Lula au Brésil, Park en Corée du Sud : la corruption ne paie plus, mauvais augure pour mes adversaires… 6 avril
Lula, la chute de l’icône de la gauche brésilienne
Qualifié en 2009 de « politicien le plus populaire au monde » par Barack Obama, l’ex-président du Brésil, condamné pour corruption, ne devrait pas échapper à la prison.
LE MONDE | 05.04.2018 à 17h49 • Mis à jour le 05.04.2018 à 18h32
« J’adore ce mec », lançait un Barack Obama tout sourire en avril 2009, au sommet du G20 de Londres. « C’est le politicien le plus populaire au monde », ajoutait le président américain, alors tout juste entré en fonctions, en empoignant la main de son homologue brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva.
Neuf ans plus tard, Luiz Inacio Lula da Silva, qui a gouverné le plus grand pays d’Amérique latine entre 2003 et 2010, et qui espère encore faire un nouveau mandat, n’échappera finalement pas à la prison, en vertu de sa condamnation en janvier à douze ans de détention pour corruption. Approuvée par la Cour suprême, mercredi 4 avril, cette détention pourrait, sauf ultime surprise, commencer autour du 10 avril. Chronologie de l’ascension et de la chute d’un géant politique.
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1945-1966 : l’enfant pauvre
Rien ne prédestinait à un destin national « Lula », cadet d’une fratrie de huit enfants, né dans une famille d’agriculteurs pauvres du Pernambouc, dans le nord-est du Brésil, en 1945. Lula a 7 ans lorsqu’il émigre avec sa famille à Sao Paulo, dans le Sud, pour échapper à la misère. « Quand on a connu la faim, on ne renonce jamais », rappelle-t-il régulièrement.
Enfant, il cire des chaussures pour gagner quelques pièces, et fait des heures dans une blanchisserie. C’est à 14 ans qu’il devient ouvrier, d’abord dans les entrepôts généraux Columbia, puis comme métallurgiste dans la fabrique de vis Marte. De ses débuts professionnels il garde un stigmate physique : il perd l’auriculaire gauche dans un accident du travail.
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1975-1985 : le syndicaliste
En 1968, alors qu’il est métallo aux usines Villares, l’une des principales industries métallurgiques du pays, à São Bernardo do Campo (Etat de São Paulo), Lula entre au syndicat des métallurgistes. Au fil des ans, l’ouvrier se fait connaître par son charisme et gagne en responsabilités. En 1975, il est élu président du syndicat, avec 92 % des voix. Il représente alors 100 000 travailleurs.
Après une décennie sans grève ouvrière, le Brésil, gouverné par une junte militaire depuis 1964, est secoué à partir de mars 1979 par un grand mouvement de grève dans l’industrie. La répression policière et l’absence de réactions politiques poussent Lula à fonder, en 1980, le Parti de travailleurs (PT). Acteur majeur du mouvement Diretas Já (« des élections directes maintenant »), qui contribue à mettre un terme au régime militaire, en 1985, le héros ouvrier emprunte le chemin de la politique, qu’il ne quittera plus.
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1986-2002 : le politicien
C’est en 1986 que Lula est élu député fédéral de São Paulo, avec le plus grand nombre de votes du pays. A ce poste, il continue à se faire connaître du grand public, à la faveur de slogans chocs et de coups d’éclat. « Au Brésil, quand un pauvre vole, il va en prison. Quand un riche vole, il devient ministre ! », lance-t-il ainsi en 1988.
Le PT le choisit pour candidat à la présidence de la République en 1989, à l’occasion du premier scrutin au suffrage direct pour cette fonction depuis vingt-neuf ans. Il perd de peu. En 1994 et en 1998, Lula, à nouveau candidat à la présidentielle, sera battu deux fois par le social-démocrate Fernando Henrique Cardoso.
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2003 : le président
Après ses trois échecs électoraux, Lula, fort d’une alliance politique élargie, remporte le scrutin présidentiel en octobre 2002, avec 61,3 % des votes. Il a 57 ans. Son projet est axé sur un ambitieux programme social en faveur des plus démunis, baptisé la « Bolsa familia » (« bourse familiale »).
