Tueurs à gages francs-maçons : bientôt de nouvelles révélations 21 février
Depuis quelques jours, les révélations époustouflantes quant aux activités criminelles d’une loge franc-maçonne de Puteaux récemment dissoute se succèdent les unes aux autres :
Il est actuellement question d’au moins une dizaine de « dossiers » similaires qu’elle aurait « gérés », soit au moins six de plus que ceux déjà cités par les médias, qui ont abouti à l’assassinat ou au meurtre d’un coureur automobile, à deux agressions, contre une coach et une personnalité politique, et trois tentatives d’assassinat avortées, contre la même coach, une seconde personnalité politique et un syndicaliste.
Pour moi qui ai été victime de plusieurs « contrats » tout à fait similaires, comprenant à chaque fois des tentatives d’assassinat précédées de surveillances illicites et de filatures sur une période totale d’environ une trentaine d’années jusqu’à ce jour, il est très intéressant de découvrir quels sont les tarifs pratiqués pour de telles prestations.
Sachant que tous mes proches ont eu le droit aux mêmes traitements approximativement, j’essaie d’évaluer le coût de revient global de l’assassinat de toute ma famille en gardant bien à l’esprit que pour ses commanditaires, il existe dès le départ un ou plusieurs enjeux qui en valent la peine.
ENQUETE. L’invraisemblable officine criminelle qui réunissait francs-maçons et gardiens affiliés à la DGSE
08h00 , le 21 février 2021
- Par
- Boris Thiolay
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Une tentative d’assassinat ratée révèle une invraisemblable officine criminelle rassemblant francs-maçons, anciens policiers et gardiens affiliés à la DGSE. Des tribulations des apprentis tueurs à gages aux aveux passés par leur commanditaire, voici toute l’histoire de cette stupéfiante équipée.
Le 3 juin 2020, deux hommes d’affaires se retrouvent pour déjeuner dans le quartier de la Confluence, à Lyon. Le restaurant offre une vue sur les quais de la presqu’île, là où les eaux du Rhône et de la Saône se fondent en un seul fleuve. Les deux convives travaillent régulièrement ensemble. Francs-maçons, ils se sont d’ailleurs rencontrés trois ans plus tôt au sein d’une loge qu’ils fréquentent, en région parisienne. Le premier, Jean-Luc B., 64 ans, est à la tête d’un centre de formation au coaching professionnel. Le second, Frédéric V., 49 ans, officie dans la sécurité privée, pour des entreprises et des particuliers. Mais, ce mercredi 3 juin, les deux « frères » sont là pour conclure une affaire qui les préoccupe depuis des mois. Un « contrat », irréversible : Jean-Luc B. confirme, à deux reprises, sa volonté de voir éliminer physiquement une concurrente dans le business du coaching.
La raison de sa haine mortelle? Cette femme va mettre en place un label de qualité pour les entreprises du secteur et il redoute d’en pâtir sur le plan financier. Alors, entre la poire et le fromage, le sexagénaire, crâne rasé et carrure imposante, lâche : « Cela ne peut plus durer, il faut que cela s’arrête… » Face à lui, Frédéric V. entérine l’accord : contre le versement de 60.000 euros, il va activer des hommes de main qui exécuteront le contrat avant la fin de l’été…
Le meurtre, sur le contrat, est libellé « évaluation d’impact sur la santé »
La victime désignée, Marie Hélène Dini, 54 ans, coach en entreprise et présidente d’un syndicat professionnel, échappera au dernier moment à ce sinistre complot. Mais cette affaire, révélée à l’été 2020 par Le Parisien, a depuis lors dévoilé l’existence d’une invraisemblable officine criminelle, prête à exécuter toutes sortes de coups tordus. À commencer par l’affaire de la coach, oscillant entre fait divers sordide et roman d’espionnage, mêlant intérêts privés et prétendue « raison d’État ». À ce jour, neuf personnes sont mises en examen dans ce dossier pour « tentative de meurtre aggravé avec préméditation en bande organisée » et « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ».
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Parmi elles, on trouve pêle-mêle : trois francs-maçons directeurs de société, dont l’un est un commandant en retraite de l’ancienne direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, aujourd’hui DGSI, direction générale de la sécurité intérieure), ainsi qu’un policier spécialisé en faux documents, quelques aigrefins et des militaires, agents de sécurité sur une base d’entraînement de la direction générale du renseignement extérieur (DGSE). Autrement dit, le plus secret des services d’espionnage français, popularisé par la série Le Bureau des légendes.
