Je décline toute responsabilité quant aux mentions qui s'affichent dans les cinq lignes ci-dessus du pavé "Recherchez aussi" sur lequel je n'ai aucun contrôle.
Mes statistiques sont bloquées depuis le 2 février 2015.
7 février 2015
Mes statistiques sont de retour, tout fonctionne.
16 février 2015
Statistiques "basiques" de nouveau bloquées depuis le 12 février.
22 février 2015
Mes statistiques "basiques" ont été débloquées hier soir après la publication de mon dernier article concernant NEMROD34. Belle reprise simultanée de l'activité du Chinois.
23 février 2015
Statistiques "basiques" toujours sujettes à blocages : le 21 février au soir, à peine étaient-elles débloquées, puis à nouveau hier, 22 février, à peine étaient-elles débloquées.
24 février 2015
Statistiques "basiques" débloquées. Pas de nouveau pic d'activité du Chinois depuis le 21 février.
25 février 2015
Je n'ai pas mes statistiques "basiques" du jour, ça bloque encore... et Justinpetitcoucou est toujours bloqué depuis le 8 février... Faudrait penser à le débloquer, lui aussi, il y a du laisser-aller, là...
26 février 2015
Statistiques "basiques" des deux blog débloquées. Merci pour Justin, il était temps !
27 février 2015
Statistiques "basiques" des deux blogs de nouveau bloquées depuis le 26 février. Ce petit jeu pourrait-il cesser ? On n'en voit pas l'intérêt... Complément de 22 h: merci de m'avoir rendu ces statistiques !
25 mars 2015
Statistiques "basiques" de nouveau bloquées depuis le 20 mars.
26 mars 2015
Merci de m'avoir débloqué mes statistiques "basiques". Encore une fois, je ne vois pas l'intérêt de ce petit jeu. Ce serait aussi bien de cesser de bloquer ces statistiques pour oublier de les débloquer jusqu'à ce que j'aie signalé le problème.
31 mars 2015
Merci de bien vouloir me débloquer les statistiques "basiques" de Justinpetitcoucou, restées bloquées depuis le 14 mars - cf. avis du 25 mars sur Justin.
2 avril 2015
Merci de m'avoir rendu les statistiques de Justin.
7 mai 2015
Je n'ai plus de statistiques depuis deux jours, ni "basiques" ni "avancées".
10 mai 2015
Retour des statistiques "basiques". Merci. Manquent encore les statistiques "avancées".
14 mai 2015
Toutes mes statistiques sont de retour depuis hier. Merci.
3 octobre 2015
Depuis hier, les compteurs de mes statistiques avancées sont tous à zéro. Merci de me les rendre.
Retour sur le conflit ukrainien six mois après les débuts de l’intervention russe, avec les analyses de Jacques Baud, spécialiste, parmi les plus fiables sur cette question.
Comme prévu, la folledingue Josette Brenterch du NPA de Brest et tous les Brestois qui la suivent, dont ceux qui ont nous ont imposé à la tête de l’Etat le … [mettez ce que vous voulez] que nous allons encore devoir supporter un certain temps, nous ont bien conduits au grand plongeon.
Les menteurs qui nous gouvernent n’inspirent plus confiance qu’à leurs complices, et encore, certainement pas tous.
Je leur avais indiqué avant l’élection présidentielle que le choix qu’ils nous proposaient entre plusieurs candidats de profils à peu près semblables n’en était pas vraiment un, ni forcément le meilleur pour diriger un pays, surtout quand l’exercice devient de plus en plus périlleux.
Aussi, ils ont cru bon de désigner une femme ingénieure comme Première Ministre.
Ces femmes-là nagent mieux que les autres, c’est un fait, mais quand même pas lorsqu’elles sont lestées comme il faut pour couler à pic.
Vidéo édifiante sur le cas de ce jeune américain dont le visage a retenu mon attention alors que j’allais faire un tour sur Youtube pour y chercher autre chose, raison pour laquelle je m’y suis attardée.
Plus le temps de visionnage passait, et plus j’étais persuadée d’en connaître un sosie sans pouvoir me rappeler de qui il s’agissait. Et tout d’un coup, bingo ! mais c’est bien sûr… Jean-Marc Donnadieu !
Et c’est bien le même type de psychopathe…
Voyez sa photo sur son CV du printemps 2013, c’est exactement Joe Clark avec quelques années en plus :
A noter : pour pouvoir retrouver jambes et mobilité, sa dernière victime le jeune Thad Phillips, qui à tout juste douze ans a réussi à échapper à une mort certaine dans les conditions relatées dans la vidéo, a dû subir par la suite nombre d’interventions chirurgicales durant plusieurs années.
Enterrement de victimes de la peste noire à Tournai. Les Chroniques de Gilles Li Muisis (1272-1352), abbé de Saint-Martin de Tournai. Bibliothèque royale de Belgique, MS 13076-77, f. 24v.
La peste noire, ou mort noire, est une pandémie de peste (principalement bubonique) qui a sévi au milieu du XIVe siècle (pendant le Moyen Âge). Cette pandémie touche l’Eurasie, l’Afrique du Nord et peut-être l’Afrique subsaharienne. Son nom lui a été donné par les historiens modernes ; elle n’est ni la première ni la dernière pandémie de peste, mais c’est la seule à porter ce nom. C’est aussi la première pandémie à avoir été bien décrite par les chroniqueurs de l’époque. Elle est parfois également appelée grande peste.
Elle tue entre 30 et 50 % des Européens en cinq ou six ans (1347-1352), faisant environ 25 millions de victimes. Les conséquences sur la civilisation européenne sont sévères et longues, d’autant que cette première vague est considérée comme le début explosif et dévastateur de la deuxième pandémie de peste, qui dure de façon plus sporadique jusqu’au début du XIXe siècle.
Cette pandémie provoque indirectement la chute de la dynastie Yuan en Chine, affecte l’Empire khmer et affaiblit encore plus ce qui reste de l’Empire byzantin, déjà moribond depuis la fin du XIe siècle et qui tombe finalement face aux Ottomans en 1453.
Origines du terme
Les contemporains désignent cette épidémie sous de nombreux termes : « grande pestilence », « grande mortalité », « maladie des bosses », « maladie des aines »1, et plus rarement « peste universelle »2 (qui doit être compris comme un équivalent de fléau universel). Le terme « peste noire » ou « mort noire » apparaît au XVIe siècle. Il semble que « noir » doive ici être pris au sens figuré (terrible, affreux), sans allusion médicale ou clinique1.
La popularité de l’expression serait due à la publication, en 1832, de l’ouvrage d’un historien allemand Justus Hecker(de) (1795-1850), Der schwarze Tod im vierzehnten Jahrhundert (« La Mort noire au XIVe siècle »). L’expression devient courante dans toute l’Europe. En Angleterre, le terme usuel de Black Death (mort noire) apparaît en 1843 dans un livre d’histoire destiné à la jeunesse1. Au début du XXIe siècle, Black Death reste le nom habituel de cette peste médiévale pour les historiens anglais et américains. En France, le terme « peste noire » est le plus souvent utilisé3.
Dans son ouvrage initial de 1832, Hecker dresse la liste des explications de l’emploi de l’adjectif « noir » : le deuil continu, l’apparition d’une comète noire avant l’épidémie, le fait qu’elle ait d’abord frappé les Sarrasins (à peau foncée), la provenance apparente de pays à pierres ou de terres noires, etc.1. Cet ouvrage est à la base de celui d’Adrien Phillippe4 paru en 1853 Histoire de la peste noire5.
Dans le langage médical français, jusqu’aux années 1970, le terme peste noire désignait plus particulièrement les formes hémorragiques de la peste septicémique ou de la peste pulmonaire6.
Épidémies précédentes
Le Moyen Âge fut traversé par de nombreuses épidémies, plus ou moins virulentes et localisées, et souvent mal identifiées (incluant grippe, variole et dysenteries)2 qui se déclenchèrent sporadiquement. Hormis peut-être le mal des ardents, qui est dû à une intoxication alimentaire, la plupart de ces épidémies coïncidèrent avec les disettes ou les famines qui affaiblissaient l’organisme. Le manque d’hygiène général et notamment la stagnation des eaux usées dans les villes, la présence de marais dans les campagnes favorisèrent également leur propagation. Ainsi, l’Artois est frappé à plusieurs reprises en 1093, 1188, 1429 et 1522.
La peste de Justinien (541-767) qui ravagea l’Europe méditerranéenne a été clairement identifiée comme peste due à Yersinia pestis. Elle fut sûrement à l’origine d’un déficit démographique pendant le haut Moyen Âge en Europe du Sud, et indirectement, de l’essor économique de l’Europe du Nord. Elle est considérée comme la première pandémie de peste ; sa disparition au VIIIe siècle reste énigmatique7.
L’absence de la peste en Europe dura six siècles. Quand l’Europe occidentale fut de nouveau touchée en 1347-1348, la maladie revêtit tout de suite, aux yeux des contemporains, un caractère de nouveauté et de gravité exceptionnelle, qui n’avait rien de commun avec les épidémies habituelles8. Pour les plus lettrés, les seules références connues pouvant s’en rapprocher étaient la peste d’Athènes et la peste de Justinien.
Contrairement à la peste de Justinien, qui fut essentiellement bubonique, la peste noire, due aussi à Yersinia pestis9, a pu revêtir deux formes : principalement bubonique10,11, mais aussi pulmonaire12, selon les circonstances.
Chroniqueurs et historiens
Histoire classique
Il ne manque pas d’écrits contemporains de la peste noire, comme la Nuova chronica du chroniqueur florentin Giovanni Villani, lui-même victime de la peste en 1348. Sa chronique s’arrête en 1346, mais elle est poursuivie par son frère Matteo Villani avec le récit détaillé de cette épidémie. Gabriel de Mussis(en) (1280-1356) de Plaisance est l’auteur d’un Historia de morbo en 134813.
De nombreux auteurs, médicaux ou non, ont donné par la suite avis et observations, mais une approche proprement historique de la peste médiévale n’apparaît qu’à la fin du XVIIIe siècle avec Christian Gottfried Gruner(de) (1744-1815) et Kurt Sprengel.
Le tournant décisif est pris en 1832 par Justus Hecker (voir section précédente) qui insiste sur l’importance radicale de la peste noire comme facteur de transformation de la société médiévale. L’école allemande place la peste noire au centre des publications médico-historiques avec Heinrich Haeser(de) (1811-1885), et August Hirsch (1817-1894). Ces travaux influencent directement l’école britannique, aboutissant au classique The Black Death (1969) de Philip Ziegler13.
Histoire multidisciplinaire
La découverte de la bactérie causale Yersinia pestis (1894), puis celle du rôle des rats et des puces, permettent de déterminer un modèle médical de la peste moderne dans la première moitié du XXe siècle. Ce modèle s’impose aux historiens pour expliquer et évaluer la peste médiévale. En même temps, ces chercheurs ont accès à de nouvelles sources locales officielles et semi-officielles, avec l’arrivée dans la deuxième moitié du XXe siècle de démographes, d’épidémiologistes et de statisticiens13.
Le modèle initial de Hecker, représentatif d’une « histoire-catastrophe », quasi apocalyptique, est corrigé et nuancé. La peste noire n’est plus un séparateur radical ou une rupture totale dans l’histoire européenne. Nombre de ses effets et de ses conséquences étaient déjà en cours dès le début du XIVe siècle ; ces tendances ont été exacerbées et précipitées par l’arrivée de l’épidémie. Le phénomène « peste noire » est mieux situé dans un contexte historique plus large à l’échelle séculaire d’un ou plusieurs cycles socio-économiques et démographiques13.
Un apport décisif est celui de Jean-Noël Biraben qui publie en 1975, Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, où la peste noire (Europe occidentale ,1348-1352) n’est qu’un aspect particulier des épidémies de peste qui se succèdent jusqu’au XVIIIe siècle, englobant l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient. Il est suivi en cela par nombre de chercheurs qui abordent la peste à différentes échelles spatio-temporelles, pas forcément centrées sur la peste noire du milieu du XIVe siècle, la plus connue du grand public.
À la fin du XXe siècle, l’étude de la peste noire médiévale apparaît de plus en plus comme multidisciplinaire avec le traitement des données par informatique, l’arrivée de nouvelles spécialités comme l’archéozoologie, la paléomicrobiologie ou la palynologie. Si les notions initiales des premiers historiens paraissent se confirmer en général, la peste noire historique comporte encore de nombreux problèmes en suspens, non ou mal expliqués. Au début du XXIe siècle, elle reste un objet vivant de recherches : mise en cause de données acquises, disputes et controverses avec pluralité de points de vue13,17,18.
Nature de la maladie
Le premier savoir biomédical moderne sur la peste est fondé sur les travaux menés dans la première moitié du XXe siècle à l’occasion de la troisième pandémie de peste, dite peste de Chine ou peste de Hong Kong. Cette troisième pandémie a donc servi de modèle pour expliquer la peste noire (début de la deuxième pandémie de peste)19.
Cependant, à partir des années 1970, des historiens et des épidémiologistes notent d’importantes différences entre la peste médiévale et les pestes modernes du XXe siècle. Par exemple, la peste médiévale a un taux de mortalité très élevé par rapport à la peste moderne (d’avant les antibiotiques), et elle se diffuse beaucoup plus vite. De plus les chroniqueurs européens médiévaux ne mentionnent pas de mortalité chez les rats19,13.
Quelques auteurs ont alors proposé d’autres hypothèses : la peste noire serait une maladie du charbon, une fièvre hémorragique virale pulmonaire, voire « toute maladie autre que la peste bubonique transmise par puce du rat ». D’autres comme une peste, mais transmise différemment par puce de l’homme (sans avoir besoin de rat)19,13.
En 1998, des microbiologistes ont pu mettre en évidence la présence d’ADN de Yersinia pestis dans la pulpe dentaire de squelettes retrouvés sur des sites de la deuxième pandémie20. Ces premiers travaux, d’abord contestés, ont été confirmés dans les années 2010, y compris pour la peste noire médiévale21,22,23.
Quoiqu’il existe de nombreuses questions non résolues, la très grande majorité des auteurs (historiens, épidémiologistes, microbiologistes…) considèrent que la peste noire, comme la peste de Justinien (première pandémie de peste), est bien la peste (bubonique ou pneumonique) causée par le bacille Yersinia pestis19,13.
Chronologie
Origines
Hypothèses
Les historiens sont en désaccord sur l’origine géographique exacte de la peste noire, mais ils sont unanimes sur son arrivée par la route de la soie, par le nord ou par le sud de la mer Caspienne24,25.
Principales routes de la soie, à la fin de l’Antiquité.
Pour les chroniqueurs musulmans andalous, comme Ibnul Khatib de Grenade, l’épidémie vient de Chine. Ils s’appuient sur le témoignage de marchands venant de Samarcande. Ils rapportent aussi une rumeur circulant chez les voyageurs chrétiens selon laquelle la peste est venue d’Abyssinie. La thèse de l’origine chinoise est reprise jusqu’au début du XXe siècle par des auteurs qui ne font, le plus souvent, que se recopier24. Elle s’appuie principalement sur Joseph de Guignes (1758) qui, en citant des annales chinoises, atteste que la capitale est atteinte en 133426.
Quelques chroniqueurs chrétiens voient l’origine de la maladie aux Indes, Giovanni Villani y fait allusion en parlant de feux souterrains et de pluies d’insectes dans ces pays. Des auteurs plus modernes situent l’origine sur les pentes sud de l’Himalaya, en surinterprétant le témoignage d’Ibn Battûta sur une épidémie sévissant à Mathura en 1332 (confusion probable avec Matrah selon Jean-Noël Biraben, en 1975)24.
Depuis le dernier quart du XXe siècle, les historiens ont tendance à déplacer l’origine de la peste noire vers la mer Noire et le sud de la Russie, réduisant la distance du trajet de la peste noire. Les uns s’appuient sur des données phylogénétiques de Yersinia pestis pour localiser l’origine de la peste noire au Kurdistan irakien, d’autres se basent sur des chroniques médiévales russes pour la placer entre le bassin du Don et celui de la Volga25.
Extension de la peste noire 1346-1351, hypothèse de l’Asie centrale.
Si des historiens s’appuient sur l’existence d’une Pax Mongolica favorisant le commerce, d’autres opposent les troubles politico-militaires de l’islamisation de chefs mongols (ce serait alors les guerres et non le commerce qui facilitent l’épidémie)24.
