La chambre des référés du tribunal de grande instance de Brest examinait, hier, la demande formulée par l’avocat des personnes expulsées, au Forestou, qui conteste la décision de justice ayant permis l’opération menée vendredi.
Affaire 23. « Forestou contre BMH ». Pour Me Trân, avocat des 43 personnes expulsées, vendredi, avec grand bruit, des anciennes maisons de cheminots qu’ils squattaient depuis plusieurs mois, c’est « le pot de terre contre le pot de fer ». Pendant plus de deux heures, l’avocat et ceux de Brest Métropole Habitat qui lui faisaient face se sont rendus coup pour coup. Parfois de manière un peu trop virulente pour le président du TGI, Éric Minnegheer, qui a dû les rappeler à l’ordre. Jeudi dernier, soit la veille de l’opération menée au Forestou, l’avocat des migrants avait assigné BMH, contestant l’ordonnance d’expulsion délivrée par le TGI de Brest. « Certains y verront un hasard. Pas moi », a tonné le jeune avocat, qui a articulé son argumentation pour obtenir la nullité de la procédure autour de deux axes. Le premier : la forme. « On a un problème de compétence matérielle, a ainsi argumenté Me Trân. La loi est claire : l’expulsion des immeubles bâtis dépend du tribunal d’instance, et non pas du tribunal de grande instance ». Une question qui, pour Me Robin, avocat de BMH, ne se pose pas. Photos à l’appui, il tente de démontrer que les premiers occupants des terrains appartenant à BMH dormaient sous toile de tente. « Ils ont ensuite démuré les maisons que mon client entendait raser pour y construire 40 logements sociaux » pour pouvoir s’y introduire, avant d’être imités par d’autres, soutenus par le mouvement « Zéro personne à la rue ». « On devrait saisir deux magistrats ? Un au TGI pour l’occupation illicite des terrains, et un au TI pour celle des maisons ? Ca n’a pas de sens ! ».
Les expulsés demandent à pouvoir réintégrer les maisons
Restait ensuite le fond. Selon Me Trân, la requête devait être motivée par « l’urgence à détruire les maisons », du fait, notamment, de l’amiante qu’elles contiennent.
Or, « l’amiante est inoffensif tant qu’il n’y a pas destruction », affirmera l’avocat, qui réclamera que le tribunal se rétracte sur les ordonnances, ordonne la réintégration des expulsés dans les maisons (avec une astreinte de 50 € par jour le temps de les remettre en état suite à leur dévitalisation, vendredi), et 2.000 par expulsé au titre du préjudice moral et matériel. De même, selon lui, le projet de construction de logements sociaux en lieu et place des maisons « n’existe pas ». Enfin, l’insalubrité des maisons n’a pu être avérée, « l’huissier chargé de la constater n’étant pas rentré dans les dites maisons ».
« On renverse la situation ! »
« Et pour cause ! », s’est emporté l’avocat de l’office public de l’habitat, rappelant les flots d’insultes qui accompagnaient chaque passage de l’huissier. Aux arguments et aux critiques de son homologue – qui a fustigé « l’attitude fautive et cynique » de BMH – Me Robin répondra point par point. Parlant de « mensonge », il appuiera qu’une « opération telle que celle menée vendredi, tellement délicate sur le plan humain, ne s’improvise pas en quelques heures ». Déplorant l’absence d’un quelconque intérêt des expulsés à agir en justice – « l’expulsion ayant déjà eu lieu » – il évoquera une « violation du droit de propriété évident », rappelant que « BMH n’avait bien évidemment pas acheté ces terrains pour en faire une friche », et que le permis de déconstruire, à la date du 30 mai 2016, venait appuyer l’existence d’un projet. Enfin, il déplorera que, dans cette affaire, « on renverse la situation pour présenter BMH, qui est pourtant la victime, comme coupable ». « Et il faudrait, en plus, que mon client paye les travaux pour rendre les lieux salubres ? ». Une question à laquelle le tribunal, qui a mis son jugement en délibéré, répondra la semaine prochaine.