A la tête du pays, Lula poursuit une cure de rigueur de trois ans, faisant notamment voter l’alignement du régime des retraites public sur celui du privé. Puis, le miracle socio-économique du géant émergent d’Amérique latine opère.
Sous sa présidence, 30 millions de Brésiliens sortent de la misère pour grossir les rangs de la classe moyenne. Rien ne semble résister à celui qui devient l’icône de la gauche latino-américaine, et le chantre de la démocratie participative. ll met notamment en place le programme « Fome Zero » (« faim zéro »), qui garantit l’accès aux produits alimentaires de base.
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2005 : la première affaire
Lula est au sommet de sa popularité, mais son image est écornée par une première affaire. En 2005, le scandale « Mensalao » éclate : la justice découvre que le PT a versé sous le premier mandat de Lula des pots-de-vin à des parlementaires pour qu’ils soutiennent les textes présentés par le gouvernement. Si plusieurs hauts dirigeants du parti sont condamnés à des peines de prison et plusieurs ministres démis de leurs fonctions, Lula échappe à toute poursuite pénale.
En 2006, il reste le grand favori de la présidentielle, et est élu au second tour avec 60,8 % des suffrages. Il poursuit sa politique sociale, débloquant près de 3 milliards d’euros pour les habitants des favelas. En 2010, le magazine Time le désigne « le dirigeant le plus influent du monde ».
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2011 : le départ
Au dernier jour de 2010, Lula est obligé de quitter le pouvoir, la Constitution lui interdisant de briguer un troisième mandat d’affilée. Fort d’un taux de popularité de 87 %, il lègue à sa dauphine, Dilma Rousseff, une croissance économique annuelle de 7,5 %.
Quelques mois plus tard, l’ancien président, âgé de 66 ans, annonce être atteint d’un cancer de la gorge. Les médecins le déclarent guéri l’année suivante. L’ancien homme fort du Brésil reste un conseiller important de Dilma Rousseff.
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2014 : Petrobras
En mars 2014, le Brésil est secoué par un scandale aux proportions inédites. L’affaire Petrobras, du nom de l’entreprise pétrolière contrôlée par l’Etat, touche à la fois des grands acteurs économiques (les géants brésiliens du BTP) et des personnalités appartenant à la coalition de centre gauche, avec laquelle gouverne la présidente Dilma Rousseff. Elle met au jour des malversations et dessous-de-table ayant eu pour principal objectif de financer des campagnes électorales.
Lire aussi : Brésil : tout comprendre à l’opération « Lava Jato »
L’opération « Lava Jato » (« lavage express »), menée par le juge Sergio Moro, fait tomber des têtes. Dilma Rousseff est dans le viseur des juges. Lula est accusé d’avoir « joué un rôle central » dans le système de corruption, faisant l’objet de trois enquêtes au sein de cette affaire tentaculaire. Selon les policiers, l’ancien président aurait touché près d’un million d’euros sous la forme de travaux de rénovation d’un appartement dans une station balnéaire en échange de contrats passés avec l’entreprise.
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2016-2018 : échapper à la prison
Dénonçant une campagne d’acharnement des juges, Lula tente de se mettre à l’abri de la justice en entrant au gouvernement de Dilma Rousseff, elle-même menacée d’une procédure de destitution. La manœuvre est bloquée par la justice. Le 31 août 2016, Dilma Rousseff est destituée par les sénateurs. En septembre 2016, Lula est inculpé de tentative d’entrave à la justice dans le cadre de l’enquête sur Petrobras.
Lula maintient pourtant son projet de se porter candidat à la présidentielle de 2018, se disant prêt à « prendre le pouvoir ». En juillet 2017, il est condamné à neuf ans et demi de prison pour corruption passive et blanchiment d’argent, mais il multiplie les recours pour éviter la prison.
En janvier 2018, sa condamnation en appel est aggravée à douze ans et un mois de prison. Mercredi 4 avril, la Cour suprême lui refuse sa demande d’habeas corpus — le droit de ne pas être emprisonné tant que tous les recours judiciaires n’ont pas été épuisés.