Déroulement
En 1346, les Mongols de la Horde d’orassiégèrent Caffa, comptoir et port génois des bords de la mer Noire, en Crimée. L’épidémie, ramenée d’Asie centrale par les Mongols, toucha bientôt les assiégés, car les Mongols catapultaient les cadavres des leurs par-dessus les murs pour infecter les habitants de la ville31. Cependant, pour Boris Bove il est plus plausible d’imaginer que la contamination des Génois fut le fait des rats passant des rangs mongols jusque dans la ville31, ou selon une théorie récente, plutôt des gerbilles32.
Le siège fut levé, faute de combattants valides en nombre suffisant : Génois et Mongols signèrent une trêve. Les bateaux génois, pouvant désormais quitter Caffa, disséminèrent la peste dans tous les ports où ils faisaient halte : Constantinople est la première ville touchée en 134733, puis la maladie atteignit Messine fin septembre 134734, Gênes et Marseille en novembre de la même année. Pise est atteinte le premier janvier 1348, puis c’est le tour de Spalato, la peste gagnant les ports voisins de Sebenico et de Raguse, d’où elle passe à Venise le 25 janvier 1348. En un an, la peste se répandit sur tout le pourtour méditerranéen8.
Dès lors, l’épidémie de peste s’étendit à toute l’Europe du sud au nord, y rencontrant un terrain favorable : les populations n’avaient pas d’anticorps contre cette variante du bacille de la peste, et elles étaient déjà affaiblies par des famines répétées35, des épidémies36, un refroidissement climatique sévissant depuis la fin du XIIIe siècle, et des guerres37.
Entre 1345 et 1350, le monde musulman et la région du croissant fertile sont durement touchés par la pandémie. Partie de Haute-Égypte, elle touche Alexandrie, Le Caire en septembre 1348, atteint la Palestine, touche successivement Acre, Sidon, Beyrouth, Tripoli et Damas en juin de la même année. Au plus fort de l’épidémie, Damas perd environ 1 200 habitants par jour et Gaza est décimée. La Syrie perd environ 400 000 habitants, soit un tiers de sa population. C’est après avoir ravagé l’Égypte, le Maghreb et l’Espagne qu’elle se répand finalement en Europe38.
La diffusion rapide de la peste est à imputer à l’arrivée du Rat noir en Europe. Natif d’Asie, il s’est rapidement propagé par les navires de commerces. Rattus rattus est le réservoir de la peste bubonique, dont le bacille est transmis à l’Homme via des puces, elles autochtones d’Europe.
La peste noire se répand comme une vague et ne s’établit pas durablement aux endroits touchés. Le taux de mortalité moyen — environ trente pour cent de la population totale et soixante à cent pour cent de la population infectée — est tel que les plus faibles périssent rapidement, et le fléau ne dure généralement que six à neuf mois. Seulement cette épidémie de peste a duré plusieurs années à cause des rats et des puces, vecteurs de la maladie, qui entretenaient les contaminations.
Cette progression n’est pas homogène, les régions n’étant pas toutes touchées de la même façon. Des villages, et même certaines villes sont épargnés comme Bruges, Milan et Nuremberg, au prix de mesures d’exclusion drastiques, et il en est de même pour le Béarn et la Pologne (carte ci-contre).
Afrique sub-saharienne
On a longtemps supposé que la peste, actuellement endémique dans une partie de l’Afrique, était arrivée sur ce continent depuis l’Inde et/ou la Chine au XIXe siècle. Des indices, notamment examinés par le programme de recherche GLOBAFRICA de l’Agence nationale de la recherche française, laissent cependant penser qu’on a sous-estimé la présence et les effets de l’épidémie dans la zone subsaharienne médiévale40.
À cause du manque d’archives écrites pour cette région et du peu de traces archéologiques dans les zones de forêt tropicale, les historiens et archéologues ont d’abord estimé que la bactérie Yersinia pestis n’avait pas traversé le Sahara vers le sud via les puces et rats ou des navires marchands côtiers. On n’avait pas non plus retrouvé dans ces régions de grandes « fosses à peste » comme en Europe. Et les récits d’explorateurs venus d’Europe aux XVe et XVIe siècles ne rapportent pas de témoignages sur une grande épidémie40.
Depuis, l’archéologie s’est alliée à l’histoire et à la génétique, plaidant pour une possible dévastation de la zone subsaharienne par la peste à l’époque médiévale. Elle s’y serait propagée via les voies commerciales reliant alors ces régions à d’autres continents40.
À Akrokrowa (Ghana) les archéologues ont trouvé une communauté agricole médiévale très développée qui a subi un effondrement démographique au moment même où la peste noire ravageait l’Eurasie et l’Afrique du Nord, puis des découvertes similaires ont été faites dans le cadre du projet GLOBAFRICA pour des périodes situées au XIVe siècle à Ife (Nigeria chez les Yorubas), de même sur un site étudié à Kirikongo (Burkina Faso) où la population semble avoir été brutalement divisée par deux durant la seconde moitié du XIVe siècle. Dans ces cas il n’y a pas de signes contemporains de guerre ou de famine, ni de migration. Ces changements évoquent ceux observés ailleurs, notamment dans les îles britanniques lors de la peste justinienne du VIe au VIIIe siècle40.
Les archives historiques éthiopiennes ont aussi commencé à livrer des mentions d’épidémies jusqu’ici ignorées pour la période allant du XIIIe au XVe siècle, dont l’une évoque une maladie qui a tué « un si grand nombre de gens que personne n’a été laissé pour enterrer les morts » et au CNRS, une historienne (Marie-Laure Derat) a découvert qu’au XVe siècle, deux saints européens adoptés par la culture et l’iconographie éthiopienne ancienne étaient associés à la peste (Saint Roch et Saint Sébastien)40. En 2016 les généticiens ont aussi mis en évidence un sous-groupe distinct de Y. pestis qui pourrait être arrivé en Afrique de l’Est vers le XVe – XVIe siècle, uniquement trouvé en Afrique orientale et centrale, phylogénétiquement proche de l’une des souches connue pour avoir dévasté l’Europe au XIVe siècle (c’est même le parent encore vivant de la peste noire le plus proche note une historienne de la peste Monica Green)41. Un autre variant de la bactérie (aujourd’hui disparu) avait déjà sévi dans l’ouest de l’Afrique et peut-être même au-delà. Pour étayer cette hypothèse, de l’ADN ancien est cependant encore nécessaire40.
Guerres et peste
Les rapports entre la guerre et la peste s’expliquent de diverses façons selon les historiens, et il n’est pas toujours facile de distinguer entre les causes et les conséquences.
Guerre de Cent Ans
Les effets de la guerre de Cent Ans paraissent limités, car elle n’est jamais totale (étendue géographique, et dans le temps – existence de trêves). L’impact démographique direct est faible et ne concerne que la noblesse, quoique des massacres de populations civiles soient attestés (Normandie, région parisienne). Il n’en est pas de même pour les conséquences indirectes liées à l’économie de guerre (pillage, rançon, impôts) : la misère, l’exode, la mortalité sont aggravés. Le bon sens populaire associe la guerre et la peste dans une même prière : « Délivre-nous, Seigneur, de la faim, de la peste et de la guerre »42.
La peste frappe Anglais et Français, assiégeants et assiégés, militaires et civils, sans distinction. Cette mortalité par peste est sans commune mesure avec les pertes militaires au combat (une armée de plus de dix mille hommes est exceptionnelle à l’époque). La guerre tue par milliers sur un siècle, la peste par millions en quelques années. La peste est l’occasion d’interrompre la guerre de Cent Ans (prolongation de la trêve de Calais en 1348), mais elle n’en change guère le cours en profondeur43. La proximité de la peste limite les opérations (évitement des zones où la peste sévit). Des bandes armées ont pu disséminer la peste, mais aucune armée n’a été décimée par la peste durant la guerre de Cent Ans44.
Autres conflits
D’autres historiens insistent sur l’influence de la peste sur le déroulement des opérations militaires, surtout en Méditerranée : la fin du siège de Caffa, la mort d’Alphonse XI lors du siège de Gibraltar, la réduction des flottes de guerre de Venise et de Gênes, l’ouverture de la frontière nord de l’Empire byzantin, la dispersion de l’armée de Abu Al-Hasan après la bataille de Kairouan (1348), l’arrêt de la Reconquista pour plus d’un siècle45, etc.
Conséquences démographiques et socio-économiques
La peste eut d’importantes conséquences démographiques, économiques, sociales et religieuses.
Les sources documentaires sont assez éparses et couvrent généralement une période plus longue, mais elles permettent une approximation assez fiable. Les historiens s’entendent pour estimer la proportion de victimes entre 30 et 50 % de la population européenne, soit entre 25 et 45 millions de personnes46. Les villes sont plus durement touchées que les campagnes, du fait de la concentration de la population, et aussi des disettes et difficultés d’approvisionnement provoquées par la peste (chute de la production céréalière dans les campagnes).
Au niveau mondial, il faut ajouter les morts de l’empire byzantin, du monde musulman, du Moyen-Orient, de la Chine et de l’Inde, dont les données sont peu connues. Adrien Philippe estimait les pertes comme suit :
« Le tiers au moins de la population européenne a été emportée par le fléau. L’Europe comptant aujourd’hui 210 millions d’habitants (en 1853), on peut sans exagérer porter à 110 millions la population de ce continent au XIVe siècle [ce chiffre parait aujourd’hui surestimé, on pense que l’Europe pouvait compter environ 75 millions d’habitants]. Cette partie du monde a donc perdu 37 millions d’habitants, auxquels il faut ajouter les 13 millions de la Chine [selon l’historien arabe Aboul Mahassen (1411-1470) cité p. 13], et les 24 millions des autres contrées de l’Asie et de l’Afrique (du Nord) [Rapport fait au Pape Clément VI, cité p. 15] : ce qui élève le total pour le monde entier à 74 millions. C’est le minimum5. » [Adrien Philippe, p. 138-139].
En effet, la population de la Chine aurait diminué de moitié entre 1200 et 1400 (passant de 120 à 65 millions), du fait de l’invasion mongole, de catastrophes climatiques, de famines et de la peste, dont il est difficile de mesurer les parts respectives ; par ailleurs, des recherches archéologiques récentes faites en Afrique subsaharienne, non seulement sur la côte Est, activement fréquentée par les Arabes, mais aussi à l’Ouest, le long du golfe de Guinée, ont révélé l’existence de nombreuses cités abandonnées à cette époque, sans trace de violence, mais en des lieux devenus tabous et désertés ; on constate aussi la disparition (provisoire) de certaines techniques comme l’art du bronze. Il conviendrait donc d’ajouter environ 20 millions d’Africains à ce bilan.
Selon les sources, la peste noire aurait fait entre 75 et 200 millions de morts au XIVe siècle47,48 ; mais en réalité, les sources universitaires attribuent le chiffre de 200 millions de victimes à l’ensemble des trois épidémies mondiales de peste, depuis la peste de Justinien (541-767) jusqu’au début du XXIe siècle49,50. Cette pandémie fut certainement la plus considérable de l’histoire, avec une létalité des malades supérieure à 50 %, et une mortalité d’environ 20 % de la population mondiale (30 % sur les trois continents touchés), qui comptait alors 420 à 450 millions d’individus51, et qui tomba à 360 millions. Par comparaison, la grippe espagnole (1917-1922) a peut-être tué 100 millions de personnes en chiffres absolus, mais sur une population de 1,8 milliard, soit moins de 6 %, ce qui, joint aux pertes de la guerre mondiale, explique son moindre impact dans l’imaginaire collectif de l’époque.
Il existait déjà une récession économique depuis le début du XIVe siècle, à cause des famines et de la surpopulation (il y eut en 1315-1317 une grande famine européenne qui stoppa l’expansion démographique et prépara le terrain à l’épidémie).
Cette récession se transforme en chute brutale et profonde avec la peste noire et les guerres. La main-d’œuvre vint à manquer et son coût augmenta, en particulier dans l’agriculture. De nombreux villages furent abandonnés, les moins bonnes terres retournèrent en friche et les forêts se redéveloppèrent. En France, la production céréalière et celle de la vigne chutent de 30 à 50 % selon les régions42.
Les propriétaires terriens furent contraints de faire des concessions pour conserver (ou obtenir) de la main-d’œuvre, ce qui se solda par la disparition du servage. Les revenus fonciers s’effondrèrent à la suite de la baisse du taux des redevances et de la hausse des salaires ; le prix des logements à Paris fut divisé par quatre52.
Les villes se désertifièrent les unes après les autres, la médecine de l’époque n’ayant ni la connaissance de la cause de l’épidémie ni les capacités de la juguler. Cette désertification est compensée par un exode rural pour repeupler les villes, dans un rayon moyen de 30 à 40 km autour des villes et des gros bourgs53.
Mortalité et démographie
La France ne retrouva son niveau démographique de la fin du XIIIe siècle que dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
En France, entre 1340 et 1440, la population a décru de 17 à 10 millions d’habitants, une diminution de 41 %. La France avait retrouvé le niveau de l’ancienne Gaule. Le registre paroissial de Givry, en Saône-et-Loire, l’un des plus précis, montre que pour environ 1 500 habitants, on a procédé à 649 inhumations en 1348, dont 630 de juin à septembre, alors que cette paroisse en comptait habituellement environ 40 par an : cela représente un taux de mortalité de 40,6 %. D’autres registres, comme celui de l’église Saint-Nizier de Lyon, confirment l’ordre de grandeur de Givry (30 à 40 %)54.
Une source indirecte de mortalité est l’étude des séries de legs et testaments enregistrés. Par exemple, les historiens disposent des données de Besançon et de Saint-Germain-l’Auxerrois, qui montrent que les legs et les testaments décuplent en 1348-1349 par rapport à 1347, mais l’interprétation en est délicate. « La mortalité précipite les hommes non seulement chez leur confesseur mais aussi chez leur notaire […] mais [cela] ne permet pas de la mesurer, car il dépend autant, sinon plus, de la peur de la maladie qui multiplie les legs pieux que des ravages de la peste elle-même »55.
C’est l’Angleterre qui nous a laissé le plus de témoignages ce qui, paradoxalement, rend l’estimation du taux de mortalité plus ardue, les historiens fondant leurs calculs sur des documents différents : les chiffres avancés sont ainsi entre 20 et 50 %. Cependant, les estimations de population entre 1300 et 1450 montrent une diminution située entre 45 et 70 %. Même si là encore la baisse de population était en cours avant l’éclosion de la peste, ces estimations rendent le 20 % peu crédible, ce taux étant fondé sur des documents concernant des propriétaires terriens laïcs qui ne sont pas représentatifs de la population, essentiellement paysanne et affaiblie par les disettes.
Dans le reste de l’Europe, les historiens tentent d’approcher la mortalité globale par des études de mortalité de groupes socio-professionnels mieux documentés (médecins, notaires, conseillers municipaux, moines, évêques). En Italie, il est communément admis par les historiens que la peste a tué au moins la moitié des habitants. Seule Milan semble avoir été épargnée, quoique les sources soient peu nombreuses et imprécises à ce sujet. Des sources contemporaines citent des taux de mortalité effrayants : 80 % des conseillers municipaux à Florence, 75 % à Venise, etc. En Espagne, la peste aurait décimé de 30 à 60 % des évêques56.
En Autriche, on a compté 4 000 victimes à Vienne, et 25 à 35 % de la population mourut. En Allemagne, les populations citadines auraient diminué de moitié, dont 60 % de morts à Hambourg et Brême57.
Empire byzantin
L’Empire byzantin est durement touché lui aussi par la peste, il connaîtra 9 vagues épidémiques majeures du XIVe siècle au XVe siècle (de 1347 à 1453) d’une durée moyenne de trois ans espacées d’une dizaine d’années. La peste touche particulièrement Constantinople, le Péloponnèse, la Crète et Chypre. Cependant, l’Empire byzantin est aussi affaibli par des défaites militaires, des guerres civiles ou des tremblements de terre, en sorte que la peste noire accentue son déclin, mais ne le provoque pas.
L’histoire médiévale de cette région montre que les ambitions économiques, politiques et militaires étaient plus fortes que la peur de la peste. Le commerce et la guerre contribuent à propager la maladie, les hommes finissant par intégrer la peste comme une part de leur vie33. Après la chute de Constantinople, l’Empire ottoman subira aussi de graves épidémies de peste jusqu’à la fin du XVIe siècle.
