Jean-Jacques Urvoas condamné pour violation du secret professionnel 2 octobre
Il écope d’un mois de prison avec sursis et de 5000 euros d’amende.
Chouette ! La prochaine fois, ce ne sera pas du sursis et sa réputation de sérieux ne sera plus qu’une vieille histoire, de celles dont on rit jaune.
Protéger des magistrats ultra CORROMPUS, on peut comprendre que leurs corrupteurs y tiennent par dessus tout, mais ce n’est pas protéger l’institution judiciaire : ces gens-là la détruisent.
Procès Urvoas. L’ex-ministre de la Justice condamné
C’est une première en France : un ministre de la Justice condamné, pour violation du secret professionnel. La Cour de Justice de la République a reconnu Jean-Jacques Urvoas coupable d’avoir transmis à un député visé par une enquête pénale, en mai 2017, des informations sur l’enquête en question. L’ex-garde des Sceaux est condamné à un mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende.
La réponse à la question semblait évidente. Un ministre de la Justice peut-il transmettre à un mis en cause dans une enquête judiciaire les éléments et les axes de cette enquête ? Non, ont répondu ce lundi, en Droit, les trois magistrats professionnels (Cour de Cassation) et les douze parlementaires composant la Cour de Justice de la République (CJR), une juridiction d’exception, controversée, créée en 1993 pour juger les délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions.
Entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2017, alors garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas (PS) avait transmis au député LR Thierry Solère, une fiche de synthèse qu’il avait demandé à ses services et aux parquets concernés de rédiger. Le député, porte-parole du candidat François Fillon, faisait l’objet d’une enquête préliminaire pour fraude fiscale (ensuite étendue à des faits présumés de corruption, trafic d’influence, abus de biens sociaux (…), et confiés depuis février dernier à un juge d’instruction).
Reste un mystère
La CJR n’a pas retenu les éléments de défense de l’ex-ministre, et estime en l’espèce que les éléments transmis relevaient du secret de l’enquête, et que « le ministre est tenu au respect de ce secret qu’impose la nature des informations qui lui sont transmises, en raison de sa fonction », même en l’absence de texte le prévoyant expressément.
Sur le fond, Jean-Jacques Urvoas avait expliqué au cours de ce procès de quatre jours avoir agi ainsi pour « faire cesser les attaques » du député Solère à l’encontre de la Justice, liées selon ce dernier à l’existence d’un « cabinet noir » qui aurait œuvré contre lui et le candidat LR François Fillon. Cette thèse du ministre voulant protéger les magistrats a été balayée par le procureur général Molins, persuadé que l’ancien ministre avait, au contraire, agi au détriment de l’institution judiciaire, dans un but purement personnel, politique et électoraliste.
La CJR ne retient ni l’explication avancée par Jean-Jacques Urvoas, même si elle estime qu’un « motif d’intérêt général » aurait pu justifier la transgression du secret (mais ce motif n’est « pas établi »), ni celle du ministère public (le ministre aurait cherché à négocier sa réélection comme député à Quimper). La Cour constate que « ni l’instruction, ni les débats n’ont permis de connaître l’objectif réellement poursuivi par Jean-Jacques Urvoas en communiquant ces informations ». Cette question reste donc, pour la justice et le grand public, un insondable mystère.
Une peine quasi symbolique
La condamnation de la transgression du secret par un ministre de la Justice vient conforter la position de nombreux magistrats du parquet, qui estimaient avoir été trahis par leur ministre. Des magistrats ulcérés par les soupçons d’instrumentalisation politique pesant sur chacune de leurs décisions, et tenant notamment au fait qu’ils sont soumis, contrairement à leurs collègues juges, à un lien hiérarchique avec le ministre. Une relaxe aurait pu conduire les procureurs à ne plus transmettre les informations demandées à la Chancellerie, et à paralyser de fait cette dernière.
Au final, l’ancien ministre écope d’une peine quasi symbolique – un mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende (le parquet général avait requis un an de prison avec sursis, pour un an et 15 000 € d’amende encourus). La Cour a estimé que « comme parlementaire, puis président de la Commission des lois, et enfin garde des Sceaux, l’action de Jean-Jacques Urvoas avait unanimement été reconnue ».