Le 1er février dernier, ce dossier tentaculaire a livré son épilogue. Selon nos informations, durant sa garde à vue, Jean-Luc B. finit par livrer des aveux. « Je me suis rendu à Lyon le 3 juin pour confirmer la proposition, faite par Frédéric, de neutralisation de Marie-Hélène Dini, confesse-t-il. Je n’avais rien validé avant notre déjeuner. » Devant les enquêteurs, l’homme reconnaît donc être le commanditaire de la tentative de meurtre. Détail pittoresque : sa société de coaching devait régler le montant du contrat à Frédéric V. via deux factures « gonflées », dont l’une de 36.000 euros, correspondant à des prestations fictives, estampillées « Ingénierie pédagogique EIS et suivi commercial ». « EIS », dans le jargon spécialisé, signifie « évaluation d’impact sur la santé ».
Dagomar et Adelard
L’affaire s’est jouée le 24 juillet 2020. Peu après 8 heures du matin, dans une rue paisible de Créteil (Val-de-Marne), un riverain repère deux hommes au comportement suspect. Assis à l’avant d’une Renault Clio noire en mauvais état, les deux individus, portant des gants, font semblant de dormir. Inquiet, le riverain appelle le commissariat. À 8h20, les policiers interpellent les deux hommes. La voiture, dont la plaque d’immatriculation a été grossièrement trafiquée, est volée. Le conducteur est intégralement vêtu de noir. Le passager porte une cagoule verte abaissée sur le cou. Il a du coton dans les oreilles… À bord de la Clio, qui sent la poudre d’arme à feu, les policiers découvrent un pistolet Browning 9 mm, un système artisanal de silencieux ainsi qu’un traceur permettant de localiser à distance un véhicule.
Placés en garde à vue, les deux suspects, Pierre B. et Carl E., déclarent être militaires. Ils disent être rattachés au centre d’entraînement parachutiste spécialisé de la DGSE de Saran, près d’Orléans (Loiret). Puis ils font une révélation, ahurissante : ils étaient à Créteil pour accomplir une « mission d’État », une opération « homo » (homicide), pour le compte de la DGSE…
Leur cible? Marie-Hélène Dini, une coach en entreprise qui, selon eux, travaille « pour le Mossad [le service de renseignement extérieur israélien] et livre des secrets d’État à Israël »! Un scénario invraisemblable. Les investigations sont cependant confiées à la section antiterroriste de la brigade criminelle, une unité pouvant enquêter sur des personnes habilitées « secret-défense ».
Comment des représentants d’institutions censées incarner la raison, le progrès et la sécurité des citoyens peuvent-ils à ce point contrevenir à leur mission?
Vérifications faites, les deux porte-flingues travaillent bien pour le compte de la DGSE… en tant que gardiens – avec le grade de caporal – au camp de Saran. Le pseudonyme de Pierre B. est « Dagomar ». Celui de Carl E., « Adelard ». Ils ne sont pas des agents opérationnels du service action, le gratin des officiers, à qui sont confiées les missions les plus périlleuses. Les deux caporaux ont bien tenté d’intégrer le sérail des « clandestins », mais ils ont été recalés.
Pierre B., 28 ans, a été jugé « puéril » par sa hiérarchie. Il ne sait pas « rester à sa place »… Plusieurs de ses collègues le qualifient de « mythomane » : l’homme évoque sans cesse des histoires de trafic d’armes ou de pierres précieuses. De son côté, Carl E., 25 ans, est bien noté, mais il a été considéré « un peu immature » lors des sélections pour devenir un « opérationnel ».
Rapidement, des perquisitions font apparaître deux nouveaux personnages. Deux profils troublants, dont la trace se trouve dans les papiers de Pierre B., l’aspirant espion qui a la fâcheuse habitude de tout noter… Le premier, Yannick P., 45 ans, est un policier en disponibilité de la DGSI, spécialiste en faux documents. En 2016 et en 2018, il est venu à plusieurs reprises à Saran pour dispenser une formation à la détection de pièces d’identité falsifiées. Pierre B.-Dagomar faisait partie des stagiaires.
Le second personnage s’appelle Sébastien L. Âgé de 30 ans, il travaille en indépendant dans la sécurité privée. En fait, l’homme, fasciné par le monde de l’espionnage, nage en eaux troubles depuis des années. Toujours prêt à rendre des services, même les plus sales, si l’on sait y mettre le prix. Sébastien L. sollicite Yannick P. durant l’été 2019 pour obtenir des renseignements sur du matériel de surveillance. Au détour de la conversation, il confie qu’il lui arrive de faire des choses « un peu chaudes », des « missions homo ». Il se targue même d’être missionné par « l’État, au plus haut niveau ».