Monde musulman
Ibn Khaldoun, philosophe et historien musulman du XIVe siècle, de Tunis, évoque dans son autobiographie la perte de plusieurs membres de sa famille dont sa mère en 1348 et son père en 1349, de ses amis et de ses professeurs à cause de la peste. Il évoquera à plusieurs reprises ces événements tragiques, notamment dans la Muqaddima (traduite en Prolégomènes)58 :
« Une peste terrible vint fondre sur les peuples de l’Orient et de l’Occident ; elle maltraita cruellement les nations, emporta une grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les plus beaux résultats de la civilisation. Elle se montra lorsque les empires étaient dans une époque de décadence et approchaient du terme de leur existence ; elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur, affaiblit leur puissance, au point qu’ils étaient menacés d’une destruction complète. La culture des terres s’arrêta, faute d’hommes ; les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les chemins s’effacèrent, les monuments disparurent ; les maisons, les villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent leurs forces, et tout le pays cultivé changea d’aspect59. »
Le bilan humain en Méditerranée orientale est difficile à évaluer, faute de données fiables (manque de données démographiques, difficulté à interpréter les chroniques)33. On cite quelques données significatives : la plus grande ville de l’islam à cette époque était Le Caire avec près de 500 000 habitants, sa population chute en quelques années à moins de 300 000. La ville avait 66 raffineries de sucre en 1324, elle en a 19 en 1400. Le repeuplement des grandes villes se fait aux dépens des campagnes, dans un contexte de disettes et de crises économiques et monétaires. En Égypte, le dirham d’argent est remplacé par du cuivre. Alexandrie qui comptait encore 13 000 tisserands en 1394, n’en compte plus que 800 en 143460.
Réactions collectives
Face à la peste, et à l’angoisse de la peste, les populations réagissent par la fuite, l’agressivité ou la projection. La fuite est générale pour ceux qui en ont la possibilité. Elle se manifeste aussi dans le domaine moral, par une fuite vers la religion, les médecins, charlatans et illuminés, ou des comportements par mimétisme (manie dansante, hystérie collective…)61.
L’agressivité se porte contre les Juifs et autres prétendus semeurs de peste (lépreux, sorcières, mendiants…), ou contre soi-même (de l’auto-flagellation jusqu’au suicide). La projection est l’œuvre des artistes : les figurations de la peste et leurs motivations seraient comme une sorte d’exorcisme, modifiant les sensibilités61, en particulier les danses macabres62.
Les réactions les plus particulières à l’époque de la peste noire sont les violences contre les Juifs et les processions de flagellants61. Le Juif Agimet de Genève par exemple aurait été envoyé à Venise, en Calabre, en Apulie et encore à Toulouse par le rabbin Peyret de Chambray’ avec des doses de poisons à placer dans des puits63.
En juillet, le roi de France Philippe VI fait traduire en justice des Juifs accusés d’avoir empoisonné les puits. Six Juifs sont pris à Orléans et exécutés. Le 6 juillet, le pape Clément VI d’Avignon proclame une bulle en faveur des Juifs, montrant que la peste ne fait pas de différences entre les Juifs et les chrétiens, il parvient à prévenir les violences au moins dans sa ville. Ce n’est pas le cas dans le comté de Savoie qui, au mois d’août, devient le théâtre de massacres. Le comte Amédée VI tente de protéger puis laisse massacrer les Juifs du ghetto de Chambéry. En septembre 1348, des Juifs de la région du château de Chillon sur le lac Léman, sont torturés jusqu’à ce qu’ils avouent, faussement, avoir empoisonné les puits66. Leurs confessions provoquent la fureur de la population qui se livre à des massacres et à des expulsions. En octobre, les massacres continuent dans le Bugey, à Miribel et en Franche-Comté67.
Les Ashkénazes d’Allemagne sont victimes de pogroms. Trois cents communautés sont détruites ou expulsées. Six mille Juifs sont tués à Mayence. Nombre d’entre eux fuient vers l’est, en Pologne et en Lituanie.
Plusieurs centaines de Juifs sont brûlés vifs lors du pogrom de Strasbourg le 14 février134968, d’autres sont jetés dans la Vienne à Chinon. En Autriche, le peuple, pris de panique, s’en prend aux communautés juives, les soupçonnant d’être à l’origine de la propagation de l’épidémie, et Albert II d’Autriche doit intervenir pour protéger ses sujets juifs69.
Interprétations
Si les accusations contre les Juifs ont été largement répandues dans toute l’Europe occidentale, les violences se concentrent dans des régions bien limitées (essentiellement l’axe économique Rhône-Rhin). En Angleterre, les Juifs sont accusés, mais non persécutés, à cause de leur évidente pauvreté (les banquiers et riches commerçants juifs ont été expulsés par Édouard Ier en 1290). En Scandinavie, on accuse aussi les Juifs d’empoisonner les puits, mais il n’y a pas de Juifs en Scandinavie. Les chroniqueurs arabes, de leur côté, ne mentionnent pas de persécutions contre les Juifs à l’occasion d’épidémies de peste70.
Un autre facteur est l’importance des communautés médicales juives en Provence. Du tiers à la moitié des médecins provençaux connus du XIIe siècle au XVe siècle étaient juifs. La petite ville de Trets comptait six médecins juifs et un chrétien au XIVe siècle71. L’arrivée de la peste noire en Provence met à nu l’impuissance de la médecine, et par là, celle des Juifs, dont le savoir des remèdes se serait retourné contre eux. On croit qu’ils reçoivent, par la mer, des sachets de venin réduits en poudre qu’ils sont chargés de répandre72.
Selon J.N. Biraben, la richesse des Juifs aurait pu jouer un rôle, à cause de leur situation de prêteurs, faisant appel aux autorités pour faire régler leurs débiteurs. La peste aurait mis le feu aux poudres, les héritiers des morts de peste se retrouvant débiteurs ; cela est bien documenté pour la région de Strasbourg, mais reste hypothétique ailleurs73. Selon l’historien Samuel Kline Cohn, les persécutions sont le fait de personnes de haut rang qui les planifient avant de les mettre en œuvre, non pas tant pour des raisons économiques, que pour des raisons sacrificielles. Dans les villes allemandes, les massacres précèdent l’épidémie, ce qui indiquerait qu’ils étaient censés apaiser la colère divine74.
Trésors de peste
Bague juive de mariage, début du XIVe siècle, or ciselé et émaillé, du trésor de Colmar.
Lorsque les violences s’approchent des régions rhénanes, durant l’hiver 1348-1349, les familles juives d’Allemagne cachent monnaies et objets précieux dans ou autour de leur maison. De nombreux trésors furent enterrés ou emmurés, puis abandonnés à la mort ou la fuite de leurs propriétaires. Plusieurs de ces trésors ont été retrouvés, témoignant de la vie et de la culture juive médiévale en Europe75.
Parmi les trésors étudiés les plus importants, le premier a été trouvé à Weissenfels en 1826, d’autres à Colmar (1863), Bâle (1937), Cologne (1953)… Le plus récent a été découvert à Erfurt en 1998.
Le trésor de Colmar appartient au musée de Cluny de Paris75 qui l’a exposé avec le trésor d’Erfurt du 25 avril au 3 septembre 2007. Ces trésors sont identifiés par leur lieu de découverte, leur datation et la présence caractéristique de bagues de mariage juives76.
Des groupes de flagellants se formèrent, tentant d’expier les péchés, avant la parousie, dont ils pensaient que la peste était un signe annonciateur. Cependant ces groupes restaient extrêmement marginaux, la plupart des chrétiens firent face au fléau par une piété redoublée, mais ordinaire et encadrée par un clergé qui réprouvait les excès77.
Danses maniaques
La disparition d’une partie du clergé entraîne une résurgence de comportements superstitieux ou inhabituels, liés à une contagion par imitation lors de stress collectifs. C’est notamment le cas de la manie dansante ou épidémie de danse de saint Guy (ou saint Vit ou Vitus)78.
Déjà signalée dans les populations germaniques au XIIIe siècle, une manie dansante survient en Lusace, près de la Bohême, en 1349 à l’approche de la peste noire. Des femmes et jeunes filles se mettent à danser devant un tableau de la Vierge78. Elles dansent nuit et jour, jusqu’à l’effondrement, puis se relèvent et recommencent après un sommeil réparateur79.
En juillet 1374, dans plusieurs villes du Rhin moyen, des centaines de jeunes couples se mettent à danser et chanter, circulant dans toute la région. Les spectateurs les imitent et se joignent à eux. Le mauvais temps les arrête en novembre, mais chaque été, ils recommencent jusqu’en 1381. Le clergé parvient à les contrôler en les conduisant en pèlerinage78.
Le phénomène se retrouve en 1414 à Strasbourg pour se répandre en Allemagne, il se répète en 1463 à Metz78. Le plus documenté est l’épidémie dansante de 1518 à Strasbourg, liée à des tensions sociales et économiques, et aux menaces répétées et imprévisibles d’épidémies de peste79.
Le rapport entre ces danses maniaques et le thème artistique de la danse macabre reste peu clair79.
Moyens thérapeutiques
La médecine du XIVe siècle était impuissante face à la peste qui se répandait. Les médecins utilisaient plusieurs moyens simultanément, car nul traitement unique n’avait de succès ou même n’était meilleur qu’un autre. La médecine galénique, basée sur la théorie humorale, privilégiait les remèdes internes, mais dès le début de la peste noire, elle tend à être supplantée par une théorie miasmatique basée sur un « venin » ou « poison ». Le poison de la peste pénètre le corps à partir de l’air infect ou par contact (personne ou objet).
Toutes ces théories pouvaient se combiner : la peste est une pourriture des humeurs due à un poison transmissible par air ou par contact. Ce poison est un principe de corruption provenant des profondeurs de la terre (substances en putréfaction), qui s’élève dans l’air, à la suite d’un phénomène « météo-géologique » (tremblement de terre, orage…) ou astronomique (conjonction de planètes, passage de comète…), et qui retombe sur les humains80.
La distinction entre moyens médicaux, religieux, folkloriques ou magiques est faite par commodité, mais l’ensemble de ces moyens était largement accepté par les médecins savants de l’époque81.
Remèdes externes
Ils ont pour but soit d’empêcher la pénétration du poison, soit de faciliter sa sortie. Contre l’air empoisonné, on se défend par des fumigations de bois ou de plantes aromatiques.
Les médecins arabes avaient remarqué que les survivants de peste étaient plutôt ceux dont les bubons avaient suppuré (vidés de leur pus). Selon leur avis, les chirurgiens de peste incisaient ou cautérisaient les bubons. Ils le faisaient dans des conditions non stériles, occasionnant souvent des surinfections.
De nombreux onguents de diverses compositions (herbes, minéraux, racines, térébenthine, miel…) pouvaient enduire les bubons et le reste du corps (à visée préventive ou curative). On utilisait parfois des cataplasmes à base de produits répugnants (crapauds, asticots, bile et fiente d’origines diverses…) selon l’idée que les poisons attirent les poisons82. Ainsi les parfums empêchent la pénétration du poison, et les mauvaises odeurs facilitent sa sortie.
Les saignées avaient pour but d’évacuer le sang corrompu, ce qui le plus souvent affaiblissait les malades.
Les bains chauds, les activités physiques qui provoquent la sudation comme les rapports sexuels sont déconseillés, car ils ouvrent les pores de la peau rendant le corps plus vulnérable aux venins aériens.
Remèdes internes
La médecine de Galien insiste sur les régimes alimentaire et de vie. Selon la théorie des humeurs, la putréfaction est de nature « chaude et humide », elle doit être combattue par des aliments de nature « froide et sèche », faciles à digérer. La liste et les indications de tels aliments varient selon les auteurs de l’époque83.
Une attitude morale tempérée est protectrice car les principales passions qui ouvrent le corps à la pestilence sont la peur, la colère, le désespoir et la folie.
Les contre-poisons utilisés sont des herbes telles que la valériane, la verveine, ou des produits composés complexes connus depuis l’Antiquité comme la thériaque. Les antidotes minéraux sont des pierres ou métaux précieux, décapés ou réduits en poudre, pour être avalés en jus, sirop, ou liqueur : or, émeraude, perle, saphir82.
Les remèdes visent à expulser le poison, ce sont les émétiques, les purgatifs, les laxatifs, ce qui épuisait les malades plus qu’autre chose.
L’Église organise des processions religieuses solennelles pour éloigner les démons84, ou des actes de dévotion spectaculaire pour apaiser la colère divine, par exemple la confection de cierges géants, la procession à pieds nus, les messes multiples simultanées ou répétées85.
Le culte à la Vierge cherche à répéter le miracle survenu à Rome en 590. Cette année-là, lors de la peste de Justinien, une image de la vierge censée peinte par saint Luc, promenée dans Rome, dissipa aussitôt la peste. À ce culte s’ajoute celui des saints protecteurs de la peste : saint Sébastien et saint Roch86.
Des amulettes et talismans sont portés comme le symbole visible d’un pouvoir invisible, par les Juifs, les chrétiens et les musulmans. Les musulmans portent des anneaux où sont inscrits des versets du Coran, quoique l’opinion des lettrés diverge sur ce point, de nombreux textes musulmans sur la peste recommandent des amulettes, incantations et prières contre la peste provenant non pas d’Allah, mais des démons ou djinns81.
En Occident, en dépit de la désapprobation de l’Église, les chrétiens utilisent charmes, médaillons, textes de prière suspendus autour du cou. L’anneau ou la bague ornée d’un diamant ou d’une pierre précieuse, portée à la main gauche, vise à neutraliser la peste et tous les venins. C’est l’origine magique, à partir de la pharmacopée arabe, du solitaire ou bague de fiançailles des pays occidentaux87.
Les processions de flagellants, notamment à partir de 1349, sont mises en avant comme un effort pour détourner le châtiment divin, tel qu’est perçu le fléau88
Mesures sociales
Gestion des décès
Par leur nombre, les morts ont posé un problème aigu au cours de la peste noire. D’abord pour les évaluer, l’habitude sera prise de recensements réguliers, avant et après chaque épidémie. Le clergé sera chargé d’établir les enregistrements des décès et l’état civil. De nouveaux règlements interdisent de vendre les meubles et vêtements des morts de peste. Leurs biens, voire leur maison, sont souvent brûlés. Dès 1348, des villes établissent de nouveaux cimetières extra muros, Il est désormais interdit d’enterrer autour des églises, à l’intérieur même des villes, comme on le faisait auparavant89.
Les règlements de l’époque indiquent que l’on devait enterrer les cadavres de pestiférés au plus tard six heures après la mort. La tâche est extrêmement dangereuse pour les porteurs de morts, qui viennent bientôt à manquer. On paye de plus en plus cher les ensevelisseurs qui seront, dans les siècles suivants, affublés de noms et d’accoutrements divers selon les régions (vêtus de cuir rouge avec grelots aux jambes, ou de casaques noires à croix blanche)90.
En dernière ressource on utilise la main-d’œuvre forcée : prisonniers de droit commun, galériens, condamnés à mort… à qui on promet grâce ou remises de peine. Ces derniers passent dans les maisons ou ramassent les cadavres dans les rues pour les mettre sur une charrette. Ils sont souvent ivres, voleurs et pilleurs. Des familles préfèrent enterrer leurs morts dans leur cave ou jardin, plutôt que d’avoir affaire à eux90.
Lorsque les rites funéraires d’enterrement y compris en fosse commune ne sont plus possibles de par l’afflux de victimes, les corps peuvent être immergés comme en la Papauté d’Avignon dans le Rhône en 1348, dont les eaux ont été bénies pour cela par le Pape. De même, à Venise des corps sont jetés dans le Grand Canal, et un service de barges est chargé de les repêcher91. Les sources mentionnent rarement l’incinération de cadavres, comme à Catane en 1347 où les corps des réfugiés venus de Messine sont brûlés dans la campagne pour épargner à la ville la puanteur des bûchers89.
Pour les trois religions monothéistes, le respect du mort est essentiel, la promesse de vie éternelle et de résurrection dissuade en fait toute crémation ou autre forme de destruction de l’intégrité corporelle. Le rite funéraire est simplifié et abrégé, mais maintenu autant que possible, mais lorsque les membres du clergé eux-mêmes disparaissent, mourir de peste sans aucun rituel devient encore plus terrifiant pour les chrétiens. En pays d’islam, la difficulté de maintenir les rites est plus supportable pour les musulmans car mourir de peste fait partie des cinq martyrs (chahid). Comme la mort lors du djihad, elle donne accès immédiat au Paradis92.
En Occident, durant la peste noire, la lutte contre les pillages et les violences de foule est d’abord assurée par les sergents de ville ordinaires. Plus tard, les conseils municipaux engageront des troupes spéciales chargées de garder, en temps de peste, les villes désertées par leurs habitants93.