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Violation du secret : Urvoas condamné à un mois de prison avec sursis
La Cour de justice de la République a condamné à un mois d’emprisonnement avec sursis et 5.000 euros d’amende ce lundi l’ex-ministre de la Justice pour avoir transmis au député Thierry Solère des éléments d’enquête le concernant. Au-delà de la sanction exemplaire, la décision devrait avoir d’importantes répercussions.
Jean-Jacques Urvoas.
SIPA
Il voulait que l’on se souvienne de lui comme d’un ministre rigoureux qui avait protégé l’institution. Las, Jean-Jacques Urvoas, restera donc le premier garde des Sceaux à rejoindre la liste très restreinte des ministres sanctionnés par la Cour de justice de la République (CJR). Ce lundi, les 12 parlementaires et 3 magistrats qui composent cette juridiction d’exception ont condamné l’ex-ministre de la Justice de François Hollande à un mois de prison avec sursis et 5.000 euros d’amende pour « violation du secret professionnel ». Apparemment symbolique, la peine n’emporte pas moins d’importantes conséquences.
« Si le ministre n’est plus tenu au secret de l’enquête, il n’en est pas tenu au secret de par la nature des informations qui lui sont fournies », a lu le président Jean-Baptiste Parlos précisant que l’article 226-13 du Code pénal qui règle la violation du secret professionnel « n’exige pas que le dépositaire (de l’information NDLR) soit astreint à un secret spécifique ».
La CJR remarque cependant que « de nombreux témoignages sont venus attester du sérieux, de la rigueur et de l’intégrité de la personne poursuivie. Comme parlementaire, puis président de la commission des Lois et, enfin, garde des Sceaux son action a été unanimement reconnue », poursuit la Cour, comme si son comportement n’en était que plus inexplicable.
L’accusation avait requis jeudi dernier un an de prison avec sursis : « La responsabilité d’un ministre ne le place pas au-dessus des lois. Le garde des Sceaux était soumis à un secret professionnel du fait de ses fonctions », affirmait le procureur général François Molins dans ses réquisitions. Le ministre est « dépositaire » d’informations qu’il ne recevait que du fait de sa position de supérieur hiérarchique du parquet, au « sommet de la chaîne » du secret, expliquait-il.
La défense soutenait au contraire qu’« aucun texte ne dit que le ministre est soumis au secret professionnel ». Jean-Jacques Urvoas avait tenté aussi d’expliquer maladroitement son geste par une illusoire possibilité d’utilisation publique de ces fiches de synthèse d’enquêtes en cours rédigées par la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) : « Si on me donne un document, c’est pour que je m’en serve ! », avait-il tenté. « Une défense étonnante », pour François Molins. « Que dirait-on si le ministre du Budget venait expliquer qu’il n’est pas soumis au secret fiscal ? ».
L’ancien ministre socialiste était jugé pour avoir transmis les 4 et 5 mai 2017 au député LR (devenu LREM) Thierry Solère des éléments de l’enquête qui le visait pour fraude fiscale et trafic d’influence, via la messagerie cryptée Telegram.
Importantes répercussions
Au-delà du coup de semonce de la condamnation d’un ex-ministre, cette décision pourrait avoir d’importantes répercussions. Sur la CJR d’abord. La cour critiquée pour son laxisme a-t-elle cherché, une dernière fois, à justifier son existence aux yeux de l’opinion ? La suppression de cette tenace juridiction d’exception seule habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions est régulièrement annoncée et sans cesse repoussée. Le projet de loi constitutionnelle présenté en août 2019, reprend encore une fois l’idée.
Jean-Jacques Urvoas est le huitième ministre à comparaître depuis 1999 devant elle. Il est le troisième ministre condamné à une peine avec sursis (Michel Gillibert a été condamné en 2004 et Charles Pasqua en 2010) ; avant lui trois ont été relaxés (Laurent Fabius et Georgina Dufoix dans l’affaire du sang contaminé, Ségolène Royal dans une affaire de diffamation) et deux ont été déclarés coupables mais dispensés de peine (Edmond Hervé dans l’affaire du sang contaminé et Christine Lagarde). Les prochains à être jugés – si la réforme constitutionnelle n’est pas votée d’ici là – pourraient être l’ex-Premier ministre Edouard Balladur et son ex-ministre de la Défense François Léotard dans le volet financier de l’affaire Karachi : le parquet a requis en juillet leur renvoi devant la CJR.
