Procès de Jean-Jacques Urvoas : verdict demain 29 septembre
La question de droit qui sera tranchée demain est importante, étant donné le numéro d’équilibriste de Jean-Jacques Urvoas pour sa défense : il y aurait un vide juridique quant aux droits et devoirs qui étaient les siens dans la situation examinée, soulève-t-il, quoiqu’il eût bien reçu des consignes tout à fait claires lors de sa prise de fonction comme ministre de la Justice et se comporte dans cette affaire tel un coupable : ayant pris la peine d’utiliser une messagerie cryptée pour effectuer la transmission de documents qui lui est reprochée (pourquoi si de toute façon rien n’est secret ni répréhensible ?), il s’avère toujours incapable de l’expliquer…
Le mobile suggéré par le ministère public ne serait pas le bon, mais l’intéressé n’en fournit pas d’autre.
Se présentant pour ainsi dire comme l’avocat des magistrats, il prétend avoir agi pour les protéger.
Mais ce n’est pas le rôle d’un ministre de la Justice.
Cela dit, il est vrai que Jean-Jacques Urvoas est l’ami de longue date des magistrats ultra CORROMPUS de Brest et Quimper et de quelques autres… et aussi qu’il se moque du monde depuis bien trop longtemps…
Que le couperet tombe et lui remette en place toutes les idées, donc.
Procès Urvoas : un an de prison avec sursis requis contre l’ex-ministre
L’ex-ministre de la Justice, accusé devant la CJR de violation du secret professionnel, a relaté ce jeudi ses rencontres avec le député Thierry Solère avant l’envoi du fameux document. Le parlementaire n’a pas les mêmes souvenirs…
Par Timothée Boutry Le 26 septembre 2019 à 17h20, modifié le 26 septembre 2019 à 17h45
Jean-Jacques Urvoas le revendique : « J’ai appris à me méfier de Thierry Solère […] J’ai retenu la leçon qu’il fallait faire attention à lui car il pouvait avoir un rapport distant avec la réalité qu’il observait ». L’ancien garde des Sceaux fait référence à des propos tenus en janvier 2016 par le député des Hauts-de-Seine au lendemain de sa visite de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis lorsqu’il avait déclaré que Salah Abdeslam disposait d’une salle de sport privée. Le ministre de la Justice avait alors été très courroucé par cette description « assez éloignée de la réalité carcérale » du seul survivant des commandos terroristes du 13 novembre.
Pourtant, c’est à ce parlementaire envers lequel il dit éprouver de la méfiance qu’il transmet, en mai 2017, un document interne à son ministère pour le tenir au courant de l’avancée de l’enquête préliminaire pour fraude fiscale dont il fait l’objet. Un embarrassant message découvert lors d’une perquisition au domicile de Thierry Solère, et qui vaut à Jean-Jacques Urvoas de comparaître depuis lundi pour « violation du secret professionnel » devant la Cour de justice de la République (CJR). Laquelle cour est restée perplexe face aux explications alambiquées fournies par les deux hommes pour comprendre et justifier cet envoi.
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Même s’ils ne sont pas intimes, ces deux personnages publics se sont déjà croisés à plusieurs reprises avant l’épisode du mois de mai. Mais ils n’ont pas les mêmes souvenirs. Jean-Jacques Urvoas évoque une rencontre fin 2016 au cours de laquelle Thierry Solere, excédé par les fuites sur son dossier, s’en serait ouvert au garde des Sceaux.
« Je lui ai dit que je n’avais pas connaissance de son affaire car je n’avais aucune raison d’en connaître […] Mais je lui ai dit que je pouvais obtenir une remontée d’information », relate l’ex-Garde des Sceaux. Or le député des Hauts-de-Seine, désormais sous la bannière LREM, n’a « pas souvenir » de cette discussion.