Règlements sanitaires
Au début du XIVe siècle, les règlements d’hygiène publique sont pratiquement inexistants, à l’exception de quelques grandes villes d’Italie comme Florence (surveillance du ravitaillement, dont la qualité des viandes, et de la santé des habitants). La peste noire prend la population au dépourvu et elle sera le point de départ des administrations de santé en Europe. Dès 1348 (première année de la peste noire), plusieurs villes italiennes se dotent d’un règlement de peste : Pistoie, Venise, Milan, Parme, etc., tout comme Gloucester en Angleterre. Ces villes interdisent l’entrée des voyageurs et des étrangers venant de lieux infectés94.
Les premières villes à édicter un isolement radical de la ville elle-même sont Reggio en 1374, Raguse (Dubrovnik depuis 1918) en 1377, Milan (1402) et Venise (1403). Ces premières mesures sont des tentatives et des tâtonnements, le plus souvent par emprunts d’une ville à l’autre. Elles sont très diverses, depuis l’interdiction de donner le sang des saignées des pestiférés aux pourceaux (Angers, 1410) jusqu’à l’interdiction de vendre des objets appartenant à des pestiférés (Bruxelles, 1439)94.
Les premiers isolements préventifs (quarantaine) apparaissent à Raguse en 1377, tous les voyageurs qui arrivent d’un lieu infecté devant passer un mois sur une île avant d’entrer dans la ville. Venise adopte le même système la même année en portant le délai à 40 jours, comme Marseille en 1383. Ce système est adopté par la plupart des ports européens durant le XVe siècle95.
La quarantaine sur terre est adoptée d’abord en Provence (Brignoles, 1464), et se généralise pour les personnes et les marchandises durant le XVIe siècle95. C’est aussi en Provence (Brignoles 1494, Carpentras 1501) qu’apparaît le « billet de santé » ou passeport sanitaire délivré aux voyageurs sortant d’une ville saine, et exigé par les autres villes pour y entrer. L’usage du billet de santé se répand lentement et ne se généralise que vers le début du XVIIe siècle (Paris, 1619)96.
Peu à peu se mettent en place des « règlements de peste », de plus en plus élaborés au fil du temps : c’est le cas des villes en France à partir du XVe siècle. L’application de ces mesures dépend d’un « bureau de santé » composé de plusieurs personnes ou d’une seule dite « capitaine de santé », le plus souvent dotés d’un pouvoir dictatorial en temps de peste. Cette institution apparaît d’abord en Italie et en Espagne, puis elle gagne le sud-est de la France à la fin du XVe siècle. Elle s’étend lentement au nord de la France (Paris, 1531)97.
Durant le XVIe siècle, ces règlements sont codifiés par les parlements provinciaux, ajustés et précisés à chaque épidémie au cours du XVIIe siècle. Ils relèvent du niveau gouvernemental au début du XVIIIe siècle97.
Personnels de santé
À la fin du XIIIe siècle, quelques villes italiennes engagent des médecins pour soigner les pauvres (en dehors des œuvres de charité de l’Église). À l’arrivée de la peste, de nouveaux médecins sont engagés à prix d’or (par manque de candidats). En 1348, c’est le cas d’Orvieto et d’Avignon. Des médecins de peste sont ainsi engagés durant les XVe et XVIe siècles, de même que des chirurgiens, apothicaires, infirmiers, sages-femmes… pour assurer les soins en temps de peste, souvent pour remplacer ceux qui ont fui, abandonnant leur poste, car les risques sont considérables98.
La mort d’artistes, d’ouvriers qualifiés, de mécènes, etc., entraîne des effets directs, notamment l’arrêt ou le ralentissement de la construction des cathédrales, comme celle de la cathédrale de Sienne, dont le projet initial ne sera jamais réalisé. Des historiens anglais attribuent l’apparition du style gothique perpendiculaire aux restrictions économiques liées à la peste noire99. En France, la plupart des grands chantiers ne reprendront qu’après 1450100.
Sur les lieux où la peste s’arrête ou se termine, des chapelles ou autres petits édifices dédiés (chapelles votives, oratoires…) sont construits invoquant ou remerciant la Vierge, des saints locaux, Saint Sébastien ou Saint Roch101…
Paradoxalement en Italie (particulièrement à Sienne et à Florence) une recrudescence de commandes d’art permet de perpétuer le souvenir des familles décimées par la peste et surtout des survivants ayant hérité des biens familiaux : « Le spécialiste de la peste noire en Europe, le professeur Samuel Kline Cohn, a analysé 3 226 testaments du XIIe siècle à 1425. Il en ressort que de 1364 à 1375, les testaments contiennent essentiellement des commandes d’œuvres d’art, chapelles ou peintures pour glorifier le (futur) défunt et sa lignée. »102.
Sensibilités religieuses
La crainte, de la part des familles riches, des enterrements de masse et des fosses communes, entraîne par réaction un développement de l’art funéraire : caveaux et chapelles familiales, tombes monumentales… Le gisant, statue mortuaire représentant le défunt dans son intégrité physique et en béatitude, tend à être remplacé par un transi, représentant son cadavre nu en décomposition99.
La peste marque également la peinture. Selon Meiss103, les thèmes optimistes de la Vierge à l’enfant, de la Sainte Famille et du mariage laissent la place à des thèmes d’inquiétudes et de douleurs104, comme la Vierge de pitié qui tient, dans ses bras, son fils mort descendu de la croix99, ou encore celui de la Vierge de miséricorde ou « au manteau » qui abrite et protège l’humanité souffrante105.
La représentation du Christ en croix passe du Christ triomphant sur la croix à celle du Christ souffrant sur la croix où un réalisme terrible détaille toutes les souffrances : les sueurs de sang, les clous, les plaies, et la couronne d’épines99.
La représentation du supplice de saint Sébastien évolue : de l’homme mûr habillé, à celle d’un jeune homme dénudé, juste vêtu d’un pagne à l’image du Christ99.
Selon Michel Vovelle, le thème de la vie brève s’accompagne d’une « âpreté à vivre », avec la recherche de joies et de plaisirs, comme dans l’œuvre de Boccace, le Décaméron107.
Dès le XIIIe siècle, des thèmes macabres apparaissent comme le Dit des trois morts et des trois vifs sur des fresques ou des miniatures, où de jeunes gens rencontrent des morts-vivants qui leur parlent : « nous avons été ce que vous êtes, vous serez ce que nous sommes ». Apparu en Italie et en France, ce thème se répand et se développe jusqu’au XVIe siècle. Un autre thème plus célèbre est celui de la danse macabre où les vivants dansent avec les morts, ce thème se retrouve surtout sur les fresques d’églises de l’Europe du Nord108.
Selon Vovelle : « C’est à peine exagérer que de dire que, jusqu’à 1350, on n’a point su comment représenter la mort, parce que la mort n’existait pas109. » De rares représentations avant cette date, la montrent comme un monstre velu et griffu, à ailes de chauve-souris. Cette mort figurée perd ses références chrétiennes en rapport avec le péché et le salut.
Elle devient une image autonome et « laïque » : c’est un transi avec une chevelure féminine, qui se décharne de plus en plus jusqu’au squelette proprement dit. C’est la mort implacable, d’origine pré-chrétienne, celle que rappelle le Memento mori.
Cette mort monte à cheval, armée d’une faux ou d’un arc, elle frappe en masse. C’est le thème du triomphe de la mort, dont les représentations les plus célèbres sont celles du palais Sclafani à Palerme, et Le Triomphe de la Mort de Brueghel109.
Au XVe siècle, et jusqu’à 1650, toute une littérature se développe sur « l’art de bien mourir », c’est l’Ars moriendi. Il s’agit de rituels destinés à se substituer à l’absence de prêtres (en situation d’épidémie de peste). Différentes versions apparaissent après la Réforme : anglicane, luthérienne et calviniste99.
Des thèmes picturaux se rattachent directement à la peste noire, comme celui du nourrisson s’agrippant au sein du cadavre de sa mère. Selon Mollaret, ces œuvres « sont d’hallucinants documents, en particulier lorsqu’elles furent peintes par des artistes ayant personnellement vécu la peste »105.
Avec Hans Baldung (1484-1545) apparaît le thème de la femme nue au miroir où la mort montre un sablier. Ce serait un premier exemple de peintures de vanité, où la mort-squelette laissera la place à des objets symboliques : sablier, horloge, lampe éteinte, bougie presque consumée, crâne, instrument de musique aux cordes brisées105…
Poésie en Islam
De nombreux passages poétiques sont incorporés dans des chroniques historiques ou médicales, comme celles de Ibn al-Wardi(en) (mort en 1349) d’Alep, ou d’Ibrahim al-Mimar du Caire. Les descriptions poétiques de la peste noire expriment l’horreur, la tristesse, la résignation religieuse mais aussi l’espoir des musulmans en situation épidémique110.
Dans la culture contemporaine
Littérature et cinéma
Plusieurs uchronies ont été écrites sur le thème de la peste noire. Ainsi, dans La Porte des mondes de Robert Silverberg, l’auteur imagine que la peste noire est bien plus meurtrière, éliminant les trois quarts de la population européenne et changeant complètement l’histoire du monde. Cette idée est également reprise par Kim Stanley Robinson dans Chroniques des années noires, mais dans cette uchronie c’est la totalité des habitants de l’Europe qui périt, entraînant, de la même façon que dans le roman précédent, une histoire complètement différente de celle que l’on connaît.
Connie Willis donne aussi ce cadre à son roman, Le Grand Livre, où une historienne du XXIe siècle qui voyage dans le temps tombe par erreur en pleine peste noire, la confrontant ainsi aux horreurs de cette pandémie.
Ken Follett représente bien les conséquences de la peste noire dans son roman Un monde sans fin où les habitants de la ville fictive de Kingsbridge doivent affronter l’épidémie. L’auteur s’attarde particulièrement sur les différentes stratégies pour guérir les malades et les mesures entreprises par la ville pour diminuer la propagation de la peste.
Le Septième Sceau (Det sjunde inseglet) est un filmsuédois d’Ingmar Bergman, sorti en 1957, qui évoque la mort jouant aux échecs pendant une épidémie de peste avec un chevalier revenant des croisades.
Dans Medieval II: Total War, la peste noire frappe l’Europe à partir du tour 135, décimant aussi bien les unités militaires que les habitants, ce qui provoque une baisse notable de l’ordre public, augmentant ainsi les risques de révoltes. Elle reste environ une dizaine de tours, et elle frappe les régions les plus éloignées de l’Italie sur la carte en dernier (telle que l’Égypte).
Le jeu A Plague Tale: Innocence, publié en 2019, se déroule en pleine guerre de Cent Ans ; la peste noire et les invasions de rats sont utilisés comme des éléments de gameplay, notamment pour la résolution d’énigmes.
Crusader Kings 2 : The Reaper’s Due : le DLC du jeu de gestion ajoute des problématiques liées aux épidémies et aux différentes façons de les gérer. La Peste Noire y apparaît via un événement et peut évoluer plus ou moins fidèlement à la réalité.
Christine Renardy, « Un témoin de la Grande Peste : Maître Simon de Couvin, chanoine de Saint-Jean l’Évangéliste à Liège », Revue belge de philologie et d’histoire, vol. 52, no 2, 1974, p. 273–292 (ISSN0035-0818, DOI10.3406/rbph.1974.3096, lire en ligne [archive], consulté le 1er septembre 2018).
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Le Joueur de flûte (1972), film de Jacques Demy sur une légende germanique se déroulant durant la période de la peste noire.
Le Dernier des Templiers (2010), film de Dominic Sena : durant les croisades du XIVe siècle, une jeune sorcière est soupçonnée d’être à l’origine d’une épidémie de la peste noire. Deux chevaliers templiers déserteurs, Behmen (Nicolas Cage) et Felson (Ron Perlman), sont chargés par l’Église catholique romaine de la convoyer vers un monastère de moines exorcistes détenteurs d’un manuscrit du roi Salomon.
Black Death (2010), film de Christopher Smith : en pleine épidémie, le jeune moine Osmund (Eddie Redmayne) est chargé de mener le chevalier Ulrich (Sean Bean) et son groupe de mercenaires vers un village que la rumeur dit être épargné par la peste et abritant un nécromancien capable de ramener les morts à la vie.
Et les fouteurs de merde du NPA qui vont au Mali et au Burkina Faso depuis des lustres ? Personne ne les voit jamais ? Incroyable…
A noter : leurs milices et assassins jouissant en France d’une impunité totale, on est bien obligé d’en déduire qu’ils y assurent les basses oeuvres des différents régimes qui se succèdent à la tête de l’Etat français depuis un bon paquet d’années. Donc… ailleurs aussi.
L’opposition à la guerre française au Mali démasque le charlatanisme petit bourgeois du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot. Le 18, une junte de colonels maliens a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta avant de proclamer sa loyauté à l’occupation française du Mali. Face à l’installation d’une junte pro-impérialiste, le site Web Révolution permanente du NPA, lié au Parti des travailleurs socialistes (PTS) argentin peine à contenir son enthousiasme.
Sur ce site, Philippe Alcoy écrit que «Le coup d’État a été accueilli avec des scènes de liesse dans les rues de Bamako. En tout cas pour le moment. En effet, ce groupe de militaires dit vouloir ‘une transition politique civile conduisant à des élections générales crédibles’ dans un ‘délai raisonnable’. Les putschistes déclarent avoir pris la décision d’agir car ‘le Mali sombre de jour en jour dans le chaos, l’anarchie et l’insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée’.»
Si Alcoy s’inquiète brièvement des «mesures répressives comme l’instauration d’un couvre-feu et la fermeture des frontières», il n’hésite pas à présenter le coup d’État comme le début de la révolution africaine. Il déclare que le coup est «mené sans doute par des fractions des classes dominantes et de l’armée agissant sans le consentement du gouvernement français.» Il se paie le luxe d’évoquer le réaction du social-démocrate Marceau Pivert face à la grève générale de 1936 en France, publié dans Le Populaire: «Tout est possible!»
Il affirme: «Mais une chose est certaine, la France et ses alliés craignent que le coup d’État au Mali n’ouvre la voie à des situations similaires dans d’autres pays de la région qui sont traversés par les mêmes problèmes politiques, sociaux et économiques. … Pour l’analyste ivoirien Franck Hermann Ekra, dont les propos ont été relayés par Libération, c’est ‘comme si un « modèle malien » venait de voir le jour. Et que, notamment dans les pays voisins, chacun s’autorise enfin à penser que « tout est donc possible », en rapprochant ce qui s’est passé au Mali de situations analogues, de rejet du pouvoir en place, vécues à domicile’.»
Or l’impérialisme français ne craint pas le putsch malien, qui n’a rien à voir avec une révolution. Une vague historique de grèves et mobilisations de masse monte, sans aucun doute, à travers l’Afrique. Les grèves d’enseignants et de cheminots au Mali; le hirak algérien de 2019 contre le régime militaire; les manifestations ivoiriennes contre le président Alassane Ouattara installé par une intervention militaire française en 2011; et les manifestations contre Keïta témoignent tous d’une explosion de colère des travailleurs et des masses opprimées contre l’impérialisme.
Au Mali, les manifestations se succèdent depuis des mois pour s’opposer à l’occupation française lancée en 2013, et aux massacres ethniques entre milices rivales que Paris tolère afin de diviser pour mieux régner sur le pays.
Mais Paris soutient ce putsch contre la mobilisation antiguerre des jeunes et des travailleurs maliens. Comme lors du coup de 2012 qui a ouvert le chemin à l’invasion française de 2013, le putsch est parti du camp militaire de Kita, et le général Ibrahmi Dahirou Dembélé, décoré pour ses services à la défense nationale française, a été l’un des commanditaires. Lorsque les putschistes sont arrivés au pouvoir, ils ont d’ailleurs fait une déclaration sans ambiguïté.
Ils ont appelé l’armée malienne à continuer sa collaboration avec les forces françaises (Opération Barkhane), leurs alliés européens (Takuba), leurs supplétifs de l’ONU (Minusma) et des pays du Sahel (G5 Sahel): «La Minusma, la force Barkhane, le G5 Sahel, la force Takuba demeurent nos partenaires pour la stabilité et la restauration de la sécurité. S’adressant à vous, frères d’armes, nous vous exhortons à assurer la continuité de vos missions régaliennes et opérationnelles.»
Macron a quant à lui hypocritement critiqué le putsch avant d’indiquer que l’armée française travaillerait sans problème avec la nouvelle junte: «Mais nous n’avons pas à nous substituer à la souveraineté malienne. … Rien ne doit nous divertir de la lutte contre les djihadistes.»