Festival d’amateurisme
Le 26 juillet 2020, deux jours après la tentative d’assassinat sur la coach, Sébastien L. est interpellé et placé en garde à vue. Il est dos au mur : à son domicile, les policiers ont découvert, entre autres, 27.500 euros en liquide et deux pistolets Glock. Surtout, ses empreintes ont été retrouvées sur la fausse plaque d’immatriculation de la Renault Clio noire dans laquelle Dagomar et Adelard faisaient semblant de dormir… Sébastien L. reconnaît alors leur avoir fourni la voiture, le traceur, et avoir posé une balise sur le véhicule de Marie-Hélène Dini. Il assure avoir été missionné, uniquement pour cela, au mois de mai précédent, par un inconnu, un « vieux », lors d’un rendez-vous nocturne sous un pont du périphérique parisien.
La suite de l’enquête révèle un enchaînement de péripéties improbables aboutissant au recrutement du commando de tueurs. C’est un festival d’amateurisme et de mensonges confondants. Au début d’avril 2020, Yannick P., le flic spécialiste en faux documents, met Sébastien L. en relation avec Pierre B., le gardien du site militaire de Saran. Leur rencontre se déroule au bord d’un étang, dans la forêt de Cercottes. C’est-à-dire à quelques encablures de la base de la DGSE où Pierre B.-Dagomar travaille quotidiennement avec Carl E.-Adelard. L’un des sites militaires les plus surveillés de France…
Pour moi, c’était une mission de sous-traitance de la DGSE et je mettais le pied dans l’opérationnel…
Lors de ce rendez-vous champêtre, Sébastien L. et Pierre B. trouvent rapidement un terrain d’entente. Le premier explique qu’il cherche des armes. Le second répond qu’il peut lui en fournir, par l’intermédiaire de trafiquants des pays de l’Est. Sébastien L. enchaîne : en fait, il est chargé d’une « mission d’État : l’élimination d’une femme qui travaille pour le Mossad »… Son interlocuteur saisit la balle au bond : il est l’homme de la situation. Le caporal voit-il dans cette proposition une chance inespérée d’accéder, via un circuit parallèle, à une mission sensible à laquelle il aspire vainement? Possible. Quoi qu’il en soit, Sébastien L. et Pierre B. sont emballés : chacun d’eux semble persuadé qu’il a enfin trouvé un interlocuteur à sa mesure. Un professionnel, issu des « services ». Il ne reste plus maintenant qu’à recruter un second équipier pour accomplir l’opération « homo »…
Là, le complot tourne à la pantalonnade. Se sentant investi de sa « mission pour la France », Pierre B. n’hésite pas à démarcher des collègues du centre d’entraînement parachutiste de Saran. Il fait miroiter une prime de 30.000 euros à partager, fifty-fifty. Au moins quatre d’entre eux refusent. Un autre finit par accepter le marché. C’est Carl E.-Adelard. Lequel affirmera devant les policiers, quelques mois plus tard : « Pour moi, c’était une mission de sous-traitance de la DGSE et je mettais le pied dans l’opérationnel… »
Le 24 juillet 2020, à Créteil, « l’opération » échoue avant même d’avoir commencé. Auditionnée par les policiers, Marie-Hélène Dini ne voit pas qui pourrait lui en vouloir. Elle cite cependant le nom de concurrents avec qui elle a eu des démêlés. Parmi eux, Jean-Luc B., le formateur en coaching. Mme Dini raconte aussi qu’elle avait déjà été agressée dans la rue, en octobre 2019, par deux hommes qui lui ont volé son ordinateur portable…
Pourtant, après la première vague d’interpellations, fin juillet, les investigations piétinent pendant des mois. L’identité des commanditaires reste un mystère. Jusqu’au 21 janvier dernier. L’affaire connaît alors un rebondissement stupéfiant. Les policiers entendent, à titre de témoin, la compagne de Sébastien L. Selon la jeune femme, son conjoint effectue bien des « missions d’État », et son officier « traitant » est un certain Daniel B. Cet homme, dit-elle, a d’ailleurs délégué à Sébastien un contrat concernant une femme « visée parce qu’elle donnait à un État étranger des informations couvertes par le secret-défense ».
Exécuteur de basses oeuvres
Interpellé dans la foulée, Daniel B., le supposé « officier traitant », va dévoiler tous les ressorts de l’affaire. L’homme, âgé de 67 ans, est un ancien commandant de la DCRI. À la retraite, il a créé une petite société d’intelligence économique. Daniel B. est par ailleurs franc-maçon depuis une vingtaine d’années. Après avoir quitté une première obédience, il a intégré en 2015 la loge Athanor, à Puteaux (Hauts-de-Seine), par le biais de Frédéric V., qui en était le « vénérable » (le responsable). Il y a aussi fait la connaissance de Jean-Luc B., lui-même ancien vénérable. Mais il affirme ne pas fréquenter ce dernier en dehors de la loge.