Solère n’en a pas le souvenir
« Je n’ai absolument pas le souvenir d’avoir évoqué cette affaire », objecte immédiatement le député qui assure n’avoir rien demandé. « Ça s’appelle une divergence », constate le président quand Jean-Jacques Urvoas s’efforce à tout prix de réfuter ce terme.
Toujours est-il que, le 4 mai, Jean-Jacques Urvoas adresse une « fiche d’action publique » concoctée par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) à Thierry Solere via la messagerie cryptée Telegram. Cette note, dont il adressera une version actualisée le lendemain aux aurores, fait le point sur l’enquête le visant ainsi que sur ses perspectives.« C’est le fruit d’un phénomène paranormal la réception de cette note ? », interroge le président. « Je ne m’y attendais pas, certifie le député. Au début je pensais que c’était un article de presse mais quand j’ai compris de quoi il s’agissait, j’ai immédiatement transmis le message à mon avocat qui m’a conseillé de l’effacer, ce que j’ai fait. » Un juge parlementaire s’étonne : « Vous dites que vous êtes surpris mais, après la réception, vous répondez merci et pas : de quoi s’agit-il… ? » Thierry Solere, qui jure n’avoir rien appris dans cette note, esquive.
«Qu’est-ce qui vous a pris ?»
Mais le prévenu dans cette salle, c’est bel et bien Jean-Jacques Urvoas. Et la cour veut comprendre. « Qu’est-ce qui vous a pris ? », demande le président. L’ancien garde des Sceaux se lance alors dans une longue tirade d’autosatisfaction sur son bilan – reconnu — à la tête du ministère. Et explique en substance qu’il a voulu défendre l’honneur de l’institution judiciaire mis à mal par les déclarations de Thierry Solère sur l’existence d’un « cabinet noir » à l’Elysée. « En lisant cette fiche, j’espère que Thierry Solère comprendra qu’il y a des faits qui justifient une autre défense médiatique », conclut l’ex ministre.
La Cour n’est manifestement pas convaincue et multiplie les questions à un Jean-Jacques Urvoas de plus en plus agacé. Le procureur général François Molins suggère alors une autre piste, plus politique. « Lors de votre déclaration devant la commission d’instruction, demande-t-il à Thierry Solere, vous avez dit que le ministre vous avait interrogé sur le prochain chef de l’Etat et le futur Premier ministre. Vous dites que vous avez eu l’impression qu’il voulait créer une relation avec vous… » « Je confirme, assure cet intime d’Edouard Philippe. Mais lui et moi n’avons pas la même lecture de la situation politique. Lui sera candidat PS et moi je fais partie des parlementaires de droite qui vont répondre à la main tendue du futur Président. »
«Aucun interêt personnel»
Questionné sur le sujet, Jean-Jacques Urvoas conteste tout opportunisme : « Lors de ce rendez-vous du 26 avril, il y avait déjà un candidat avec l’étiquette En marche investi dans ma circonscription. Si j’avais eu à négocier avec quelqu’un, je l’aurais fait avec Richard Ferrand (NDLR : ancien député PS devenu président de l’assemblée nationale). Je n’ai cherché aucun intérêt personnel dans cette affaire. »
L’accusation a requis ce jeudi après-midi un an de prison avec sursis contre l’ancien garde des Sceaux. «La responsabilité d’un ministre ne le place pas au dessus des lois. Le ministre de la Justice était soumis à un secret professionnel du fait de ses fonctions », en tant que «dépositaire» d’informations qu’il ne recevait que du fait de sa position de supérieur hiérarchique du parquet, au « sommet de la chaîne » du secret, a déclaré le procureur général François Molins à la Cour.
Le procès Urvoas «aura d’importantes répercussions sur les rapports entre le parquet et la chancellerie»
Par Renaud Lecadre — 27 septembre 2019 à 16:07
Au dernier jour de l’audience devant la Cour de justice de la République, la défense de l’ex-garde des Sceaux a plaidé la relaxe, faute de législation soumettant le ministre de la Justice au secret.