Aucune analyse du putsch du 18 août ne serait complète sans mentionner le rôle d’Oumar Moriko. chef du parti SADI (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance), avec lequel le NPA a longtemps collaboré en le traitant de «parti historiquement d’inspiration marxiste-léniniste».
Vers midi le 18, Mouriko a lancé un appel aux jeunes de Bamako à soutenir les putschistes, alors que ceux-ci étaient en difficultés face aux troupes loyales à Keïta. Ces appels ont été relayés par tout le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) de l’imam Mahmoud Dicko, dont fait partie la SADI. A présent, et avec leur soutien, la junte malienne discute sans doute de comment étrangler l’opposition des masses à l’Opération Barkhane.
Face à un mouvement grandissant dans la classe ouvrière et les masses opprimées africaines, Révolution permanente fait tout pour les pousser derrière la contre-révolution. C’est un avertissement aux travailleurs et aux jeunes en Afrique, en France et dans le reste du monde. Pour lutter contre l’oppression impérialiste des anciens pays coloniaux et l’austérité policière en Europe, il faut mener une lutte marxiste et internationaliste, c’est-à-dire trotskyste, contre les illusions et les mensonges semés par les partis populistes de la petite-bourgeoisie argentée comme le NPA.
L’ex-soixantehuitard Alain Krivine qui a fondé le NPA en 2009, afin de rompre les attaches symboliques que sa Ligue communiste révolutionnaire «trotsko-guévariste» avait maintenu avec la figure de Trotsky, le dirigeant de la révolution d’octobre et fondateur de la IVe Internationale. Intégré dans les réseaux du Parti socialiste (PS) bourgeois, qui a longtemps lancé des coups et des guerres en Afrique, le NPA est à présent un soutien inconditionnel de l’impérialisme contre le mouvement international des travailleurs.
Lors des guerres de l’OTAN en Libye et en Syrie lancées en 2011, Besancenot s’est distingué par l’ardeur de ses appels au renseignement français à armer les «rebelles» contre les régimes en place. Ainsi le NPA s’est rendu complice de guerres qui ont fait des centaines de milliers de morts et des dizaines de millions de réfugiés depuis 2011. Et Révolution permanente, qui a voulu se donner un vernis «de gauche» en critiquant parfois «la guerre impérialiste dans une Libye dévastée», tout en faisant oublier le rôle du NPA, récidive en applaudissant les opérations françaises au Mali.
Lors de l’invasion française du Mali, le WSWS avait expliqué les intérêts matériels de classe qui sous-tendaient le soutien de SADI comme du NPA pour cette guerre, que le NPA avait commencé par mollement critiquer. Il n’y a pas grand-chose à changer à cette analyse:
«Les guerres de la France sont bien des actes de pillage impérialistes, dont les travailleurs français paient également le prix par des augmentations d’impôts et de nouvelles coupes sociales. Ces guerres visent à renforcer la position stratégique de Paris, les profits de ses entreprises pétrolières et de ses banques. Mais c’est également la source des flux d’argent que la bourgeoisie dirige, par son financement de la bureaucratie syndicale, des programmes des médias et de bourses de recherche des universitaires ‘de gauche’, vers les forces de la pseudo-gauche telles que le NPA.»
C’est aussi le fondement matériel de la promotion par Révolution permanente des putschistes maliens qui ont mis main basse sur le pouvoir à Bamako. Vu que le putsch et l’action de SADI préparent une répression par l’armée de l’opposition des travailleurs et des jeunes, Alcoy ajoute en conclusion quelques phrases creuses visant à prendre ses distances de la junte qu’il vient de saluer tout au long de son article. Il écrit:
«C’est en ce sens que pour les travailleurs et les classes populaires du Mali, ce serait une erreur fatale de placer leurs espoirs d’émancipation et d’une vie digne dans cette junte militaire. Ce ne serait pas moins catastrophique de faire confiance à la coalition M5-RFP, peuplée de figures réactionnaires, ou aux organisations islamistes. Et il va sans dire que le pire de leurs ennemis reste l’impérialisme, notamment dans sa forme la plus ouvertement militariste. Toutes ces forces sont des ennemies des exploités et opprimés du Mali et de tout le continent africain.»
Il ne manque qu’une chose à cette conclusion: d’ajouter qu’au sein de la coalition M5-RFP, l’élément le plus cynique est le parti SADI et son soutien français, le NPA, au sein duquel les charlatans les plus éhontés sont les partisans de Révolution permanente. Pour se doter d’organisations révolutionnaires, les travailleurs du Mali et d’Afrique comme de France et d’Europe devront fonder leurs partis trotskystes, des sections du Comité international de la IVe Internationale, en lutte contre la pseudo-gauche petite-bourgeoise.
Un jour viendra où le monde entier saura qui sont vraiment le pédophile trafiquant de drogue cybercriminel et terroriste « islamiste » Pascal Edouard Cyprien Luraghi et tous ses complices, parce qu’ils n’ont pas cessé de mentir depuis le début de leurs attaques à mon encontre.
Ce n’est qu’une question de temps.
En attendant, louons Notre Dame que ceux d’en face détestent tant… avec Guillaume de Machaut qui n’a rien perdu de sa modernité à travers les siècles.
L’Ars nova est un courant de la musique médiévale occidentale, centré sur la France, et qui englobe une période comprise entre l’écriture du Roman de Fauvel (1310-1314) et la mort de Guillaume de Machaut (1377).
L’époque de l’ars nova couvre à peu près les années 1320 à 1380 ; elle a pour centre Paris. Le nom donné à cette époque vient directement d’un traité théorique sur la musique attribué à Philippe de Vitry intitulé « ars nova » ou « art nouveau » écrit vers 1320 (mais ceci est très contesté). On donne aussi parfois comme point de départ de l’ars nova le Roman de Fauvel, écrit entre 1310 et 1318. Le traité ars nova concerne un nouveau système de notation, à la fois mélodique et rythmique, en appuyant le propos sur une nouvelle conception de ceux-ci. Plusieurs s’arrachent l’invention de ce système dont le même Philippe de Vitry, Jean de Murs, mathématicien à la Sorbonne qui avait déjà présenté le système mensuraliste de l’Ars nova dans Notitia Artis Musicae en 1321 et Jacques de Liège qui rassembla l’ensemble de la théorie musicale du Moyen Âge dans sept livres intitulés Speculum Musicae de 1321 à 1324. Ce nouveau système de notation, plus clair, mesuré et strict apporte d’infinies possibilités tant sur le point de vue technique et pratique que théorique. De plus, il a permis à la masse profane d’exercer la musique avec plus de facilité au-delà du bouche à oreille et des exercices mnémoniques qui avaient la fâcheuse tendance de déformer motets, hoquets et rondeaux au fil du temps et du perfectionnement des chanteurs et musiciens. Le courant s’éteint en même temps que Guillaume de Machaut, en 1377.
Controverse de l’Église catholique
L’usage liturgique de la musique de l’ars nova fut fermement rejeté par le pape Jean XXII dans sa décrétale Docta Sanctorum Patrum2, mais accepté par le pape Clément VI. Le chant monophonique, déjà harmonisé pour un simple orgue, s’est vu altéré, fragmenté, et dissimulé derrière des mélodies profanes. Les paroles des poèmes d’amour courtois pouvaient être chantés en dessus de textes sacrés, ou des textes sacrés pouvaient être placés à l’intérieur d’une mélodie profane. Ce n’était pas tant la polyphonie qui était une offense dans les âges médiévaux, mais la notion de musique profane qui se combine au sacré et prenant place dans la liturgie.
Caractéristiques stylistiques
Par opposition à l’ars nova, l’ars antiqua ou « art ancien » précède celui-ci et couvre la période approximative de l’an 1240 à 1320. Il n’y a pas lieu de tracer une ligne séparatrice entre l’ars antiqua et l’École de Notre-Dame, car le terme « ars antiqua » a été forgé par les théoriciens de l’ars nova pour décrire tout ce qui avait été fait avant en matière de polyphonie savante (période allant de 1170 à 1310-1320, et comprenant par conséquent l’époque de l’école de Notre-Dame). Les mêmes genres appartiennent aux deux périodes, de plus, la notation et le rythme considérablement plus développés avec l’avènement de l’ars nova, ce qui rend les deux premiers encore plus semblables par leur juxtaposition dans le temps. Les principales améliorations qui ont eu lieu lors de l’avènement de cet « art nouveau » sont majeures et concernent la polyphonie, les modes rythmiques, la notation musicale et l’isopériodicité. L’idée sous-jacente à l’utilisation de ces techniques était de créer de la musique d’une plus grande expressivité, et de varier le répertoire du siècle précédent. On peut la mettre en parallèle avec l’utilisation de la perspective en peinture, et cette étape est nécessaire si l’on veut comprendre les changements de l’art musical.
Les genres de l’ars nova
Le motet occupe une place largement dominante, mais partage l’attention avec des formes polyphoniques ou monodiques séculières voire populaires comme la ballade, le virelai, le rondeau, le lai, et en Italie (où l’ars nova a pour synonyme trecento), la ballata, la caccia, le madrigal.
C’est à travers les quatre formes profanes, poétiques et fixes (le motet est à la frontière entre sacré et profane, on ne le compte donc pas ici) de la ballade, du rondeau, puis, dans une moindre mesure dans le lai et le virelai (aussi appelé « chanson balladée ») que Guillaume de Machaut a démontré son savoir-faire et exploité pleinement la contrainte à la fois de la forme poético-lyrique que dans la nouvelle approche, plus technique, de l’art, pour faire florir le processus de composition comme pratique pleine et un art à proprement parler.
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L’École de Notre-Dame désigne un style de musique développé par des compositeurs ayant exercé à la cathédrale Notre-Dame de Paris de 1160 à 1250 faisant partie de l’Ars antiqua. Mais plus qu’une connotation géographique (des sources proviennent aussi de Beauvais ou de Sens), l’expression fait référence aux caractères des compositions : outre l’utilisation des modes rythmiques et mélodiques (les huit tons d’église) en usage, on constate surtout l’apparition, suivie d’un important développement, de formes musicales polyphoniques telles que le conductus (le conduit), l’organum fleuri et enfin le MOTET .
« À partir de la fin du XIIe siècle […], un lieu de création musicale émerge, lieu primordial servant de modèle pour tout le monde chrétien : la cathédrale Notre-Dame de Paris. Si l’on continue à y célébrer comme ailleurs les liturgies au son des mélodies du chant grégorien, les chantres et chanoines de la cathédraleparisienne développent à partir des années 1170 de nouveaux styles qu’on appelle aujourd’hui l’École de Notre-Dame, introduisant des innovations majeures. D’une part la polyphonie, de plus en plus pratiquée dans de nombreuses abbayes ou cathédrales françaises, gagne ses premières véritables lettres de noblesse à Notre-Dame. D’autre part l’utilisation de pulsations rythmiques régulières dans la musique constitue également une grande nouveauté et il semble bien que les chantres parisiens en soient les initiateurs. Très vite, les procédés des compositeurs de cette « École » seront imités, copiés, chantés dans les grandes églises de France puis dans toute l’Europe. Cette diffusion exceptionnelle pour l’époque s’explique par le génie des créateurs parisiens, au premier rang desquels figurent les fameux Léonin et Pérotin, mais aussi par la renommée et la prépondérance extraordinaire de Paris au début du XIIIe siècle, ville-lumière déjà surnommée « Mater artium » (Mère des Arts), « Secunda Athena » (Seconde Athènes), « Paris expers Paris » (Paris sans égal). La présence des institutions royales et religieuses contribue désormais au statut de capitale, mais c’est la vie intellectuelle, la création et l’immense succès immédiat de l’Université [créée à partir de 1253] qui font le renom de Paris, véritable phare culturel européen. Dès les premières décennies du XIIe siècle, Abélard et d’autres maîtres parisiens attiraient déjà des foules d’élèves venant d’horizons très divers sur la montagne Sainte-Geneviève et dans le futur Quartier latin. Ceux-ci repartaient ensuite avec un bagage théologique, mais souvent également musical, et contribuèrent ainsi à la diffusion dans toute l’Europe du répertoire de l’École de Notre-Dame1. ».
La construction de Notre-Dame de Paris a été décidée par l’évêque Maurice de Sully au lendemain de son élection fin 1160 ou début 1161. Les travaux commencent en 1163 et se poursuivent jusqu’en 1245. Le grand autel est consacré en 1182. Au XIIIe siècle, grâce aux séjours fréquents de la famille royale, à l’université réputée de la capitale et d’autres collèges en développement, Paris rayonne comme foyer culturel et artistique pour toute la chrétienté. Les recherches musicales, d’abord éparpillées dans les grands monastères de province, se concentrent vers les villes et connaît un essor sans précédent. Ainsi, Limoges, Beauvais et Sens sont des centres importants pour l’organum et la polyphonie, de même que Chartres dès le XIe siècle2.
En ce siècle de classicisme médiéval, Notre-Dame est un des principaux centres de la vie intellectuelle et artistique. Par ailleurs, la famille royale entretient un ensemble de chanteurs disponibles quotidiennement et la noblesse française continue à susciter, depuis un siècle, grâce aux troubadours et aux trouvères (souvent nobles), un grand mouvement de poésie chantée (resté longtemps monodique), qui avait créé dès l’époque précédente l’univers de l’amour courtois.
Le répertoire de l’école de Notre-Dame (de même que ses imitations dans les grands centres européens) est évidemment liturgique. L’objectif est d’abord de chanter la gloire de Dieu, par les textes sacrés, considérés comme la parole divine. Le chant accompagne donc les cérémonies et les processions. La musique pratiquée à Notre-Dame est née dans un environnement d’intellectuels et d’érudits : étudiants, théologiens ou juristes, médecins, et bien sûr musiciens.
Par l’intermédiaire de ce savoir, de ces constructions de plus en plus savantes au fil du temps (improvisées en « chant sur le livre » ou écrites), des enfants de basse extraction parviennent à une reconnaissance sociale. C’est à ces « musiciens habiles » (« artis musicæ periti »3, c’est-à-dire musiciens professionnels) qu’on doit le développement continu de cette grande nouveauté qu’est la polyphonie occidentale. Née au sein de l’Église vers le IXe siècle, elle va fleurir et se répandre dans toute l’Europe pendant quatre siècles au moins (pour atteindre son plein épanouissement à la fin du XVIe siècle). On codifie également un système de notation rythmique aussi abstrait que cohérent, la Musica mensurabilis (musique mesurable). Les modes rythmiques sont capables, comme les modes mélodiques, de structurer, plus précisément et plus finement qu’avant, les compositions vocales qui naissent d’abord à l’église. Leur nombre s’accroît sensiblement. Ainsi, les musiciens de Notre-Dame ont ajouté à l’histoire de la musique occidentale une page plus que déterminante : ils ont orienté une grande partie de son avenir.
Les compositeurs
Alleluia nativitatis, dans le troisième mode rythmique de Pérotin (manuscrit de Wolfenbüttel, Codex Guelf 1099, XIIIe siècle).
Deux chantres des XIIe et XIIIe siècle sont restés célèbres.
Léonin d’abord (Leo ou magister Leoninus selon les textes), qui aurait exercé vers le milieu du siècle. Selon Craig Wight4, il aurait été également un poète connu et un chanoine. Il compose surtout des organum à deux voix, mais rien ne confirme qu’il s’y soit cantonné absolument. On lui attribue le Magnus Liber Organi, puisqu’il aurait joué un des rôles principaux dans la création et la reconnaissance de la forme musicale appelée organum, sans toutefois appartenir en titre à la lignée des maîtres de musique de la nouvelle cathédrale.
Puis Pérotin (Perotinus magnus : Pérotin le grand), actif vers la fin du XIIe et premier quart du XIIIe siècle qui compose plutôt à trois ou quatre voix. Selon Craig Wight, il est Pierre, le succentor (sous-chantre) de Notre-Dame, la « dignité » de grand-chantre étant dévolue à un ecclésiastique dont la fonction n’est pas purement musicalen 1. Le manuscrit rédigé par l’Anonyme IV au XIIIe siècle donne les noms de Léonin et de Pérotin et nous apprend que5 :
Et nota, quod magister Leoninus, secundum quod dicebatur, fuit optimus organista, qui fecit magnum liber organi de gradali et antifonario pro servitio divino multiplicando. Et fuit in usu usque ad tempus Perotini Magni, qui abbreviavit eundem et fecit clausulas sive puncta plurima meliora, quoniam optimus discantor erat, et melior quam Leoninus erat. Sed hoc non est dicendum de subtilitate organi etc. Ipse vero magister Perotinus fecit quadupla optima sicut « Viderunt, Sederunt » cum habundantia colorum armonicæ artis ; similiter et tripla plurima nobilissima sicut « Alleluia Posui adiutorium, Nativitas » etc. Fecit etiam triplices conductus ut « Salvatoris hodie » et duplices conductus sicut « Dum sigillum summi patris » ac etiam simplices conductus cum pluribus aliis sicut « Beata viscera », etc. Liber vel libri magistri Perotini erant in usu usque ad tempus magistri Roberti de Sabilone et in coro Beatæ Virginis maioris ecclesiæ Parisiensis et a suo tempore usque in hodiernum diem6.