Rapports complexes
Autre conséquence importante : en ouvrant l’audience le président Jean-Baptiste Parlos, avait prévenu que ce procès aurait « d’importantes répercussions », tant sur « le rôle du garde des Sceaux » que « sur les rapports entre le Parquet et la Chancellerie », dont le lien hiérarchique entretient le soupçon d’une instrumentalisation politique. Le procureur général, de son côté, avait mis en garde contre une relaxe qui « signerait la fin du ministère public à la française », car « s’il n’y a plus de secret partagé, il n’y a plus de confiance », condition indispensable à toute « remontée d’informations ». »
Depuis toujours le Parquet entretient avec son ministre des rapports pour le moins complexes : dépendant hiérarchiquement du garde des Sceaux, il reste indépendant dans son exercice. Une loi de 2013 est venue interdire au ministre de donner des instructions individuelles aux procureurs. Seules restent les circulaires générales pour une application unifiée sur l’ensemble du territoire de la loi pénale (par exemple en matière de drogue). Le projet de loi constitutionnel de 2019 prévoit que les magistrats du parquet seront nommés sur avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) – et non plus sur avis simple.
Procès politiques
Cela ne règle pas pour autant les « affaires » : le ministre peut toujours être tenu au courant des enquêtes dites « signalées ». Que fait-il de ces informations ? Dans un contexte où des hommes politiques désignés dans des affaires judiciaires dénoncent l’heure des « procès politiques » et du « complot », la question est au coeur des pires suspicions. La décision de la CJR permettra-t-elle au « parquet à la française » de prendre un peu plus ses distances ou le législateur en profitera-t-il pour reprendre tout ça en mains ?
Au final, la question du « mobile » restera cuisante : pourquoi diable Jean-Jacques Urvoas, ce ministre dont tous – y compris les magistrats qui sont venus témoigner – ont loué la « rigueur », qui semble réellement affecté par les accusations de « trahison » ressenties par le corps, a-t-il donné des informations à Thierry Solère, un adversaire politique, entre les deux tours d’une présidentielle qui allait bouleverser le paysage politique français ?
Les arrêts de la CJR ne sont pas susceptibles d’appel, seul un recours en cassation étant possible.
Valérie de Senneville
https://www.liberation.fr/france/2019/09/30/jean-jacques-urvoas-condamne-a-minima_1754541
Jean-Jacques Urvoas condamné a minima
La Cour de justice de la République lui a infligé ce lundi une peine d’un mois avec sursis, quand il risquait un an avec sursis, pour «violation du secret» d’une enquête pénale en cours.
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Jean-Jacques Urvoas condamné a minima
Finalement crucifié sur la place publique, fut-ce symboliquement. Jean-Jacques Urvoas a été condamné lundi après-midi à un mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende pour «violation du secret» d’une enquête pénale en cours. Sanction minimale, quand il risquait sur le papier un an avec sursis et 15 000 euros d’amende. Mais condamnation quand même, un crève-cœur pour cet ancien garde des Sceaux et président (PS) de la commission des lois à l’Assemblée nationale, ayant «dédié sa vie au droit», loué par ses pairs pour son intégrité morale et sa rigueur politique.
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On lui reprochait d’avoir refilé, dans l’entre-deux tours de la présidentielle 2017, des informations pénales au député (LR, avant de basculer dans le macronisme) Thierry Solère sur une procédure judiciaire le concernant personnellement, via son smartphone. Rien de bien scandaleux sur la forme (un ministre de la Justice n’est pas formellement tenu au secret de l’instruction) comme sur le fond (les informations transmises n’ont en rien entravé l’enquête pénale en cours). Mais la Cour de justice de la République (CJR) aura tenu néanmoins à marquer le coup, au nom de la séparation des pouvoirs entre le judiciaire et l’exécutif – et accessoirement le parlementaire, s’agissant du député Solère, par ailleurs organisateur des primaires à droite fin 2016 puis porte-parole du candidat Fillon début 2017.