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Le procès Urvoas «aura d’importantes répercussions sur les rapports entre le parquet et la chancellerie»
Le procès de Jean-Jacques Urvoas devant la Cour de justice de la République s’est achevé ce vendredi matin, la décision devant être rendue lundi, à 17 heures. Après les réquisitions du parquet réclamant une peine d’un an de prison – soit le maximum légal en cas de violation du secret, quoique assortie de sursis car ce n’est quand même pas le scandale du siècle, loin de là – l’avocat de la défense, Emmanuel Marsigny, a eu la parole en dernier. Son propos est d’une simplicité biblique : il réclame aux juges de la CJR une décision «purement juridique», hors de toute considération politique.
Sur le fond, les informations judiciaires que son client avait transmises en mai 2017, en pleine campagne présidentielle, au député LR Thierry Solère sur la procédure pénale le concernant, ne seraient «pas secrètes». Sur la forme, le ministre de la Justice ne serait tenu à «aucun secret». Affaire pliée, relaxe évidente.
La veille, le procureur général François Molins avait estimé, au contraire, que l’ex-garde des Sceaux serait «soumis au secret professionnel du fait de ses fonctions», en tant que dépositaire des remontées d’informations que lui transmettent les parquets sur les affaires sensibles en cours, et qu’il serait par la même «au sommet de la chaîne» du secret : «une relaxe, dixit Molins, signifierait la fin du ministère public à la française avec des effets systémiques majeurs». Pas moins. Jean-Jacques Urvoas avait répliqué au cours des débats : «le garde des Sceaux n’est pas le procureur de la nation, c’est un ministre de la République», parfaitement maître de sa parole et de ses actes.
Bouleversement institutionnel
Me Marsigny enfonce le clou. «Une partie de la magistrature souhaite la condamnation de Jean-Jacques Urvoas. Elle vise un bouleversement institutionnel, une chaîne de contrôle inversée, où le parquet à la française pourrait dire ce qu’un garde des Sceaux aurait le droit de faire ou de ne pas faire.» Ultime avatar du débat lancinant sur l’indépendance du parquet, toujours sous tutelle ministérielle, nonobstant l’interdiction d’intervenir sur les affaires en cours. Dès l’ouverture du procès, le président de la CJR, Jean-Baptiste Parlos (un haut magistrat), avait prévenu : «L’audience aura d’importantes répercussions sur le rôle du garde des Sceaux, sur les rapports entre le parquet et la chancellerie.» François Molins n’a pas dit autre chose, évoquant un «dossier emblématique qui pose la question des remontées d’informations du parquet», pour en conclure, presque menaçant : «S’il n’y a plus de secret partagé [entre le ministre et les procureurs, ndlr], il n’y a plus de confiance.»
La plaidoirie de la défense s’adresse à la fois aux trois magistrats professionnels qui composent la CJR, démontrant longuement qu’aucun texte ou jurisprudence n’imposerait au ministre de la Justice un quelconque secret – tout ce qui n’est pas formellement proscrit serait donc permis. Mais aussi aux douze juges parlementaires (six députés, six sénateurs), largement majoritaires au sein de la CJR. Me Marsigny les interpelle : «C’est à vous, en cas de besoin, de combler un éventuel vide législatif. Une mission parlementaire sur le secret, présidée par l’un d’entre vous, est en cours. Peut-être pourriez-vous vous faire communiquer le compte rendu de nos débats devant la CJR…» L’avant-veille, Urvoas avait expliqué avoir utilisé quelques-unes de ces Fiches d’action publique (FAP, issue de rapports des parquets sur les affaires sensibles, mais filtrées à plusieurs reprises avant d’être remises au ministre, au risque de l’émasculation) pour répondre aux interpellations publiques devant le Sénat ou l’Assemblée nationale. Ses juges parlementaires apprécieront l’argument.