« Maître Léonin, d’après ce que l’on disaitn 2, fut le meilleur compositeur d’organumn 3, il fit le grand livre d’organum, sur le Graduel et l’Antiphonaire [chanté à partir du Graduel et de l'Antiphonaire], en vue d’accroître la solennité du service divin [en multipliant les parties vocales différentes qu'on fait entendre en même temps, au cours de la messe et de l'office divin]. Ce livre fut en usage jusqu’au temps de Pérotin le Grand qui l’abrégea et fit des clausules ou sections très nombreuses et excellentes car il était excellent compositeur de déchant et encore meilleur que Léoninn 4. — Anonyme IV, 1275.
(la suite : Sed hoc non est dicendum… hodiernum diem, n’est pas traduite dans cet article, pour le moment). »
3:32
Breves dies hominis de Léonin ou peut-être de Pérotin
Deux des œuvres emblématiques sont à citer : Viderunt omnes, Graduel de Noël (daté de 1198) et Sederunt principes, Graduel de Saint-Étienne (26 décembre) daté de 1199. Dans le Viderunt omnes, on peut observer un canon à la quinte, constitué entre le duplum et le triplum (la 2e et la 3e voix). Ces deux pièces se trouvent au début des manuscrits W1 et Pluteus (voir plus bas), ce qui indique bien la valeur ou l’importance des œuvres.
Comme le manuscrit original a disparu et n’est connu que par des copies de dates diverses avec de sensibles modifications, il est probable que les pièces de Léonin retouchées par Pérotin lui soient attribuées faussement, ou que l’apport de l’un ne puisse être mesuré convenablement. Il est possible aussi qu’avec la sensible transformation des manières de noter la musique, le copiste ait volontairement transformé le texte parvenu jusqu’à nous.
Sources
Le Magnus Liber Organi, dont l’original a disparu, était un manuscrit, copié entre 1160 et 12407, où se trouvait noté le vaste répertoire de la cathédrale. Le nom complet est Magnus Liber Organi de Graduali et Antiphonario, soit Grand livre de l’organum sur le Graduel et l’Antiphonaire. Il était placé sur un lutrin, au milieu du chœur lors des cérémonies.
Il fut souvent copié partiellement ou intégralement et diffusé partout en Europe. Edward Roesner6 considère qu’il s’agit du premier corpus polyphonique écrit et non transmis oralement.
Organisation – Le contenu des manuscrits est structuré selon le calendrier liturgique, mais dans une hiérarchie respectant le rang particulier de Noël, Pâques, Pentecôte et Assomption, appelés annuale. Les autres, classées par le terme de duplex, puis les secondaires, appelées semiduplex, regroupant les saints, évêques ou simples confesseurs8. De même le nombre de pièces disponibles pour chaque fête, diminuent à l’inverse de leur hiérarchie ; les fêtes les moins importantes ne reçoivent aucun organum.
Après la relation à la liturgie le classement suit le nombre de voix, le genre, et le type de liturgie9.
Il subsiste deux types de sources essentielles pour étudier ce mouvement : les manuscrits musicaux et les écrits des théoriciens.
Manuscrits conservés
Les manuscrits disponibles sont très postérieurs à la composition des œuvres. Par exemple le Viderunt Omnes de Pérotin, l’une des pièces les plus emblématiques du répertoire, a été composée avant 1198, mais la source la plus ancienne n’apparaît que dans le W1 copié vers 1245. On ordonne les sources chronologiquement par rapport à leur rédaction ; sachant que les trois manuscrits principaux sont les F, W2 et W1.
La structure du Magnus Liber Organi que décrit Anonymous IV se retrouve « dans l’organisation du manuscrit de Florence, [et] se conserve de manuscrit en manuscrit de manière assez stable10 ». La différence étant dans le choix effectué par les copistes. Le manuscrit de Florence, compte une centaine de pièces dans sa section liturgique. Le manuscrit W1, 43 et le W2 en compte 4611. Craig Wright discute de ces éléments pour en conclure que ces choix sont effectués selon les besoins locaux des processions12 et l’élimination des pièces propres à Notre-Dame13.
Manuscrit Pluteus 29.1 ou F de la Bibliothèque Medicea-Laurenziana de Florence14. Il fut copié à Paris et enluminé dans l’atelier de Jean Grusch (probablement situé entre Notre-Dame et la Sorbonne15,16) entre 1240 et 1255. C’est un grand manuscrit de 232 × 157, écrit d’une seule main et réparti en 11 fascicules, le tout organisé selon le cycle liturgique. Les pages contiennent douze portées. Le manuscrit comporte une lacune, repérée par une double pagination.
Il contient 1023 compositions, uniquement religieuses, pour les grandes fêtes de Noël, Pâques, Pentecôte et Assomption ainsi que pour d’autres cultes pratiqués à Paris : Sainte Madeleine, Saint-André ou Saint Denis. Le tout correspond essentiellement à une copie du Magnus Liber Organi de Léonin (cent pièces attribuables) et aux ajouts de Pérotin et de son école décrit par l’Anonyme IV au chapitre VI.
La notation est modale.
Selon Craig Wright17 « c’est le manuscrit qui reflète le mieux l’usage de la cathédrale Notre-Dame de Paris18 ».
fascicule 6 : motets et conduits à trois et quatre voix (fos 201–262)
fascicule 7 : conduits à deux voix (fos 263–380)
fascicule 8 : motets à trois voix (fos 381-398)
fascicule 9 : motets à deux et à trois voix (fos 399–414)
fascicule 10 : conduits monodiques (fos 415–462)
fascicule 11 : conduits monodiques (fos 463–476)
Manuscrit 20496 (Madrid)
Manuscrit 20496 de la Bibliotheca Nacional de Madrid20. Copié vers 1260 peut-être pour le chapitre de la Cathédrale de Tolède ou il fut conservé jusqu’en 1869, au sein des Archives capitulaires de la cathédrale. Mais ne figurant pas au catalogue jusqu’au XVIIe siècle, le doute subsiste quant à sa destination, sans doute d’un usage liturgique privé et non public.
Il est composé de 142 folios de 166 × 115 et il manque des cahiers avant le folio 5 et les folios 106-107. Il a été écrit par trois mains différentes : fos 1–4, fos 5–24 et fos 25–142.
Il contient une collection de conduits (en latin : conductus) (l’essentiel du répertoire) et de motets parfois en source unique, mais le manuscrit de Florence les présente dans le même ordre et avec très peu de variantes. Il est clairement articulé en deux parties. La première comporte de grands organa quadrupla. Dans les motets, à deux ou trois voix, il manque souvent la partie de ténor. Une pièce, Graduletus populus (fo 125vo ) est à une seule voix.
Le manuscrit comporte des unica, tel le In sæculum, un hoquet qui selon Anonyme IV a été composé par un hispanique. Le recueil présente aussi des sections d’organa tropés à quatre voix, et une pièce importante de Pérotin : Viderunt omnes.
La notation est carrée et rythmique.
Manuscrit W1 (Wolfenbüttel)
Manuscrit W121 de la bibliothèque Herzog-August de Wolfenbüttel.
Le premier manuscrit de Wolfenbüttel, le W1 est, selon les paléographes, une compilation du milieu XIIe siècle ou jusqu’à 130022, destinée au prieuré bénédictin de St Andrewsn 5 en Écosse.
C’est un petit livre de 16,6 × 11,5 cm dont les marges ont été rognées pour la reliure. Il contient 197 folios sur les 215 à l’origine, dans 26 cahiers, sur lequel sont tracées douze portées. À moins de considérer la date la plus ancienne proposée par les historiens, il est constitué d’un répertoire à deux voix, relativement ancien (1200) par rapport à la date du recueil ; ce répertoire restant plus ancien que le manuscrit de Florence, sa valeur est grande. Copié par deux scribes différents.
fascicule 2 : tripla et conduits à 3 voix (f. 9–16)
fascicule 3 : dupla – office (fos 17–24)
fascicule 4 : dupla – messe (fos 25-48)
fascicule 5 : clausules à 2 voix (fos 49-54)
fascicule 6 : clausules à 2 voix et 1 conduit à 2 voix (fos 55–62)
fascicule 7 : tripla (fos 63–69)
fascicule 8 : conduits, tripla, clausule, tropes, tous à 3 voix (fos 70–94)
fascicule 9 : conduits à 3 voix, conduits et tropes à 2 voix (fos 95–176)
fascicule 10 : conduits monodiques (fos 177-192)
fascicule 11 : polyphonies à 2 voix pour la Missa de Sancta Maria (fos 193-214)
Manuscrit Egerton 2615 (Londres)
Le manuscrit Egerton 2615, conservé à la British Library de Londres, date de 1240–1255. Il semble avoir été produit dans le même atelier que F pour la cathédrale de Beauvais13,24.
La reliure qui rassemble les trois fascicules dont il est composé, a été effectuée très tôt courant XIIIe siècle13. Le second fascicule contient les plus populaires polyphonies de Notre-Dame25. Le troisième étant dévolu au Jeu de Daniel qui convient aussi pour la fête de la Circoncision.
fascicule 1 : quadrupla et tripla pour la fête de la Circoncision (fos 1–78)
fascicule 2 : quadrupla, tripla, motets et conduits à 3 (fos 79–94)
Manuscrit H 196 de la Bibliothèque de l’École de Médecine de Montpellier26. Le recueil est composé de 400 feuillets de 192 × 136, répartis en huit fascicules. Il y a huit portées par page, mais la disposition varie selon les fascicules. Il fut copié et enluminé entre 1260 et 1280 (fasc. I-VI). Il a été relié au XVIIIe siècle. Le fascicule VII date de la fin du XIIIe siècle et le dernier vers la fin du règne de Philippe le Bel (peut-être pour le début d’un autre recueil).
Il contient une anthologie de 345 compositions dont l’origine est probablement Paris ou non loin (mais il y a quelques traces de parlé picard dans les textes français), représentatives de l’époque. Le répertoire est essentiellement composé de motets profanes à deux ou trois voix, mais aussi de quelques pièces religieuses adoptant la forme du conductus (le conduit), des organa (pluriel d’organum) et des hoquets ; le tout classé d’après le nombre de voix composant les morceaux.
Certains organa, copiés dans une notation plus évoluée, permettent de se faire une idée plus précise du rythme.
Manuscrit W2 (Wolfenbüttel)
Le conduit Salvatoris hodie extrait du Manuscrit W2 de Wolfenbüttel, f°31r.
Manuscrit W227 de la bibliothèque Herzog-August de Wolfenbüttel. L’origine du W2 est française, sans doute du centre de la France. Il est de petite taille, 175 x 130, contient 253 folios, répartie sur 33 cahiers. Copié entre 1250 et 1260 par trois mains différentes : 1) fasc. I-V, a copié des organa, 2) fasc. VII-X, copie des motets, 3) fasc. VI au parchemin différent des autres. Les pages comprennent huit à dix portées. Il y a quelques pertes. Le recueil contient une majorité de motets souvent en français (quelques-uns avec un double texte), seulement 29 conduits et aucune clausule.
Le rythme y est noté plus précisément, sous forme carré modale et conjoncturæ losangées.
fascicule 7 : motets-conduits à 3 voix (latins, français) ; conduits à 2 voix (fos 123–144)
fascicule 8 : motets latins à 2 voix (fos 145–192)
fascicule 9 : motets-doubles français à 3 voix (fos 193–215)
fascicule 10 : motets français à 2 voix (fos 216–153)
Manuscrit Msc.Lit.115 (Bamberg)
Manuscrit Msc.Lit.115 de la Bibliothèque d’État de Bamberg29. Provient de la bibliothèque du chapitre de Bamberg. Il est peut-être originaire de France et fut copié entre 1270 et 1300 sur 80 folios de 26,3 × 18,6 et relié en 1611. Le recueil est articulé en deux parties : les chants (fos 1–64v — sur 10 portées) et deux traités ainsi que deux motets supplémentaires (fos 65–80 — les motets sont notés sur onze portées).
Les traités sont copiés par une main différente, mais de la même époque. Le premier, fos 65–79 est de 1271 par l’Anglais Amerus. Il traite des nuances, des huit modes et de la main guidonienne. Le deuxième, fos 79r & 79v, présente une doctrine mensurabiliste enseignée à Paris de 1240 à 1260.
La musique est composée de 107 motets à trois voix en français ou en latin classés à peu de chose près dans l’ordre alphabétique des incipit, les latins d’abord (44) puis les autres (47 en français et 9 bilingues), outre un conduit (conductus) et sept clausules. Beaucoup de ces motets sont de nature profane et plus anciens que la date de copie (1225–1255 excepté quelques œuvres datées de 1275 maximum). L’essentiel du manuscrit se trouve dans celui de Montpellier.
Le type de la notation, proche du système de Diecritus, est pré-franconiennen 6 et plus évolué que celle du H 196 de Montpellier. Les longues et les brèves sont bien différenciées.
Codex Las Huelgas du monastère des religieuses cisterciennes de Santa Maria la Real de Las Huelgas de Burgos30. Assez tardif, il fut copié à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle sur 18 cahiers. Au folio 152 verso apparaît le nom d’un compositeur : Johannes Roderici ou Johan Rodrigues qui corrigea sans doute les folios plus anciens.
Le manuscrit totalise 186 pièces de nature très hétérogène. Malgré le mélange avec des pièces de l’Ars nova, du début de l’époque suivante, il contient aussi des organa, conduits et motets de l’ancien style (moins d’une cinquantaine), d’origine hispanique, parfois de style antérieur ou semblable à celui de l’école de Notre-Dame, et très proches du manuscrit W1. Le contenu liturgique se monte au quart du recueil. Les quatre cahiers du début contiennent les organa et les quatre à la fin, les conduits. Les dix cahiers centraux sont constitués de proses et de motets, à parts égales.
Le type de notation est franconienne : « le manuscrit de Las Huelgas a traditionnellement été considéré comme le meilleur exemple que l’on connaisse de la notation franconienne » (Juan Carlos Asensio31).
Manuscrit Vari 42 (Turin)
Le manuscrit Vari 42 de la Bibliothèque Royale de Turin est d’origine française, vers 1300. Son contenu est beaucoup plus réduit mais apparenté au manuscrit de Montpellier.
Autres manuscrits
On peut ajouter encore :
Londres, British Library, Add. 30091
Cambridge, Univerty Library ms. Ff. 2.29
Madrid, BN, Ms 20486 (origine probable : Tolède)
Stary Sącz, Klasztor PP. Klarysek (fragments)
Ainsi que Turin, Darmstadt et Worcester.
Les théoriciens
Jean de Garlande (1195 ? – 1272 ?). Est, avec Francon de Cologne, le plus important des théoriciens. Il enseigne à Paris à la même époque que Francon. Son De mensurabili positio (v. 1240) est le traité le plus précis et le plus clair sur la conception et la notation du rythmen 7. En raison de la date et de la provenance, le traité « est sans doute le plus proche de l’école de Notre-Dame et du Magnus liber organi32. » Il a largement commenté le style des organum à 3 et 4 voix de Pérotin, notamment pour ce qui est de l’ornementation mélodique selon des procédés formulaires des voix supérieures, c’est ce qu’on appelle les colores.
Anonyme IV, un étudiant anglais, qui a décrit (vers 1280) les pratiques de Notre-Dame entre 1270 et 1275, c’est-à-dire un siècle après l’origine de l’activité des compositeurs. Ce texten 8, sans titre, cite des pièces importantes des manuscrits qui peuvent être attribuées à Léonin ou Pérotin. La nomination Anonyme IV provient du musicologue E. de Coussemaker33.
Anonyme de St-Emmeran. Le De musica mensuratan 9 est un manuscrit anonyme daté de 1279, composé en prose et en vers par un théoricien, élève parisien de Maître Henri de Daubuef, chanoine de Notre-Dame. Il connait les traités de Jean de Garlande et de Lambertus. Il figure parmi les traités les plus longs et les plus étendus de l’époque. Comme Anonyme IV, il prend pour modèle le traité de Jean de Garlande32, pour le défendre34,35.
