. Un lien irréductible à d’autres. C’est pour cela précisément que le projet européen a tant de mal à s’ancrer dans les vieilles nations européennes. C’est aussi pour cela qu’il est tellement ridicule d’arguer de tel ou tel autre modèle, étranger, pour inspirer au fond telle évolution ou telle réforme du nôtre. On peut se comparer, on peut échanger, on peut aller vers les autres… mais en restant nous-mêmes. Fiers de ce que nous sommes, conscients aussi de nos limites et de nos difficultés.
Aux États-Unis, des «colocs» étudiantes sont réservées aux «noirs» et une pétition a circulé dans la prestigieuse université de Yale pour décoloniser la littérature et y retirer les auteurs blancs. Ceci participe-t-il au même mouvement?
Aux États-Unis, le fait communautaire est très puissant, ancré dans la vie sociale. C’est dû à la manière dont s’est construit le pays et à une conception libérale, profonde, des relations entre individus et communautés. Cela n’empêche pas par ailleurs un véritable patriotisme américain et l’amour de la Nation.
Depuis les années 1970, des groupes, associations, mouvements… fondés sur telle ou telle appartenance, à partir d’un critère identitaire (sexe, race, orientation sexuelle…), revendiquent au nom du caractère «minoritaire» de ce critère dans la société américaine des changements de politique publique: discrimination positive, adaptation du curriculum des études aussi bien dans le secondaire qu’à l’université, reconnaissance historique de préjudices et indemnisations, etc. L’idée fondamentale est celle d’un rééquilibrage identitaire par rapport au profil dominant historiquement, économiquement, culturellement… du mâle blanc hétérosexuel. Cela devant passer non seulement par des droits égaux mais par une reconnaissance spécifique de l’identité de chacun au nom de sa légitimité propre (ex.: «black is beautiful»).
D’où les demandes de non-mixité des groupes, de mise en avant des membres de ces minorités dans l’histoire, la littérature, les découvertes scientifiques… Avec des résultats contrastés. Cela a permis souvent de redonner tout leur rôle et leur lustre à tel personnage historique ou tel auteur mais aussi parfois de favoriser des personnages et auteurs moins importants dont la plus grande vertu n’est pas l’action ou l’œuvre mais le simple fait d’appartenir à telle ou telle minorité. En tout cas, cela a pu être utile même si c’est parfois assez caricatural.
Agir en fonction de critères raciaux. Réécrire l’histoire ou la littérature pour des raisons idéologiques. Comment expliquez-vous que cette gauche décoloniale soit comme un miroir inversé de l’extrême-droite?
Il y a bien un côté miroir inversé de l’extrême-droite identitaire dans certaines revendications et chez certains activistes ou intellectuels de ce mouvement «décolonial». Ils partagent l’idée qu’il y aurait une essence dans l’identité de chacun, ce sont des essentialistes. C’est-à-dire que l’on ne pourrait quelle que soit sa volonté, son désir, son travail, son œuvre… se détacher de ce que l’on est en raison de sa naissance. Cette idée essentialiste est aussi profondément contradictoire avec le métissage et la possibilité d’emprunter à plusieurs cultures, de jongler avec les différents critères de l’identité qui nous composent, tous, selon les situations, les moments de la vie.
C’est ce qui me paraît le plus dangereux, le plus destructeur de l’humanité de l’Homme précisément. Et c’est pour cela me semble-t-il, qu’il faut combattre ces tentations identitaires avec la plus grande fermeté. Les combattre idéologiquement et politiquement.