Lire aussi : Lula : le Parti des travailleurs brésilien orphelin de son héros
Pourra-t-il se maintenir comme candidat à la présidentielle d’octobre ? S’il parvient à se présenter, Lula reste le grand favori du scrutin, avec 35 % des intentions de vote. Sans lui, le Parti des travailleurs n’est crédité que de 3 % des suffrages. Le Brésil ne semble pas en avoir fini avec l’ère Lula, même derrière les barreaux.
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L’ancien président brésilien Lula à quelques heures de la prison
Condamné à douze ans et un mois de prison pour corruption, l’icône de la gauche brésilienne, a jusqu’à vendredi après-midi pour se présenter à la police.
Le Monde.fr avec Reuters | 05.04.2018 à 23h19 • Mis à jour le 06.04.2018 à 08h20 | Par Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)
Fidèle à sa réputation de « shérif » de l’anti-corruption, le juge Sergio Moro, n’a pas attendu pour dégainer. Peu après 18 heures, jeudi 5 avril, soit moins de 24 heures après que la Cour suprême eut refusé l’habeas corpus de Luiz Inacio Lula da Silva, le magistrat en charge de l’opération « Lava-Jato » (lavage express) réclamait l’exécution immédiate de la peine de l’ancien président brésilien condamné en janvier à 12 ans et un mois de prison. L’ex-syndicaliste, figure iconique de la gauche, a jusqu’à vendredi 17 heures, heure de Brasilia, (22 heures GMT) pour se livrer à la police. Eu égard au respect de sa fonction passée, le juge Moro précise dans son mandat avoir interdit l’usage de menottes et lui avoir réservé une salle éloignée des autres détenus, « sans risque pour son intégrité physique et morale ».
L’ancien métallo, d’abord résolu à se livrer aux forces de l’ordre, se serait laissé convaincre de mener une « résistance pacifique », abasourdi par l’empressement du juge. Une décision « insensée », a-t-il confié à un journaliste brésilien, qui ne viserait, selon lui, qu’à accomplir le « rêve » du juge Moro.
« Lula est légaliste, ses militants peut-être moins »
Aux avocats de l’ancien président qui pensaient pouvoir bénéficier d’un ultime sursis lié à l’examen d’un recours dit d’« embargo de déclaration » (une demande d’éclaircissement) Sergio Moro a offert un démenti cinglant. « Il n’existe plus de recours avec effet suspensif de la condamnation en deuxième instance », écrit-il.
Dans un Brésil déchiré entre la rage et la passion, écartelé entre la haine envers le « bandit » et l’adoration pour le « père des pauvres », la mise à exécution du droit ne va pas de soi. L’ancien président, immodeste, affirmait lors de l’un de ses meetings fin 2017 « Lula n’est pas Lula. Lula est une idée. ». Or, pour ses fidèles, une idée ne va pas en prison. « Lula est légaliste, ses militants peut-être moins », souffle un proche du Parti des travailleurs (PT, gauche) de Lula, redoutant que les esprits ne s’échauffent.
Dès 19 heures, à Sao Bernardo, ville industrielle de l’Etat de Sao Paulo, la résistance s’organisait. Une foule avançait vers le syndicat des métallos, où l’ancien syndicaliste s’était reclus. Le lieu, berceau du PT et de la lutte ouvrière, où a démarré la carrière politique de Lula sous la dictature militaire (1964-1985), devait se transformer en bunker. Déterminés à protéger leur héros d’une justice qu’ils estiment « arbitraire », les sympathisants de gauche entendaient camper devant le bâtiment jusqu’à expiration du délai imposé par le juge Moro. L’enjeu est d’obliger la police fédérale à pénétrer de force dans le local pour y cueillir Lula.
« La maison de Lula, lieu de résistance »
« Tous à Sao Bernardo ! (…) la maison de Lula, lieu de résistance », enjoignait Gleisi Hoffmann, présidente du PT fustigeant la « haine », la « rancœur » et « l’obsession » du juge Moro envers Lula. « Il y aura une mobilisation et une résistance pour la démocratie », affirmait aussi Guilherme Boulos, figure montante de la politique et précandidat à l’élection présidentielle d’octobre pour le parti Socialisme et liberté (Psol, gauche).