Frédéric V. avait une emprise sur moi. Si je n’acceptais pas, je perdais l’accès à son réseau
Daniel B. en vient maintenant à la tentative de meurtre sur Marie-Hélène Dini. « C’est Frédéric V. qui m’a mis cette affaire entre les mains. Il me disait que c’était bon pour moi, que cela m’apporterait d’autres contrats. » En octobre 2019, il accepte de superviser une première mission, confiée à son homme de main, Sébastien L. : « bousculer » Mme Dini et lui dérober son ordinateur. Puis, au début de l’année 2020, Frédéric V. serait revenu à la charge, « pour aller plus loin ». « Les intentions étaient claires, raconte Daniel B. devant les policiers. Il fallait que cette personne soit exécutée. »
Pour exécuter ces basses œuvres, Sébastien L. est de nouveau requis. « L’histoire du Mossad est une invention de ma part pour motiver Sébastien L. et lui faire croire que c’était un contrat d’État », poursuit-il. Pourquoi Daniel B. a-t-il accepté de servir d’intermédiaire dans ce projet d’assassinat? Réponse : « Frédéric avait une emprise sur moi. Si je n’acceptais pas, je perdais l’accès à son réseau […]. C’est sa société qui décrochait les contrats et qui m’associait en tant que sous-traitant… »
Fin de l’histoire? Pas encore. Car durant ses trois jours de garde de vue Daniel B. s’épanche longuement sur l’étendue des activités criminelles de l’officine constituée avec ses deux « frères » maçons de la loge Athanor. L’inventaire est affolant. L’ancien commandant de la DCRI estime avoir « géré une dizaine de dossiers » pour le compte de Frédéric V.
L’existence même d’un tel réseau criminel pose des questions vertigineuses
Le premier d’entre eux, en 2018, s’est soldé par un homicide. À l’époque, un couple d’entrepreneurs de l’est de la France se plaint auprès de Frédéric V. : ils sont, affirment-ils, victimes d’une « arnaque au sponsoring » mise au point par un pilote de rallye, Laurent Pasquali. Contre 200.000 euros, selon nos informations, le pilote aurait promis à ses clients d’apposer sur sa voiture leur logo publicitaire durant les courses. Une promesse pas toujours tenue, et multipliable à l’envi. Sur instruction de Frédéric V., Daniel B. aurait alors envoyé Sébastien L. pour récupérer l’argent. L’affaire tourne mal. Laurent Pasquali disparaît brutalement. Son cadavre est retrouvé fin 2019, enterré dans une forêt de Haute-Loire, à 500 kilomètres de son domicile. Entre-temps, Sébastien L. aurait envoyé une photo de la dépouille du pilote à Daniel B. Photo également visionnée par Frédéric V. Une enquête concernant cet homicide est actuellement en cours.
Un autre projet macabre a avorté l’année dernière. Les dirigeants d’une entreprise établie dans l’Ain contactent Frédéric V. : ils veulent se débarrasser d’un syndicaliste « gênant »… Le tandem Daniel B.-Sébastien L. est mandaté pour régler l’affaire. Montant prévu pour ce contrat : environ 50.000 euros. Mais, à la fin de juillet 2020, juste après l’échec retentissant de la tentative d’assassinat de Marie-Hélène Dini, la mission dans l’Ain est annulée en urgence…
Sollicités, les avocats de Jean-Luc B. et de Frédéric V. n’ont pas souhaité s’exprimer. « Depuis la révélation de cette affaire ahurissante, ma cliente a reçu le soutien de l’ensemble de sa profession. C’est un point essentiel », commente pour sa part maître Joseph Cohen-Sabban, l’avocat de Marie-Hélène Dini. « Mais, poursuit-il, l’existence même d’un tel réseau criminel, mêlant des francs-maçons, des chefs d’entreprise de sécurité et des agents du renseignement, dévoyés et sans aucun scrupule, pose des questions vertigineuses. Comment des représentants d’institutions censées incarner la raison, le progrès et la sécurité des citoyens peuvent-ils à ce point contrevenir à leur mission? »
L’enquête, toujours en cours, apportera probablement des précisions sur ces incroyables dérives. Et, au vu du nombre de personnes ayant sollicité les services du trio des « frères », d’autres surprises ne sont pas à exclure.