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Affaire Fañch. Bientôt un décret pour la reconnaissance du tilde
Un décret pour que les signes singuliers des langues régionales, les signes diacritiques, soient reconnues par l’administration. C’est ce que promet Nicole Belloubet, la ministre de la Justice. Les prochains petits Fañch ne devraient donc plus avoir de souci pour être reconnus par l’état civil.
Ouest-France Didier GOURIN. Publié le 04/02/2020 à 14h24
Le petit gamin finistérien était devenu, bien malgré lui, un symbole pour les défenseurs de la langue bretonne. Le petit tilde sur le ñ de son prénom avait valu des déboires à leurs parents pour faire enregistrer le prénom de leur enfant à l’état civil.
Cette fois, après des décisions de justice, Nicole Belloubet, ministre de la Justice, veut clarifier la situation. Surtout, dans un courrier écrit à Richard Ferrand, député du Finistère, et président de l’Assemblée nationale, elle annonce un décret pour les prochains petits Fañch, et tous les prénoms d’origine régionale qui portent aussi l’un de ces signes diacritiques.
La ministre de la Justice se dit favorable à leur usage à condition, précise-t-elle, que leur utilisation dans les seuls noms et prénoms des personnes n’affecte pas le principe énoncé à l’article 2 de la Constitution selon lequel la langue de la République est le français.
Pour Fañch, pas de problème, tout le monde comprend. En Bretagne comme ailleurs.
Une loi ne sera pas nécessaire. Un décret en Conseil d’État suffira. Un projet de décret en ce sens est en voie de finalisation et sera prochainement transmis au Conseil d’État
, détaille encore la ministre de la Justice.
Elle explique aussi la nécessité qu’un prénom avec de tels signes diacritiques soit reconnu, après l’état-civil, par tous les systèmes informatiques des administrations qu’il s’agisse de délivrer un passeport ou de signer un contrat de travail. Cela nécessite une adaptation des systèmes d’information de tous les services publics pour garantir que les personnes y seront désignées conformément à leur état-civil, et pour assurer qu’elles y seront reconnues
, détaille encore la ministre de la Justice. Aussi, une étude sera-t-elle entreprise pour bien recenser toutes les adaptations nécessaires afin qu’un signe diacritique soit bel et bien reconnu tout au long de la vie.
Affaire du tilde de Fañch : la mise au point du procureur général
Le signe diacritique est toujours interdit sur les prénoms bretons. Le procureur général de la cour d’appel de Rennes souhaite désormais une décision définitive de la cour de cassation.
C’est ce qui s’appelle une mise au point. Depuis plusieurs mois, des élus bretons dénoncent une forme d’acharnement de la justice au sujet de l’affaire du tilde. Rappelons qu’une famille finistérienne se bat depuis déjà plus de deux ans et demi pour rendre légal l’utilisation du signe diacritique et ainsi valider le prénom de son enfant Fañch. Et en octobre, le parquet de Brest rappelait contre toute attente l’interdiction qui leur était faite. Dans ce contexte, Jean-François Thony, procureur général auprès de la cour d’appel de Rennes, a tenu à réagir alors qu’il tenait un point presse ce lundi matin avant la traditionnelle audience solennelle de début d’année. « On s’est étonné que des instructions aient pu être données pour refuser le tilde malgré la décision de la cour de cassation. Mais la cour de cassation n’a pas statué, elle a formulé un rejet pour des questions de pure forme. Donc, on est revenu à la décision de la cour d’appel de Rennes ».
C’est aux responsables nationaux de déposer des projets de loi s’ils veulent que la loi change. Ce n’est pas à la justice de jouer aux législateurs
Et le magistrat de rappeler le droit : « Pour nous, le droit, c’est la circulaire relative au droit civil selon laquelle le signe n’est pas reconnu par la langue française. Je ne souhaite donc qu’une chose, c’est que la cour de cassation donne une décision définitive. Je souhaite qu’il y ait de nouveaux recours pour qu’on puisse aller en cour de cassation ». Car derrière cette affaire très bretonne, Jean-François Thony craint que, demain, d’autres cas extérieurs à la langue régionale arrivent dans les salles d’audience, tels que le a cédille de la communauté turque ou le o barré des Suédois.
Mais le procureur général a aussi profité de cette mise au point pour répondre, avec un certain agacement, aux attaques des députés bretons : « C’est aux responsables nationaux de déposer des projets de loi s’ils veulent que la loi change. Ce n’est pas à la justice de jouer aux législateurs ». À bon entendeur.