Au sein de la classe politique brésilienne, rares étaient ceux à applaudir la chute précipitée de l’icône. « On ne peut célébrer la prison d’un ex-président », commentait notamment Rodrigo Maia, président de la chambre des députés, reflètant l’état d’esprit d’une grande partie de ses confrères. Au-delà d’une réelle empathie envers l’ex-chef d’Etat, Brasilia tremble redoutant de subir, tôt ou tard, le même sort que l’ancien président. Selon le décompte du site Congresso em foco de suivi de l’actualité parlementaire, 40 % des députés et sénateurs sont en délicatesse avec la justice. « Aucun politicien, sympathisant ou non de Lula, ne pensait que Lava-Jato irait si loin. L’ambiance est à la panique et à la perplexité », observe Sylvio Costa, fondateur du site Congresso em foco.
« Un élément pacificateur »
L’opération judiciaire, historique, a mis au jour les pratiques crapuleuses lié au financement de campagnes jettant le discrédit sur les grands partis de gauche et de droite. Lula n’a pas échappé aux accusations. Mais profitant de son aura, il restait le favori des sondages pour le scrutin présidentiel, avec plus de 35 % d’intentions de vote.
Sa sortie de piste laissera un vide plongeant le pays dans l’incertitude. « Contrairement à l’image qu’il donne parfois, Lula était un élément pacificateur de la scène politique », estime le politologue Mathias de Alencastro. Déboussolés, une partie des électeurs pourraient se détourner définitivement de la politique brésilienne. Une autre pense avoir déjà trouvé « le sauveur de la patrie » à même de remettre de l’ordre dans une démocratie à la dérive en la personne de Jair Bolsonaro. Le candidat d’extrême droite, militaire de réserve, défenseur du port d’arme et de la peine de mort, a été accueilli jeudi soir à l’aéroport régional de Caixa do Sul, dans l’Etat de Rio grande do Sul par les hourras de la foule.
https://www.francetvinfo.fr/monde/bresil/bresil-l-ex-president-lula-va-etre-incarcere_2692906.html
Brésil : l’ex-président Lula va être incarcéré
Sous le coup d’un mandat de dépôt, l’ancien président brésilien a été condamné pour avoir obtenu un logement de luxe de la part d’une société de bâtiment.
Devant le domicile de Lula, à São Paulo, ses partisans donnent de la voix pour soutenir celui qu’ils voient tous comme l’homme de la situation. Donné favori par les sondages d’intentions de vote de la prochaine élection présidentielle, prévue pour le mois d’octobre, l’ancien président brésilien ne pourra donc pas briguer un autre mandat après avoir été condamné dans le cadre d’une affaire de corruption. Lula devra, vendredi 6 avril, se rendre à la police brésilienne pour être incarcéré. A une voix près, la Cour suprême de Brasilia a refusé de le laisser en liberté.
« Un voleur doit aller en prison »
La justice lui reproche d’avoir reçu un luxueux appartement en bord de mer de la part d’une entreprise de bâtiment en échange de faveurs dans l’obtention de marchés publics. Un coup de tonnerre à sept mois du scrutin présidentiel. Dans la rue, les avis sont partagés. « Un voleur doit aller en prison, peu de voleurs ont été arrêtés au Brésil », déclare un passant, tandis qu’une femme évoque une décision « ridicule ».
L’ex-présidente sud-coréenne Park condamnée à vingt-quatre ans de prison pour corruption
La cour a jugé que Park Geun-hye s’était entendue avec sa confidente pour percevoir des commissions occultes auprès de conglomérats sud-coréens.
LE MONDE | 06.04.2018 à 09h03 • Mis à jour le 06.04.2018 à 11h44 | Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
Plus seule que jamais, Park Geun-hye a été condamnée vendredi 6 avril à vingt-quatre ans de prison et 18 milliards de wons (13,8 millions d’euros) d’amende par le tribunal de Séoul. L’ex-présidente conservatrice sud-coréenne, destituée en décembre 2016 et emprisonnée depuis mars 2017, a été reconnue coupable notamment de corruption, d’abus de pouvoir et de fuite de documents officiels, le tout dans l’affaire dite « Choi-gate ». Fin février, le parquet avait requis trente ans de détention.