«Si le ministre de la Justice n’est plus tenu au secret de l’enquête et de l’instruction, il n’en est pas moins tenu au respect du secret qu’impose la nature des informations qui lui sont transmises en raison de sa fonction.» Sur ce point, Urvoas se sera défendu en vain à la barre : «Je ne suis pas le procureur de la nation mais un ministre de la République», donc libre de ses propos comme de ses actes, son avocat Emmanuel Marsigny dénonçant une vindicte des procureurs sous tutelle ministérielle.
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La magistrature – principalement le parquet – était très remontée contre ce qu’elle considère comme une «trahison» du secret professionnel, le garde des Sceaux bénéficiant de remontées régulières sur toutes les affaires sensibles en cours, fussent-elles édulcorées au passage. On aurait pu penser que les juges parlementaires de la CJR, très majoritaires (douze membres contre trois magistrats de profession) auraient une opinion inverse, car tout ministre en fonction bénéficie également de telles remontées de ses services – le ministre de l’Intérieur étant réputé le plus informé, via la police d’enquête.
La condamnation de la CJR, non susceptible d’appel, va au-delà du jugement mi-chèvre mi-chou concernant Christine Lagarde, ancienne ministre des Finances, condamnée pour simple «négligence» avec dispense de peine dans l’affaire Tapie, lui permettant ainsi de demeurer à la présidence du FMI puis de se voir propulser à la tête de la BCE. Jean-Jacques Urvoas aura écopé d’un poil plus lourd. Parce qu’il est désormais retiré de la vie politique, revenu à ses premières amours comme enseignant à l’université de Bretagne ?
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Editorial politique
La Cour de justice de la République a condamné lundi l’ancien ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, à un mois de prison avec sursis. Est-ce la preuve, Laurent, que la justice se montre moins accommodante avec les politiques?
Si l’on s’en tient à ce jugement, la réponse est non ! Evidemment non ! Car l’ancien Garde des sceaux socialiste a quand même été reconnu coupable d’un délit grave, celui d’avoir violé le secret professionnel, en informant un autre élu, en l’occurrence le député Thiérry Solère des avancées d’une enquête judiciaire le concernant. Au risque de lui permettre de dissimuler des preuves, c’est-à-dire de faire entrave à la justice. Alors, un mois avec sursis, cela apparaît symbolique, ultra-clément, quand on sait que le parquet avait requis un an.
Et puis, si l’on regarde le comportement de la justice sur longue période, on ne peut s’empêcher de penser que cette mansuétude est la règle constante. A preuve Christine Lagarde qui, en 2016, a été reconnu coupable dans l’affaire Tapie mais dispensée de peine. A preuve encore Jacques Chirac – pardon de troubler la canonisation en cours- Jacques Chirac qui a certes été condamné à deux ans de prison avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, mais seulement en 2011, soit 25 ans après les faits.
Soit ! Mais depuis peu, il y a des contre-exemples…
Vous avez raison. Il y en a même beaucoup, comme si les vents commençaient à tourner.
- Tout récemment, il y a donc eu Patrick Balkany, condamné à 4 ans de prison.
- Il y a Edouard Balladur et François Léotard, dont le parquet vient de demander le renvoi en correctionnelle dans le volet financier de l’affaire Karachi.
- Et puis, il y a Nicolas Sarkozy, qui est renvoyé en correctionnelle dans l’affaire dites des « écoutes » ; qui va l’être aussi, aujourd’hui même, dans l’un des volets de l’affaire Bygmalion, qui a contribué au financement illégal de sa campagne de 2012 ; et qui est de plus en plus menacé par les avancées de l’enquête judiciaire sur le possible financement libyen de sa campagne.
Alors, vous voyez bien, la justice avance tout de même…
Oui, mais elle ne fait son office qu’avec difficulté. La preuve, c’est aussi l’affaire Urvoas qui la fournit. Car l’ancien garde des sceaux a certes été condamné. Mais le vrai scandale, au-delà de la violation du secret commis par le ministre, c’est que des notes d’enquête puissent remonter jusqu’à lui, en transitant par le parquet. Et ces pratiques continueront tant que le parquet ne sera pas indépendant. Tant que la justice ne sera pas indépendante. Et c’est pour cela que la condamnation est de pure forme. L’ex-ministre est rabroué. Mais ces détestables pratiques vont perdurer…