Francon de Cologne, enseignant à Paris au milieu du XIIIe siècle et auteur probable du Ars cantus mensurabilis (vers 1260). Le traitén 10 a eu une faible diffusion, mais il a été connu surtout par des abrégés diffusés dans les maîtrises, collèges ou l’université de Paris36.
Jean de Bourgogne n’a laissé aucun traité, mais Pierre de Picard — voir après — nous laisse beaucoup de notation.
Pierre de Picard. Auteur de Ars mottetorum compilata breviter, un court traité reproduit intégralement par Jérome de Moravie son élève. On pense que Pierre le Picard et Pierre de la Croix (Petrus de Cruce), réformateur de la notation franconienne et précurseur de l’Ars nova, sont la même personne.
Jérôme de Moravie. Plutôt écossais que morave, ce dominicain est actif à Paris jusqu’à la fin du XIIIe siècle. Il était professeur de musique à St. Jacques. Il réalise dans son traité, Tractatus de musica, une somme des connaissances musicales de son temps37.
Traité du Vatican
Le traité de composition du Vatican38, provient du nord de la France entre 1170 et 1180. C’est une sorte de manuel ou traité de l’organum à deux voix. Bien que regorgeant d’exemples, on ne fait mention à aucun moment du rythme. Il permet cependant de se représenter la façon dont les doubles (les deuxièmes voix) étaient composés et montre des passages d’organum de plus en plus fleuri. Le traité donne aussi trois organa complets en annexe.
La notation
La notation de la musique de la fin du XIIe siècle se fait sur quatre ou cinq lignes. Les clés sont d’ut ou de fa (très exceptionnellement celle de sol ou d’ut à l’octave). Les notes sont réduites au carré. Les notes longues sont figurées par un rectangle plus ou moins allongé. Les groupes neumatiques sont séparés par des traits verticaux et une double barre indique la fin du morceau. Pour les altérations, on trouve l’indication du bémol, du bécarre et courant XIIIe siècle apparaît le dièse.
Formes, procédés et genres
Si l’organisation liturgique structure l’ordre les recueils manuscrits sur le modèle du Liber organi (et du calendrier), chaque forme correspond à un usage précis dans cette liturgie39.
Dans les traités théoriques du XIIIe siècle, il y a trois « espèces de polyphonie » contrastées : l’organum, le déchant et la copula. Par exemple Jean de Garlande : « Sciendum est ergo, quod ipsius organi generaliter accepti tres sunt species, scilicet discantus, copula, et organum, de quibus discendum est per ordinem40. »
Espèces de polyphonie
L’Organum désigne, en général, toute la polyphonie et de manière spécifique, un genre particulier de polyphonie41.
Dans la pratique, l’organum n’est nullement pour tous les jours : la polyphonie est réservée aux fêtes les plus importantes et pour un type de pièces particulier : antiennes sur les cantiques, le dernier répons des matines, graduel et alleluia de la messe, pour les hymnes et les séquences42. Contrairement à notre écoute moderne qui privilégie la polyphonie et réduit à son minimum les parties monodiques. C’est donc le contraire qui est la norme des interventions, mettant en valeur l’effet sonore de la polyphonie43.
En tant que genre l’organum est une polyphonie élaborée et ornée qui se développe sur une section de plain-chant. Il se divise en Organum duplum (à deux voix ou diaphonie) et Organum triplum / quadruplum. D’abord procédé d’écriture qui remonte, selon les premiers écrits, au IXe siècle, l’organum a évolué en une forme musicale à part entière.
Sur une mélodie issue du plain-chant et appelée cantus firmus vient s’ajouter la voix organale. Partant de l’unisson, elle progresse jusqu’à la quarte inférieure et s’y maintient en mouvements parallèles. On distingue deux styles, l’un dit fleuri ou mélismatique et l’autre en déchant (note contre note). L’organum duplum alterne ces deux derniers styles au sein d’une même composition. Pérotin a écrit postérieurement des sections alternatives de déchant appelées clausules.
La voix organale des dupla, dans sa partie mélismatique, doit prendre la forme d’un flux non mesuré de caractère essentiellement improvisatoire dont le rythme est assujetti aux articulations du texte et aux rapports de consonance avec le cantus firmus44. Les traités du XIIIe siècle sont peu explicites à ce sujet, et ont occasionné des débats virulents parmi les musicologues du XXe siècle45. Le système de notation des tripla et quadrupla fait usage des modes rythmiques, au nombre de six, la valeur de chaque note étant déterminée par sa position au sein des ligatures de l’écriture neumatique.
Suivant le degré de solennité de la cérémonie, l’organum était d’autant plus lent. Le déchant est un procédé qui utilise le mouvement contraire, base du contrepoint : il apparaît vers 1025 dans le Micrologus de Guido d’Arezzo et sera repris par un traité de John Cotton vers 1100.
Copula
La seconde espèce de polyphonie est la copula. Jean de Garlande ne lui consacre qu’un petit paragraphe, au chapitre 12. Suivant ses mots, Jeremy Yudkin46, a mis en évidence les éléments qui suivent : la copula est subdivisée en sections (de longueurs égales ou non), appelées l’antécédent et le conséquent ; eux-mêmes divisés en motifs répétés, séparés par des lignes de division appelées tractus.
La copula se développe sur la teneur (en note tenues), avec un motif mélodico-rythmique qui se répète et s’organise en deux parties47. L’organum et le déchant ont des textures contrastées, de par leur nature et leur activité rythmiques.
Sa position intermédiaire dans les exposés des théoriciens est ambivalent. « La copula participe de l’organum purum par sa teneur en notes tenues, et du déchant par sa voix supérieure en rythme modal qui sont les deux caractéristiques confirmées par les trois théoriciens47 » (Jean de Garlande, Anonyme IV et l’Anonyme de St-Emmeran). La copula participe aux deux textures : elle emprunte au déchant son rythme modal et sa teneur conserve le cantus firmus de l’organum48.
La dernière espèce de polyphonie définie par les théoriciens est le déchant. Il correspond à une superposition de mélodies en mode syllabique, note contre note et en différents modes rythmiques49, qui apparaît à partir du XIIe siècle. Il existe 6 modes et 36 combinaisons modales possibles50. La voix organale est remplacé par le discantus qui se place cette fois-ci au-dessus du cantus-firmus qui passe à la basse et prend le nom de teneur (qui donnera notre moderne ténor). Cette voix use d’une grande liberté de mouvements contraires, abandonnant le parallélisme ancien. Cette voix est couramment improvisée et ornée ; c’est tout ce qui n’apparaît pas dans les sources qui nous restent.
Le plus couramment, ils sont sur des tropes d’Alleluia ou de Benedicamus.
Dans le discours musical des organa, les trois espèces se succèdent (ponctué et sous-tendu par le plain-chant) et se déroule ainsi : « le début de l’incipit en polyphonie constitué par la succession de trois textures contrastées, la suite et la fin de l’incipit en grégorien, puis le début et la suite du verset selon le même princips48. »
Le Conductus : ou chant de conduite51 qui peut être monodique ou polyphonique. Son nom même indique qu’il est destiné à l’origine, à accompagner une procession52 durant l’office. Cette forme provient directement du versus (verset) de la tradition aquitaine.
Francon de Cologne insiste sur le traitement clairement rythmique de cette forme. Les conduits sont écrits à la manière du discantus, le texte et la musique étant des compositions libres, sans relation avec le texte de la liturgie canonique ou le chant grégorien : le compositeur est désormais face à son inspiration52. Les conduits prennent une forme strophique pour les poèmes.
Le témoignage de l’Anonyme IV apprend que c’était bien Pérotin qui composa le conduit monophonique Beata Viscera, dont le texte a été composé par Philippe le Chancelier. Les conduits existent à une ou à quatre voix égales. Les conduits à deux voix sont les plus riches en variations techniques, les phrases finissent souvent avec une « copula » (liaison) sur la dernière syllabe.
« L’école de Notre-Dame a produit un nombre considérable de conduits. L’écriture à trois voix y acquiert une souplesse considérable et une force d’expression d’autant plus grandes qu’entre les points d’appui consonants, la liberté des notes de passage introduit des harmonies étrangement riche et « modernes ». On trouve (par exemple dans le Crucifigat Omnes, déploration sur la perte de Jérusalem), aux points de consonances, des quintes superposées qui sonnent pour nous comme des accords de « neuvième », accords qu’on ne réinventera qu’avec Wagner et Debussy »
Les clausulæ : ou clausules sont des sections musicales des organa qui remplacent certains passages d’origine. Les clausulæ gardent le cantus firmus de l’original, en déchant. Par ce moyen, Pérotin a modernisé le répertoire laissé par Léonin. Le manuscrit de Florence (fascicule 5), particulièrement riche, en comporte 462 s’appliquant à 75 organa dupla. Un seul passage pouvant en recevoir de neuf à jusqu’à douze clausulæ53.
Motet
Motet : (de motetus, petit mot) un chant polyphonique de type organum sur lequel on ajoute un texte nouveau. Pour citer un motet il faut citer les deux ou trois textes qui composent le morceau. Les pièces les plus anciennes se trouvent dans le W2. Les textes latins ou en français sont apparus en même temps et l’on trouve des mélanges. D’abord à deux voix, c’est vers 1220 que les compositions se voient ajouter une troisième voix, d’abord le triplum qui reprend les paroles du motetus (appelés motets-conduits), vite abandonné au profit du triplum ou quadruplum. N’a aucun rapport avec l’acception du terme au XVIIe siècle.
L’école de Notre-Dame se montre moins parisienne que ne semble le défendre les chercheurs du début du XXe siècle, tel Friedrich Ludwig54. Au XIIIe siècle se propage en Angleterre ou en Espagne, comme les manuscrits W1, de Madrid ou de Burgos, nous le suggèrent des pratiques polyphoniques issues de l’organum parisien2, mais aussi des développements propres, puisque les « versets du Kyrie, des proses, le Santus et l’Agnus qui n’étaient pas traités polyphoniquement à Paris2 », sont d’origine anglaise. La plupart des organa anglais n’utilisent que le premier mode rythmique (noire-croche, noire-croche) et domine aussi dans les motets plus tardifs.
Pérotin & l’École de Notre-Dame, 1165-1245 – Ensemble Gilles Binchois, dir. Dominique Vellard (Ambroisie AMB 9947) (Fiche sur medieval.org) 1165-1245, texte de présentation est d’Edward Roesner.
École de Notre-Dame : Léonin, Pérotin, Plain-chant et organum tirés du Magnus Liber Organi – Ensemble Orlando Consort (1996, Archiv) (OCLC225278208)
Dame de Flors, École Notre-Dame XIIe siècle-XIIIe siècle, Motets, Conduits, Organum – Ensemble Discantus, Dir. Brigitte Lesne (1996, Opus 111 OPS 30-175) (Fiche sur medieval.org), (OCLC38451400)
Musique profane
Les écoliers de Paris, Motets, Chansons et Estampies du XIIIe siècle – Ensemble Gilles Binchois, dir. Dominique Vellard (1992, Harmonic Records H/CD 9245) (Fiche sur medieval.org)
Codex Bamberg
Codex Bamberg – Camerata Nova, Luigi Taglioni (1997, Stradivarius STR 33476) (Fiche sur medieval.org)
Codex de Madrid
Codex de Madrid XIIIe siècle – Ensemble de musique Alfonso X El Sabio, Luis Lozano Virumbrales (24–27 juin 1997, Sony SK 60074) (OCLC884662627)
Éditions
Polyphonies du XIIIe siècle; le manuscrit H 196 de la Faculté de médecine de Montpellier, édité par Yvonne Rokseth, Paris: Éditions de l’Oiseau lyre, 1935-1939
The Rhythm of Twelfth-Century Polyphony: Its Theory and Practice, Edited by William Waite, Yale Studies in the History of Music, vol. 2, New Haven, 1954
Thirty-five Conductus for Two and Three Voices, Edited by Janet Knapp, Y1006. A-R Editions, 1965
Compositions of the Bamberg Manuscript, Edited by Gordon A. Anderson, CMM 75. Corpus Mensurabilis Musicæ, 1977
The Montpellier Codex, Edited by Hans Tischler. Part 1: Critical Commentary, Fascicles 1 and 2, M002-3; Part 2: Fascicles 3, 4, and 5, M004-5; Part 3: Fascicles 6, 7, and 8, M006-7; Part 4: Texts and Translations, M008. A-R Editions, 1978
The Conductus Collections of MS Wolfenbüttel 1099, Edited by Ethel Thurston. Part 1, M011; Part 2, M012; Part 3, M013. A-R Editions, 1980
The Las Huelgas Manuscript, Edited by Gordon A. Anderson. Vol.I Cantus ecclesiastici ad missam pertinentes, CMM 79-1; Vol.II Motetti et Conductus, CMM 79-2. Corpus Mensurabilis Musicæ, 1982, 1984
The Parisian Two-Part Organa: The Complete Comparative Edition, Edited By Hans Tischler. [vol.1: Acknowledgments, preface, indexes, pp. vi-lxviii; Style and Evolution -catalogue raisonné- Office Organa, 631 p.; vol. 2: The Mass Organa and Mass-Ordinary Settings, p. 632-1605.] Stuyvesant, N.Y.: Pendragon Press, 198856
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Notes et références
Notes
À l’office, la fonction du grand-chantre est, entre autres, de chanter la phrase d’intonation des prières grégoriennes. D’un point de vue plus général, on peut, en partie, comparer son rôle à celui d’un directeur d’établissement scolaire, alors que le métier de succentor est celui d’interprète et d’enseignant.
Ou : « selon la tradition orale ».
optimus organista
optimus discantor
Ce sont les deux Répons de l’office du fascicule III qui permet de le prouver : Saint-André étant le patron de l’Écosse. Le folio 164r, permet aussi de savoir qu’il faisait toujours partie de la bibliothèque du monastère au XIVe siècle.
Franconien, c’est-à-dire qu’il correspond à la notation que présente Francon de Cologne dans son traité, vers 1260.
Environ 5000 mots : il est court.
Environ 22000 mots.
Et conservé à Munich. Édité et traduit en anglais par H. Sowa, 1990.
Environ 4000 mots.
Célèbres hoquets dans le manuscrit de Bamberg
Références
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Guillaume de Machaut, né probablement à Machault, près de Reims, vers 1300 et mort à Reims en 1377, est un compositeur et écrivain français du XIVe siècle. Il a mené une vie dans le monde laïc, au service de mécènes et en liens étroits avec la Couronne de France. Il a aussi mené une vie ecclésiastique en tant que chanoine de Reims. Clerc lettré et maître ès arts, il a marqué pendant au moins un siècle la production artistique européenne.
Éléments biographiques
Vie dans le monde laïc
Les éléments sur le lieu de naissance de Guillaume de Machaut sont lacunaires, la tradition biographique1, donne la commune de Machault, qui faisait partie à l’époque du diocèse de Reims, comme lieu de naissance du poète-musicien2. Mais si, comme cela est attesté par des pierres tombales, une famille de Machault vivait effectivement dans la commune vers 13403, d’autres Machaut (ou Machau, Machaud, selon les manuscrits), étaient localisés à Attigny, à Reims et Chalons sur Marne dès le XIIIe siècle4.
Aussi incertaine que le lieu, son année de naissance est située entre 1300 et 1302 issu d’une famille roturière. On ne sait rien sur ses vingt premières années sinon qu’il reçut les ordres mineurs étant jeune.
En 1324, il composa la première œuvre que l’on connait de lui, le motetBone Pastor Guillerme dédié au nouvel archevêque de Reims Guillaume de Trie.
Il fut employé comme secrétaire de 1323 à 1346 par Jean Ier de Bohême, avec lequel il acquit l’amour de la fauconnerie, de la chevalerie et des aventures. Il accompagna Jean Ier dans ses divers voyages (principalement des expéditions militaires) à travers l’Europe (en particulier à Prague), participant aux campagnes de Silésie, de Pologne (1327)5, de Lituanie (1329) et d’Italie (1330)6. Ces divers voyages sont racontés dans ses œuvres Le Confort d’Ami et La Prise d’Alexandrie. Machaut parle de Jean de Bohême comme d’un roi idéal : un homme courageux et généreux. Grâce à son protecteur, il obtint successivement des prébendescanoniales à Verdun en 1330, à Arras en 1332, à Reims en 13336 et à Saint-Quentin.