Le verdict a été diffusé à la télévision, les juges estimant qu’il relevait de l’intérêt du public. Mme Park s’y était opposée, arguant d’une atteinte aux droits de la défense et à la présomption d’innocence. En vain. Elle a refusé de se présenter au tribunal, comme elle avait refusé d’assister aux différentes audiences de son procès, commencé en octobre 2017, et qu’elle considérait comme une « revanche politique ». Devant le tribunal s’étaient réunis plusieurs dizaines de ses partisans exigeant sa libération immédiate.
Le « Choi-gate » a éclaté en octobre 2016 avec les révélations par la chaîne de télévision JTBC d’une véritable dépendance de la présidente à l’égard d’une amie proche, l’intrigante Choi Soon-sil. Usant de sa relation particulière avec Mme Park, Mme Choi a extorqué des millions d’euros aux chaebols (les conglomérats sud-coréens) pour deux fondations qu’elle contrôlait. Bien que n’apparaissant pas dans les organigrammes officiels, elle aurait joué un rôle majeur dans la plupart des décisions prises par la présidente, allant jusqu’à relire ses discours, se prononcer sur les membres du gouvernement et choisir sa garde-robe. Choi Soon-sil a été condamnée en février à vingt ans de détention.
Depuis son placement en détention, Mme Park semble de plus en plus isolée. Affectée par quelques soucis de santé, elle passerait ses journées dans sa cellule de 10 m² à lire et à regarder des séries télévisées. Elle n’aurait guère de contacts avec l’extérieur.
Première dame auprès de son père
Née à Daegu (Centre) en 1952, fille du président autoritaire Park Chung-hee (en poste de 1961 à 1979), elle est traitée comme une princesse, même si son existence tourne au tragique quand sa mère est assassinée en 1974. La jeune Park a alors 23 ans et doit rentrer précipitamment de Grenoble (Isère), où elle étudie, pour assumer auprès de son père le rôle de première dame.
Elle tombe alors sous la coupe d’un pseudo-pasteur, Choi Tae-min, le père de Choi Soon-sil. Personnage sulfureux proche de Park Chung-hee, il devint le guide spirituel de sa fille en lui faisant croire qu’il pouvait communiquer avec l’esprit de sa mère. Il fut alors surnommé le « Raspoutine coréen ». A la mort de son père, Mme Park se rapprocha un peu plus de la famille Choi et notamment de Choi Soon-sil, l’une des filles de Choi Tae-min.
La jeune Park traverse alors une période difficile. Dans ses journaux intimes publiés entre 1980 et son entrée en politique en 1997, elle évoque la rébellion de Devadatta, cousin de Bouddha ayant conspiré contre lui ; elle écrit avoir « ressenti une forme d’apaisement à découvrir que même Bouddha avait été victime de trahison ».
Ce sentiment a été nourri par les revirements des anciens proches de son père, qui l’ont désavoué après sa mort. Depuis, Mme Park, restée célibataire et qui fut surnommée la « reine de glace » pour une maîtrise de soi qui n’excluait pas la dureté, a toujours eu du mal à accorder sa confiance.
Elle choisit néanmoins de se lancer en politique avec l’appui de Choi Soon-sil, en partie pour restaurer l’image de son père, qu’elle estime injustement bafouée. Députée de Daegu en 1998, elle est élue à la présidence en 2012. Elle a notamment bénéficié du soutien des personnes âgées vivant dans une certaine nostalgie de la période de forte croissance des années Park Chung-hee et émues par l’histoire tragique de Park Geun-hye, qui avait adopté la coiffure de sa mère.
Première femme présidente, Mme Park avait promis un « second miracle du fleuve Han », à l’image du premier, initié par son père. Aujourd’hui, il ne reste de son mandat que le tragique naufrage du ferry Sewol en 2014, qui a causé la mort de plus de 300 personnes, essentiellement des lycéens, et le « Choi-gate », qui a précipité sa chute.
Corée du Sud : l’ex-présidente condamnée à 24 ans de prison pour corruption
- Par Guillaume Descours
- Mis à jour le 06/04/2018 à 12:49
- Publié le 05/04/2018 à 17:49
VIDÉO – Destituée en mars 2017, Park Geun-hye a été reconnue coupable de corruption et d’abus de pouvoir. Sa peine est assortie d’une amende de 13 millions d’euros. Selon les juges, cette lourde condamnation doit servir d’exemple.