Procès Urvoas. « La revanche des magistrats sur le politique »
L’avocat de Jean-Jacques Urvoas a plaidé la relaxe de son client. Principal argument ? Pas de texte consacrant explicitement le secret, pas de secret. Pour lui, les magistrats veulent « prendre leur revanche » sur le politique. Ils se paient « une tribune pour obtenir leur indépendance ».
Jean-Jacques Urvoas voulait « défendre la Justice, les magistrats et leur indépendance ». Il voulait aussi préserver son bilan, refusant que l’image que l’on garde de lui soit celle du ministre du « cabinet noir » de la campagne présidentielle de 2017, accusation notamment lancée et portée par Thierry Solère, porte-parole du candidat Fillon. Jeudi, le ministère public a esquissé une image que l’on devine peut-être plus infamante encore pour Jean-Jacques Urvoas : celle d’un ministre qui aurait fait prévaloir son intérêt politique et personnel, au détriment de la Justice et des magistrats. Cette hypothèse du ministère public, Emmanuel Marsigny, l’avocat de l’ex-garde des Sceaux, la balaie d’un revers de manche. Thierry Solère ne pouvait être d’aucune utilité à Jean-Jacques Urvoas, qui ne cherchait d’ailleurs aucune aide, comme il l’a lui-même soutenu la veille (notre article en ligne).
À liresur le sujetUn an de prison avec sursis requis
« Indignation à deux vitesses »
L’avocat raille « l’indignation à deux vitesses » des magistrats : « Une simple indélicatesse quand il s’agit de fuites dans la presse. Une trahison quand il s’agit du garde des Sceaux ! » « Et qui a trahi dans cette affaire ? N’est-ce pas la Direction des affaires criminelles et des grâces, dont le travail consiste justement à filtrer les informations qui remontent au ministre, pour les expurger de tout ce qu’il n’a pas à connaître ? » L’avocat conteste aussi tout caractère secret aux informations transmises à Thierry Solère. « Elles ne l’étaient pas, notamment car aucun écrit ne consacre ce secret. Et dans tous les cas, pour la même raison, le garde des Sceaux n’est tenu à aucun secret ».
Emmanuel Marsigny verrouille, un à un, les arguments de l’accusation. Et porte l’estocade, avec un précédent, selon lui : le cas d’un premier président de cour d’appel qui avait transmis des actes d’enquête à un collègue visé par une procédure pénale. « Et vous savez quoi ? Il a obtenu un non-lieu, confirmé en cassation. Pour le garde des Sceaux, c’est une trahison. Pour un magistrat du siège, il n’y a aucun problème ! »
Jean-Jacques Urvoas fixé lundi
Me Emmanuel Marsigny en est convaincu : « Une partie des magistrats de ce pays veut absolument que vous condamniez le garde des Sceaux. C’est la réponse du berger à la bergère : pendant longtemps, les magistrats ont été sous le joug du politique, via le ministre de la Justice. Ils ont là leur revanche ! Ils savent que leur indépendance passe par la main mise sur le garde des Sceaux. Mais c’est précisément cela qui risque de tuer le ministère public à la française, et pas l’inverse ! », lance-t-il à l’adresse des douze juges parlementaires. « S’il doit y avoir un secret, il ne doit surtout pas reposer sur une relation de confiance, mais sur une norme claire, unique, précise. C’est le seul moyen pour ne pas faire peser sur le responsable politique, qui exerce les fonctions de garde des Sceaux, une insécurité juridique préjudiciable à son action ».
L’avocat enchaîne : « Vous pouvez considérer que Jean-Jacques Urvoas a commis une faute politique, ou même une faute morale. Mais il n’a pas commis de faute contre la loi. Et ces règles de droit vous commandent de le relaxer ». La Cour de justice de la République, composée de trois magistrats professionnels et de douze parlementaires, rendra sa décision, lundi, à 17 h.