En 1346, Jean Ier fut tué à la bataille de Crécy, et Guillaume de Machaut entra au service de divers seigneurs, parmi lesquels la fille de son ancien maître, Bonne de Luxembourg (pour laquelle il écrivit le Remède de Fortune et un motet) en 1347, puis Charles II de Navarre, aussi appelé Charles le Mauvais (pour lequel il écrivit le Confort d’Ami) de 1349 à 1357. Mais aussi ensuite des fils de Bonne : Jean de Berry à partir de 1357, Philippe le Hardi et Charles, duc de Normandie, qui allait devenir le roi Charles V en 1364. Par ce biais, il se mit sous la protection des princes et se revendiqua à la fois poète de la Cour et poète individu. Vers la fin de sa vie, il servit également Pierre de Lusignan (auquel il dédia la Prise d’Alexandrie) et Amédée de Savoie (pour lequel il écrivit le dit de la Harpe).
Vie ecclésiastique
Machaut s’installa ensuite en tant que chanoine au sein du chapitre de la cathédrale de Reims, ayant renoncé à ses autres postes canoniaux à la demande du pape Benoît XII. La date de son installation est floue. Nous savons qu’il reçut son canonicat en expectative en 1333, puis une confirmation en 1335 lors de l’arrivée du nouveau Pape Benoît XII. Il fit une réception de ce poste par procuration en 1338, et si certaines hypothèses prétendent une installation à Reims en 1340, une étude récente indique que la présence de Machaut en tant que chanoine n’est régulière qu’à partir de 1359. En effet, après la réception de son poste, il continuait ses déplacements et maintenait ses liens avec les princes, ce qui lui permettait de ne pas perdre le contact avec le monde profane. C’est d’ailleurs à cette dernière date qu’il participe à la défense de la ville assiégée par les Anglais d’Édouard III7.
Cette vie de chanoine sera le point de départ de la période la plus féconde pour son œuvre poétique et musicale. Il posséda une maison à Reims au 4 de l’actuelle rue d’Anjou. Il s’y retira à la fin de sa vie. Il mourut en 13778 et repose avec son frère Jean en la cathédrale de Reims.
Guillaume de Machaut survécut à la Peste noire qui dévasta l’Europe, et vécut ses dernières années à Reims, recopiant ses manuscrits et composant. Son poème Le Veoir Dit (vers 1364) est autobiographique selon certains auteurs. Il relate une histoire d’amour tardive pour une jeune femme de 19 ans, supposée être Péronne d’Armentières, bien que cela soit contesté par d’autres.
Œuvres
Dans son œuvre il allie les lumières d’un clerc et la vaillance chevaleresque, il est proche de son contemporain Jean III de Craon. Comme toutes les autres productions pour l’église, ses œuvres liturgiques sont destinées à faire entendre la parole divine au cours d’un office et chantent la gloire de Dieu. Sa production religieuse part ainsi des motifs de plain-chant (ou chant grégorien), dont elle s’éloigne en les ornant et en les développant. Il perpétua alors, en les bouleversant, les traditions médiévales des polyphonistes de l’École de Notre-Dame de Paris et celles de l’Ars antiqua du XIIIe siècle (l’« art ancien » aux yeux des créateurs du XIVe siècle) : ces anciens auteurs avaient fait naître dès la fin du XIIe siècle un langage et des formes musicales que Machaut et ses contemporains contribueront grandement à faire évoluer. Les auteurs du XIVe siècle développèrent ainsi l’Ars nova (l’« art nouveau »), expression par laquelle eux-mêmes caractérisaient fièrement leur art, aussi bien dans le domaine religieux que profane. Machaut est à nos yeux le plus important représentant de cette école. Dans son œuvre profane, il se sert d’allégories et de la nature. Nous les retrouvons à travers les figures d’Amour et ses enfants, le Doux-penser, Plaisance et Espérance pour inspirer le poète à travers le Sens (raison), la Rhétorique (l’art du discours, envisagé sous sa forme poétique) et la Musique, alors indissociable de la parole et du discours poétique.
Tel celui du légendaire Orphée, son « chant » mêle poésie et musique pour exprimer des idées et des sentiments, et s’inscrit ainsi dans la tradition poétique et musicale venue de l’Antiquité, lignée initiée, pour nous, par Homère. Mais il est un héritier encore plus direct des trouvères médiévaux des XIIe et XIIIe siècles (évidemment bien plus proches de lui), à cette différence près que son œuvre n’est plus monodique mais polyphonique.
C’est ainsi qu’il maîtrise les formes lyriques fixes comme le lai, la ballade, le rondeau, le chant royal et donne une impulsion décisive au virelai, forme née à la fin du XIIIe siècle. De manière tout aussi essentielle, il renouvelle l’art des grands polyphonistes d’église, dont il a contribué à faire évoluer les techniques ou les formes musicales, en les complexifiant et en y acclimatant de nombreuses innovations.
Page manuscrite de Dame, mon cuer en vous remaint, rondeau à trois voix de Guillaume de Machaut
L’œuvre lyrique de Guillaume de Machaut comprend près de 400 poèmes, dont 248 ballades, 76 rondeaux, 39 virelais, 80 lais, 10 complaintes et 7 chants royaux : avec une telle production, Machaut a eu une grande importance dans la codification et le perfectionnement de ces formes fixes. Une grande partie de sa production lyrique est insérée dans ses poèmes narratifs, ou dits, tels que Le Remède de Fortune et Le Voir Dit.
Nombre de ces poèmes n’ont pas été mis en musique. Dans plusieurs de ses manuscrits la musique n’a pas été recopiée. L’écriture du poème précédait toujours la composition de la musique. En effet, la musique occidentale était née à l’église, du chant grégorien puis de la polyphonie, qui s’était initialement développée autour de cet axe (la voix appelée teneur grégorienne, celle qui « tient » le chant). Cet art du « verbe » chanté avait eu d’abord pour objectif (chose fondamentale) de mettre en forme et donc de faire entendre ce que le christianisme considère comme la parole divine. Au XIVe siècle, la musique purement instrumentale, qui bien sûr existait, était encore loin d’avoir pris son autonomie9. Longtemps, jusque dans la musique baroque, c’est la parole qui prima, aussi bien dans les œuvres profanes que religieuses : la musique, vocale ou instrumentale, continua à développer ce qu’on peut appeler un discours, un art rhétorique procédant de la voix.
Les motets en latin de Machaut étaient tout naturellement destinés à l’église (cérémonies et offices religieux). Comme d’autres auteurs de son temps, il composa également des motets profanes, aussi bien que des motets sur texte double (latin et français), ce qui peut aujourd’hui sembler être une bizarrerie mais qui se développa jusqu’au XVe siècle et même XVIe siècle.
Dans le domaine profane, hormis quelques poèmes évoquant les misères de la guerre de 100 ans et de la captivité (comme La complainte à Henri), dans un siècle plein de détresse et d’épidémies, l’essentiel de la poésie lyrique de Machaut a pour sujet l’amour courtois. Elle exprime la soumission à une dame, ainsi que les joies et les peines du poète.
Pour F. Autrand, Guillaume de Machaut poète a porté à ses sommets le style dit « courtois international »10. Son œuvre narrative est dominée par le dit, un poème qui, comme son nom l’indique, n’était pas destiné à être chanté. Ces poèmes narratifs à la première personne (tous sauf un sont écrits en couplets d’octosyllabes à rimes plates, comme le roman de la même époque) suivent en général les conventions du Roman de la Rose, comme le recours au rêve, à des personnages allégoriques, et la situation du narrateur : amant cherchant à revenir vers sa dame ou à la satisfaire. Machaut est également l’auteur d’une chronique poétique d’exploits guerriers (la Prise d’Alexandrie) et de poèmes de consolation et de philosophie morale.
À la fin de sa vie, Machaut rédigea un traité poétique sur son métier (son Prologue) qui donne a posteriori une unité à l’ensemble de son œuvre lyrique.
Principales œuvres narratives de Guillaume de Machaut
Jugement dou Roy de Behaingne (Jugement du Roi de Bohême, fin des années 1330) – Le narrateur entend une conversation entre une dame (dont l’amant est mort) et un chevalier (trahi par sa dame) ; afin de déterminer lequel des deux est le plus malheureux, le narrateur va demander l’avis du roi de Bohême, qui consulte des allégories, et le chevalier malheureux est déclaré vainqueur (2079 vers).
Le Remède de Fortune (vers 1341) – Le narrateur se voit demander par sa dame si le poème qu’elle a trouvé est de lui ; il la fuit et arrive dans un jardin où Espérance le console et lui apprend comment être un bon amant ; il revient alors auprès de sa dame (environ 4300 vers ; sont insérés 8 poèmes lyriques, dont 7 mis en musique).
Dit dou Lyon (Dit du Lion, achevé le 3 avril 1342) – Le narrateur arrive sur une île magique où un lion le guide vers une belle dame ; un vieux chevalier s’approche du narrateur et lui révèle la signification de ce qu’il voit, puis lui donne des conseils pour être un meilleur amant.
Dit de l’Alérion, ou Dit des Quatre Oiseaux (avant 1349) – Un conte symbolique d’amour : le narrateur élève quatre oiseaux différents, mais chacun d’entre eux s’enfuit ; un jour, le premier oiseau, son favori, revient auprès de lui.
Jugement dou Roy de Navarre (vers 1349) – Suite du Jugement dou Roy de Behaingne : une dame reproche au narrateur d’avoir accordé le prix au chevalier ; le roi de Navarre est consulté et condamne le poète (4212 vers). Au début de son ouvrage Le Bouc émissaire, René Girard commente un extrait du Jugement du Roy de Navarre.
Confort d’Ami (1357) – Dédiée à Charles II de Navarre, qui était prisonnier en France, cette consolation poétique donne des exemples (exempla) de force d’âme tirés de récits bibliques et classiques.
Dit de la Fonteinne amoureuse, ou Livre de Morphée (écrit pour Jean de Berry, vers 1360) – Le narrateur rencontre un amant désespéré qui doit se séparer de sa dame ; les deux hommes se rendent devant une fontaine magique où ils s’endorment, et en rêve la dame vient consoler son amant (2848 vers).
Le Veoir Dit (Le Voir Dit, le dit de la vérité, vers 1364) – Chef-d’œuvre de Machaut, ce poème (parfois vu comme autobiographique) raconte la tristesse de la séparation d’un amant de sa dame (Toute-Belle) et les fausses rumeurs répandues sur lui ; des lettres en prose et des poèmes lyriques échangés par les amants malheureux sont intégrés dans un récit narratif (près de 10000 vers) qui donne à cette œuvre sa structure complexe et nouvelle pour le XIVe siècle.
Prise d’Alexandrie (vers 1370) – Récit poétique des exploits de Pierre de Lusignan, roi de Chypre, écrit après la mort de celui-ci à la demande de Charles V (près de 9000 vers).
Prologue – Conçue comme une préface à l’édition de ses œuvres réunies, qu’il rédige vers 1371, cette allégorie décrit les principes de Machaut en matière de poésie, musique et rhétorique ; il y célèbre ses deux sources d’inspiration, Nature et Amour ; Nature lui a donné trois enfants : Sens, qui tient son esprit informé, Rhétorique, qui lui enseigne l’art de construire, et Musique, qui « porte joie » partout où elle est ; Amour lui a donné trois autres enfants, Doux penser, Plaisance et Espérance : ce sont les thèmes sur lesquels vont travailler les dons de Nature.
La Louange des Dames – Œuvre dans laquelle le personnage-poète chante son amour aux Dames et décrit ses émotions, qu’elles soient heureuses ou malheureuses. Cette œuvre peint aussi le paradoxe de l’amour courtois avec l’entre-deux de la distance et de la proximité, et la douleur provoquée par le désir acharné de la Dame.
Musique et poésie étaient intimement liées chez le compositeur. Son œuvre lyrique comprend près de 400 poèmes dont l’écriture précédait toujours la composition. Il fut la figure la plus importante de l’Ars nova, mouvement musical moderniste qui poursuivit le développement de l’art polyphonique dans la musique (technique qui était apparue en France au IXe siècle et qui s’était grandement développée au XIIIe siècle). Si ses talents de poète sont moins connus, il fut pourtant considéré comme un auteur essentiel de son temps. Il était à la fois poète de cour et poète solitaire, individu privé qui écrit des chefs-d’œuvre de la poésie courtoise comme Le livre du veoir dit12. Dans les années 1330, il devint chanoine à la cathédrale de Reims, ce qui lui offrit une grande liberté pour composer, tout en lui créant également des obligations, fécondes elles aussi. Il peut être considéré comme un des derniers trouvères (cependant tous attachés à la musique monodique des XIIe et XIIIe siècles13). Succédant aux brillants polyphonistes de l’Ars antiqua, qui avait tout d’abord « fleuri » chez les interprètes/improvisateurs/compositeurs de l’École de Notre-Dame de Paris, plus d’un siècle auparavant, Machaut développa un langage polyphonique résolument moderne (on pourrait même dire d’avant-garde, comme chez les autres compositeurs de son siècle : il est le plus significatif d’entre eux). Reprenant malgré tout les canons liturgiques et artistiques des époques précédentes, il continua à se référer au plain-chant, dans certaines de ses partitions produites pour l’église (les œuvres destinées à l’église ne peuvent pas toutes être bâties sur une teneur grégorienne). Machaut écrivit des motets complexes (religieux aussi bien que profanes, selon les habitudes de ce temps). Ils sont d’une grande beauté.
Ses motets isorythmiques à 3 ou 4 voix illustrent notamment les innovations rythmiques de l’Ars Nova, rendues possibles par l’évolution de la notation musicale.
Machaut a contribué au développement de la musique polyphonique, non seulement dans ses motets, mais aussi dans ses rondeaux et ses ballades. Sa célèbre Messe Nostre Dame en cinq parties, composée entre 1360 et 1365, est considérée, en l’état actuel des connaissances, comme la première messe polyphonique complète écrite par un seul auteur. Elle est à quatre voix.
Au sujet de cette messe, Lucien Kandel écrit : « Nos recherches approfondies sur la « musica ficta » au XIVe siècle, sous la conduite très avisée du musicologue Gérard Geay, révèlent une œuvre aux sonorités inouïes à ce jour. [...]. La lecture sur manuscrit impose d’emblée un souffle et une interprétation amples, lié à l’utilisation de la valeur longue et de sa division ternaire (modus perfectus) »14.
Sa Messe Nostre Dame est d’une écriture polyphonique complexe, du point de vue mélodique aussi bien que rythmique. Ces avancées, qui résument l’Ars nova du XIVe siècle, sont inscrites dans un avant-gardisme que décrit le musicologue Jacques Chailley. Et c’est sans réelle surprise qu’elles furent saluées par Pierre Boulez, figure de proue du modernisme musical français et européen dans la seconde moitié du XXe siècle15.
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Comte de Caylus, Second mémoire sur les ouvrages de Guillaume de Machaut, contenant l’histoire de la prise d’Alexandrie, et des principaux évènemens de la vie de Pierre de Lusignan, roi de Chypre et de Jérusalem, tirée d’un poème de cet écrivain, dans Mémoires de littérature tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1744, tome 34, p. 174-216 (lire en ligne) [archive]
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Comme mon cœur désire : Le livre du voir dit. Guillaume de Machaut, Denis Hue, préface de Jacqueline Cerquiglini-Toulet, éditions Paradigme
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Dictionnaire du Moyen Âge, dir. Claude Gauvard, Alain de Libera et Michel Zink, Paris, PUF, 2004
Littérature française du Moyen Âge, Michel Zink, Paris, PUF (Quadrige-Manuels), 1re éd. 1992
1997 – Dreams in the Pleasure Garden: Machaut Chansons, Orlando Consort, Deutsche Grammophon DG Archiv 477 6731.
2004 – Zodiac : Ars Nova and Ars Subtilior in the Low Countries and Europe, Capilla Flamenca, Eufoda 1360. Contient les enregistrements de Riches d’amour et mendians d’amie et Quant je suis mis au retour de Guillaume de Machaut.
2004 Motets – Guillaume de Machaut – The Hilliard Ensemble : David James, David Gould, Rogers Covey-Crump Steven Harrold et Gordon Jones – ECM Records GmbH
2009 – En un gardin. Les quatre saisons de l’Ars Nova. Manuscrits de Stavelot, Mons, Utrecht, Leiden, Capilla Flamenca. MEW 0852. Contient un enregistrement de Se vous n’estes de Guillaume de Machaut.
Georges Minois, La Guerre de Cent ans, Perrin 2008 p. 161
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Cela n’interviendra complètement qu’à partir du XVIIe siècle.
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Si l’on excepte Adam de la Halle, mort à la fin du XIIIe siècle et dont l’art se situe à la charnière de la monodie et de la polyphonie.
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