L’ex-présidente sud-coréenne Park Geun-hye a été condamnée vendredi par un tribunal de Séoul à 24 ans de prison. Première femme élue présidente en Corée du Sud, elle avait été destituée et arrêtée en mars 2017. La femme de 66 ans a été jugée coupable de corruption, d’abus de pouvoir ou encore de coercition par le tribunal qui lui a aussi infligé une amende de 18 milliards de won (13 millions d’euros). «La présidente a abusé du pouvoir que les citoyens lui ont confié», a déclaré un juge, précisant que cette peine sévère était nécessaire pour envoyer un message fort aux futurs dirigeants.
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Le juge Kim Se-yoon a notamment affirmé que Park Geun-hye avait contraint des entreprises sud-coréennes à verser des dizaines de milliards de wons à deux fondations contrôlées par sa confidente de l’ombre et «amie de 40 ans», Choi Soon-sil. «Les entreprises ont été contraintes de donner des sommes importantes d’argent et l’accusée a laissé Mme Choi contrôler les fondations alors qu’elle n’avait pas le droit de le faire». «Les sommes que l’accusée a reçues ou demandées en collaboration avec Mme Choi s’élèvent à plus de 23 milliards de wons», a poursuivi le juge.
La destitution de son poste de présidente en décembre 2016 par le parlement avait été confirmée par la Cour constitutionnelle en mars 2017. Elle était en effet accusée d’avoir accepté des pots-de-vin de la part de trois conglomérats sud-coréens, Samsung, Lotte et SK, contre des faveurs politiques. Ces pots-de-vin atteindraient les 46 millions d’euros.
Absente lors du jugement
L’ex-présidente n’était pas présente sur place pour le verdict. Elle a, avec ses avocats, décidé de ne pas s’y rendre après que le tribunal ait annoncé mardi avoir accepté de diffuser le jugement à la télévision face à l’engouement populaire qu’a suscité ce scandale. En effet, pendant plusieurs semaines, des milliers de manifestants ont régulièrement défilé dans les rues de la capitale pour réclamer la démission de la présidente. Selon CNN, Park Geun-hye devrait faire appel. Des centaines de partisans de l’ancienne présidente se sont rassemblés devant le tribunal pour demander sa libération.
«Chacun a certainement des sentiments différents au sujet de l’ex-présidente Park Geun-Hye», a déclaré dans un communiqué la Maison bleue, siège de la présidence sud-coréenne. «Mais un vent de tristesse souffle dans chacun de nos coeurs aujourd’hui.» «C’est un événement poignant pour la Nation et la personne elle-même», a ajouté la présidence au sujet de Park Geun-hye. «L’histoire est vouée à se répéter si on ne s’en souvient pas. Nous n’oublierons pas ce jour.»
Depuis plus d’un an, l’ancienne présidente sud-coréenne, Park Geun-hye, était en détention provisoire. Le 27 février dernier, le parquet avait requis une peine de 30 ans d’emprisonnement assortie d’une amende de 89 millions d’euros. Elle a été reconnue coupable vendredi de 16 des 18 chefs d’accusations qui pesaient contre elle.
Choi Soon-sil a été condamnée, le 13 février, à 20 ans de prison assortie d’une amende de 16,6 millions de dollars. Tout au long de son procès qui a commencé en octobre 2017, Park Geun-hye a refusé de se présenter aux audiences, accusant la justice d’être partisane. Son avocat a, quant à lui, plaidé la clémence. Mais pour le parquet, «l’accusée a abusé du pouvoir qu’elle détenait du peuple pour le bénéfice personnel de Choi Soon-sil et le sien propre». Un des conseillés de la présidence a également écopé d’une peine de six ans de prison. Parmi les conglomérats impliqués, le président du groupe Lotte a été condamné à deux ans et demi de prison. L’héritier du groupe Samsung a, lui, vu sa peine ramenée à du sursis. En première instance, il avait été condamné à cinq ans de prison.